Change the World

Harem Scarem

06/03/2020

Frontiers Records

Lorsqu’on s’attaque à une chronique, on s’attend à tout. Sauf moi, et quelques autres, puisque j’ai décidé depuis des années de ne parler que d’albums que j’aime. La solution peut paraître de facilité, un peu lâche sur les bords, mais je ne vois plus l’intérêt de perdre mon temps à écouter une musique qui ne me sied pas, ni à prendre les fans pour des imbéciles en détruisant leur groupe favori. Quelques titres me suffisent la plupart du temps pour juger du potentiel d’un artiste, même si parfois cette première impression ne se confirme pas sur la durée. La plus grosse problématique en fait, même pour un chroniqueur disert, est de parvenir à trouver les mots pour décrire un art, pour quantifier une émotion, pour rationnaliser un ressenti. Et cette problématique est encore plus ardue lorsqu’on s’attaque à un groupe de légende qu’on vénère depuis ses débuts. Ainsi, depuis presque trente ans, je dois décortiquer les albums de HAREM SCAREM, et avoir à prouver qu’ils sont le plus grand groupe de Hard mélodique aux néophytes, chaque génération, chaque mode se retrouvant face à ce monolithe de talent comme les spectateurs devaient affronter celui de Kubrick il y a fort longtemps. Mais j’ai l’honnêteté de mes dires et positions. Je sais que le groupe canadien ne produira plus de Mood Swing, ni de Voice of Reason, même si Hope et Higher s’en approchaient le plus possible. Depuis leur retour, les originaires de Toronto ont tout fait pour retrouver la magie de leurs débuts, et ont réussi leur mission puisque United, le dernier témoignage avait amplement mérité les louanges qu’il avait récolté. Seulement voilà, après trente ans ou presque passés à glorifier, souligner, mettre en relief, disséquer et expliquer, les mots manquent au moment de les taper sur le clavier. On se dit que tout ça est bien vain et que chaque étape sera la confirmation sur le chemin de l’excellence, et on est tenté de s’en sortir avec quelques formules lapidaires et déjà utilisées pour simplifier le boulot. Mais HAREM SCAREM mérite mieux que ça, et Change the World aussi. Alors une fois encore, tentons l’impossible et recommençons.

Change the World ne changera rien, ni le monde, ni l’ordre des choses, ni l’amour que les fans portent à leur groupe, ni l’indifférence qu’il suscite chez les autres. A l’heure ou la Suède domine crânement les débats en termes de Hard Rock mélodique et AOR, tandis que les Etats-Unis essaient tant bien que mal de récupérer leur trône, devant distancier des italiens de plus en plus pressants et des grecs qui se mettent à l’heure anglaise, HAREM SCAREM rappelle à juste titre que le Canada a toujours été la terre d’asile d’une musique puissante mais souple, et surtout, unique en son genre. L’érudit connaît les mélodies de l’AOR, et les astuces de composition et de production. Ces astuces-là, le duo Harry Hess/Pete Lesperance les a toujours évitées comme la peste pour continuer de développer son art unique. Des harmonies bien évidemment, mais des harmonies plus pures, moins évidentes, sans cliché de soap qui transforme en générique les hits les plus accrocheurs. De fait, et encore une fois, Change the World ne changera rien. Il n’est qu’une étape de plus sur un long parcours, un témoignage à charge de l’unicité d’un duo qui depuis l’orée des années 90 assume son statut de leader impossible à détrôner, ce que « Change The World », le morceau, démontre dès les premières notes de son intro. La production, assurée par les deux faux frères est une fois de plus impeccable, légèrement brute, avec une guitare qui ne se laisse pas museler ni polir à l’encaustique. Le chant de Harry est en avant, mais pas plus que ça, comme s’il n’avait pas à prouver que sa voix ne subit pas l’usure des années et reste l’une des plus belles du circuit. La rythmique, qui a souvent changé de mains est logique, en place, et se contente d’assurer les arrières, en toute humilité. Et l’ensemble est si homogène qu’il en devient évident, logique, avec ces chœurs qui se mêlent et s’entremêlent sans en faire trop ni viser les quatre fois vingt-quatre pistes des années 80. Nous ne sommes plus dans les années 80 et l’excès n’est plus la norme, et le groupe le sait, alors, il va à l’essentiel, mais pas au minimum. Les soli de Pete ont gardé ce parfum nineties qui les rend toujours agressifs, mais pas impolis, avec ces sextolets qui glissent comme une goutte de pluie sur les souvenirs, et ces bends qui prennent au cœur, mais sans le forcer à y croire encore.

