Continuons à profiter des largesses de notre label italien favori, avec une fois n’est pas coutume, une première œuvre. Une œuvre issue des réflexions musicales d’un collectif international, plutôt anonyme si j’en juge par l’absence d’informations sur la toile. Peu importe, pourvu que le flacon soit bien rempli, et avec des parfums étranges, ce qui est immanquablement le cas de ce premier EP du concept ABSCHWÖRZUNGE. Je ne pourrai donc pas vous dire grand-chose à son sujet, n’ayant ni line-up, ni laïus promotionnel personnel, mais I, Voidhanger a évidemment suppléé à ce manque avec la verve qu’on lui connaît :

ABSCHWÖRZUNGE est une expression auditive du désespoir. Dans un amalgame de Death Metal implacable, déséquilibré et brutal et de Black Metal mécanique, glacé et sur le fil du rasoir, l’entité inconnue explore une optique tout à fait unique du « Metal extrême »

Il convient évidemment de tempérer cet enthousiasme en restant un minimum lucide et objectif. Si le groupe (ou one-man-band d’ailleurs) est rapproché de valeurs sures comme ZYKLON-B, IMMOLATION et ABIGOR, il n’en est pas pour autant la révélation de cette fin d’année 2024. On a connu bien plus étrange, brutal, abscons, dissonant, discordant, strident, implacable, impitoyable, ineffable et avant-gardiste. Ceci étant posé, il faut quand même admettre que la musique d’ABSCHWÖRZUNGE reste très loin d’un quelconque mainstream, sans même parler d’un Death old-school usé jusqu’au dernier fil du linceul.

Trente grosses minutes, c’est costaud pour un format moyen, et largement suffisant pour étayer sa thèse. Celle de Whorl est assez simple, et brillamment résumée par son label qui expliquait peu ou prou que l’entre deux Black/Death était la principale obsession en cours. Dosés de façon aléatoire selon les morceaux, les deux genres se tirent la bourre en quelque sorte, en profitant d’un travail de guitare versatile, et d’une rythmique instable. Le fait de mentionner le cultissime label Cold Meat Industries explique aussi cette rigidité permanente, et ce mécanisme frigorifié qui agite les titres les plus brefs.

Je pense notamment à « Teeth of the Hanged », qui évoque assez fidèlement une scène de pendaison, avec ses cordes tendues, son optique inflexible, et son mécanisme de fond hérité de l’Industriel le plus froid et sans âme.

Mais là n’est pas le point de focalisation le plus important. Les deux morceaux placés en ouverture et fermeture, longs de dix minutes, sont évidemment les plus symptomatiques. Il faut dire qu’ils contiennent un nombre impressionnant d’idées, à tel point qu’on a le sentiment d’écouter deux ou trois chansons indépendantes et reliées par un fil rouge.

Ou noir.

« Heinous Constellations » est d’ailleurs la façon la plus tonitruante d’entamer un premier EP, en basculant constamment entre pénombre glauque et lumière blafarde. Utilisant les codes du Death Metal classique pour mieux les détourner et les altérer en accentuant la brutalité Black Metal sous-jacente, Whorl s’impose sans perdre de temps, et imprime déjà son nom dans l’actualité. On appréciera à sa juste valeur cette bestialité sans recul, ce sadisme musical qui finalement ne procure aucun plaisir particulier aux bourreaux, et qui ressemble à s’y méprendre à du torture-porn sans le sang qui gicle ou les hurlements critiques.

« Whorl » de son côté, ose à peu près tout, de la vitesse pure à la lancinance obsédante, troquant parfois ses atours bizarroïdes pour un Metal extrême plus franc qui bouscule et déchausse quelques dents. Construit comme une progression finale, « Whorl » ne propose rien qui n’ait déjà été expliqué, mais insiste sur les qualités narratives, et se laisse même aller à un faux shunt pour mieux revenir l’air maussade.

Pour le moment, difficile de dire quelle sera la direction choisie par ABSCHWÖRZUNGE. Le projet a peut-être déjà trouvé son style définitif, qu’il laissera murir avec les années, ou bien ce premier EP est à prendre comme plusieurs pistes possibles avant explosion d’une personnalité propre. Mais cette basse concentrique, cette guitare entre la Norvège et les Etats-Unis, cette voix traditionnelle dans les pays les plus barbares font de Whorl une découverte intéressante, qu’on n’osera pas qualifier de « jolie ».

Parce que tout ça est finalement vilain. Très vilain.  

Titres de l’album:

01. Heinous Constellations

02. Machinations Internecine

03. Teeth of the Hanged

04. Whorl

Bandcamp officiel