Le titre sonne comme une adresse incomplète. Celle d’une vieille maison abandonnée, en noir et blanc malgré les couleurs, et dont personne ne se souvient vraiment. Cette image frappe l’imagination au coin des souvenirs. Nous connaissons tous un lopin de terre isolé, une construction que le temps a érodée, des légendes urbaines qui associent souvent l’ignorance à la méfiance, et d’autres chemins qu’on emprunte enfant et qu’on imagine truffés d’obstacles et autres dangers de l’ombre.
Ce premier album du one-man-band norvégien DJEVELSKAP sent bon la mémoire qui se réveille et qui s’éveille à des détails sans importance. Des photos un peu floues, des verbes hauts qui s’effacent, des discussions à bâtons rompus se terminant la plupart du temps dans le silence d’une fin de journée. Un mercredi de préférence, avec ses après-midi libres. Il y a au moins une maison comme ça par village, par ville, par mégapole. On s’y rend comme en pèlerinage pour y respirer les effluves d’antan, avant de rentrer chez soi un peu déçu. Les monstres d’avant ne sont plus si effrayants à la lumière de l’âge adulte.
DJEVELSKAP est Marius Bowitz et inversement. L’originaire d’Oslo se lance dans une carrière en solitaire, et nous propose un genre de Black Metal mature et raisonnable. Ou peut-être un Heavy Metal joué avec la violence du Black, mais qu’importe. Son style lui est propre et le rendu en est presque poétique. Strié d’énormes riffs simples et maculé de lignes vocales exhortées, 9488 est le genre de disque qu’on découvre par hasard sur les sites spécialisés, et qui intriguent suffisamment pour qu’on accepte de s’y pencher. Mais pas trop, car l’abime guette et ses créatures sont toujours à l’affut.
Pour le moment, Marius Bowitz n’a posé sur la table qu’une poignée de singles qu’on retrouve ici, compilés avec d’autres, encore inédits. Sans doute bricolé chez lui, ce premier long qui ne l’est pas tellement sent bon la passion, et l’envie ferme de proposer autre chose qu’une énième symphonie misanthropique éculée avant d’avoir été racontée. 9488 est en effet un album étrange, fait d’humeurs, mais aussi bichonné jusqu’à la plus maigre des mélodies, celle qui anime le final de « Problem » par exemple.
D’une lancinance insistante, DJEVELSKAP brode ses idées originales sur un canevas classique de Post Black Metal larvé et plus expressif que la moyenne. Si les ellipses musicales sont bien présentes, elles n’en représentent pas pour autant la majorité des arguments. Les harmonies, les arpèges en son clair, les stridences et fulgurances font aussi partie du paysage, un peu morne, noyé dans le brouillard, et opacifié par une introspection dont on ne connaît ni les tenants, ni les aboutissants.
Mais ce Black Metal qui n’en est pas est diablement addictif. Je le suis déjà à l’héroïne de « Fjord », qui me transporte en Norvège comme un avion fantôme qui survole l’Europe. Aussi noir qu’il n’est aveuglant, 9488 est d’une précision assez impressionnante eu égard à son statut de présentation, et nous évite les atermoiements en solo d’un artiste trop imbu de sa personne. Les contemplations stériles sont remplacées par des charges puissantes (« Storm »), la vacuité par de la pertinence harmonique, et les longs passages dénués de sens par des à-coups rythmiques assez impressionnants.
Un peu doomy, rarement groovy, DJEVELSKAP cède à la poésie macabre d’un coin de nature paumé. Ces morceaux au titre unique portent en eux les germes d’une contemplation hivernale, entre deux souvenirs fugaces et une saine colère. « Stress » est justement la transposition la plus cohérente de cette nervosité qui nous habite, de devoir vivre dans un monde malade et d’évoluer parmi une faune contaminée qui l’ignore encore. Ou fait semblant. On ressent ces percussions au plus profond de nos tripes, et on comprend que la colère se transforme en haine, lorsque l’abnégation se transforme et (ré)action.
Ample, majestueux, produit à la perfection, ce premier long est d’une haute teneur en émotions. Souvent, le Black et son cousin éloigné le Post sonnent un peu stérile, et surtout, sans réel but. Ici, il est de se retrouver au milieu de nulle part, et de faire le bilan des années passées.
Le froid fait trembler les membres, et semble arrêter le temps (« Frost », un genre de VIRUS plus sournois et moins inquiétant en surface), pour qu’au final on s’époumone dans le vide d’un matin blafard, la neige sur les bottes et le bonnet fermement vissé sur une tête fatiguée. (« Anger »)
Cette histoire n’est surement pas la plus belle jamais contée, mais elle a le mérite de coller à une réalité de plus en plus évidente. La solitude parmi la foule n’a jamais été aussi effrayante, au point de nous obliger à regarder en arrière, lorsque les choses étaient encore à peu près normales. L’absence de communication verbale, les images qu’on génère comme des leurres, les amitiés factices, l’empressement permanent.
On mérite bien, une fois de temps en temps, d’arrêter la montre pour s’asseoir sur le porche de cette vieille maison qui n’intrigue plus personne. Et pourtant.
Titres de l’album:
01. Signal
02. Normal
03. Problem
04. Fjord
05. Storm
06. Stress
07. Frost
08. Anger
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15