Tout est donc là, une fois de plus sous nos oreilles, à l’identique ou presque, lénifiant d’évidence, et pourtant, la sauce prend. Alors que bien des groupes tentent depuis leur grande époque de la reproduire ad nauseam, les HAREM SCAREM continuent de faire ce qu’ils savent faire de mieux (parce qu’ils savent faire bien d’autres choses), et signent des chansons faussement simples, qui unissent EXTREME, QUEEN, JOURNEY, dans un même ballet étourdissant de savoir-faire, mais charmant de naturel (« Aftershock »). On se demande simplement où les deux vieux compères vont encore chercher leur inspiration, tant ces onze nouveaux morceaux respirent la joie de jouer, la vie et l’harmonie, avec en exergue cet équilibre toujours stable entre puissance et nuance, enjolivé de soli à la Brian May (« Aftershock »). Se posant comme suite logique de United qui lui-même était la suite logique de Thirteen, Change the World n’en supporte pas plus l’approximation ni le laisser-aller, et chaque segment est un hit en soi, jamais trop fort, jamais trop mielleux, sans avoir à flatter les instincts les plus bassement romantiques ni devoir caresser le cuir des amateurs de distorsion excessive. Pourtant, les deux camps pourraient se retrouver autour d’un café lorsque résonne « The Death Of Me », qui respecte à la croche près la méthode des canadiens, avec ces couplets bruts qui mènent toujours sur un refrain magique, méthode qu’on connait par cœur et qui une fois encore est appliquée systématiquement. Et chez HAREM SCAREM, lorsque l’émotion est mise en avant, elle ne l’est jamais de façon trop manichéenne, et se veut plus sensible que provoquée (« Mother Of Invention », presque DEF LEPPARD, mais totalement HAREM SCAREM). Et si quelques titres provoquent la magie américaine en singeant les tics de la scène West-Coast 80’s (« In The Unknown »), et si la moyenne globale reste dans une tempérance qui toutefois ne frustre jamais, Change the World se termine malicieusement avec les deux morceaux les plus nerveux de son propre catalogue.

Ainsi, « Fire & Gasoline » surprend de son up-tempo viril et de ses riffs surchauffés, de son refrain bondissant à la grosse caisse omniprésente, tandis que « Swallowed By The Machine » empiète sur les terres suédoises avec ce beat élastique et cette jeunesse mélodique typiquement Hard-Rock nordique. Mais le Canada, c’est aussi le nord, et si la Suède a depuis fort longtemps ravi à tous les autres le titre fort convoité de pays détenteur de la magie, les HAREM SCAREM prouvent encore une fois qu’ils ne sont pas prêts à rendre les armes, et qu’ils restent toujours les seigneurs parmi les princes. Pas de changement d’humeur, pas de quoi porter le poids du monde plus haut, mais de quoi espérer, rester uni et peut-être, pourquoi pas, changer le monde à coups de mélodies.             

                                                   

Titres de l’album :

                      01. Change The World

                      02. Aftershock

                      03. Searching For Meaning

                      04. The Death Of Me

                      05. Mother Of Invention

                      06. No Man’s Land

                      07. In The Unknown

                      08. Riot In My Head

                      09. No Me Without You

                      10. Fire & Gasoline

                      11. Swallowed By The Machine

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par mortne2001 le 02/04/2020 à 18:30
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