Chimaera

Phrenelith

10/12/2021

Nuclear Winter Records

La saison est propice à l’introspection, et alors qu’une nouvelle vague de COVID est annoncée, les gens se préparent déjà à se confiner de nouveau. Les pensées sont donc plus ou moins moroses, à l’image de ce ciel gris plombé qui ne nous lâche pas depuis quelques jours. Et lorsque l’humeur n’est pas au beau fixe, quoi de mieux qu’une bande-son adaptée pour se l’enfoncer un peu plus ? Pour cela, il suffit de se rendre au Danemark pour y rencontrer les locaux de PHRENELITH, qui ne sont pas réputés pour être les joyeux drilles à la mode.

PHRENELITH est un concept assez clair, né il y a déjà huit ans à Copenhague, et générateur d’un nombre impressionnant de démos. Pas moins de cinq en tout, auxquelles vous pouvez ajouter une compilation, un split en compagnie des SPECTRAL VOICE, deux EP’s, et un longue-durée, Desolate Endscape, qui non seulement plantait bien le décor, mais agitait l’underground sur ses fondations. Pour autant, le style pratiqué par les danois n’a rien de révolutionnaire en soi : un Death sourd, diffus, parfois à la limite du Black, traditionnel dans les faits, mais constellé de petits arrangements personnels le rendant plus identifiable.

Desolate Endscape n’était déjà pas très gai, et avait de faux airs de rencontre inopinée entre GNAW THEIR TONGUES et dISEMBOWELMENT lors d’un enterrement anonyme. Entre la force brute d’une rythmique infatigable et les cris sourds d’un brailleur en chef au caractère pas commode, l’ensemble fleurait bon le Crossover géant, et le Doom/Death d’esthètes avec une culture certaine derrière eux.  

Quatre ans plus tard, et trois après son dernier témoignage discographique (Le moyen-format Ornamented Dead Eyes, 2018), la créature pluriforme revient, et visiblement, n’a toujours pas trouvé l’amour ou une raison de vivre valable. On note dès la sublime pochette que le propos ne sera guère différent, et les premières mesures de « Awakening Titans », l’un des deux pavés de l’album, nous entraine dans un univers contrasté, au sein duquel les mélodies maladives affrontent la brutalité la plus froide.

Archétype du groupe underground qui refuse la moindre concession, PHRENELITH n’en est pas pour autant une réunion de bourrins incapables d’affirmer leur propre opinion. Si le son ramène aux grandes heures de Sentient Ruin et Putrid Cult, c’est pourtant le label grec Nuclear Winter Records qui se charge de la distribution (pas grand-chose à se mettre sous l’oreille, à part PLAGUE BEARER), mais la production de l’album ose une sorte de panaché entre les approches suédoise et américaine, avec cette basse grondante, ces graves omniprésents, et cette guitare qui mouline en arrière-plan les sempiternels riffs circulaires. Si mes arguments semblent indiquer une déception old-school habituelle, il n’en est rien. Car malgré ces ingrédients convenus, PHRENELITH parvient à créer une atmosphère unique, glauque, ténébreuse, et à nos captiver de son talent pour agencer les idées et imbriquer les plans. Le même « Awakening Titans » est un modèle de Death brutal et progressif, avec des passages très clairs contrastant avec des embardées nocturnes peu rassurantes, et les sept minutes passent comme dans un cauchemar dont on n’est peu sûr de pouvoir s’extirper.

Même constat pour l’épilogue « Chimaerian Offspring - Part II », plus ou moins bâti sur les mêmes fondations, auquel nous pouvons ajouter sa première partie, « Chimaerian Offspring - Part I », avec qui il forme un diptyque ambitieux. La méthode est la même, une intro délicate et venteuse, aux arpèges glacés, une explosion de puissance, suivie d’une litanie plus ou moins lourde, à l’accordage gravissime. On reconnaît à la patte des pionniers du Doom/Death, INCANTATION, mais dans un esprit plus ouvert et perméable à des idées mélodiques. Certes, le propos revient vite dans le giron de la bestialité clinique, avec ces accélérations dantesques impromptues qui cassent les reins, et ces passages écrasants à la double grosse caisse insistante, mais cette façon de mélanger les inspirations, et ce flair au moment de les enrober dans une attitude distanciée font que Chimaera sonne très personnel, et beaucoup plus riche qu’un énième produit contrefait basé sur une nostalgie facile.

Outre ces trois morceaux conséquents, l’album recèle aussi des segments plus brefs et immédiats, terriblement efficaces, comme cet impitoyable « Gorgonhead », qui mixe la précision d’un DEATH avec la cruauté d’un SUFFOCATION. « Phlegethon » lui aussi prône des valeurs d’abrutissement par la lenteur, et se révèle savoureux et épais en tympans. Outre les plans principaux, chaque morceau bénéficie d’arrangements bien sentis, qui en rajoutent dans la froideur, sans verser dans le trop plein grotesque.

Ajoutez pour un bilan exhaustif une courte boucherie (« Kykytos »), un interlude harmonieux à la grecque (« Χίμαιρα »), une durée concentrée (à peine une demi-heure, parfait), et vous obtenez l’album de Death/Doom/Black de cette fin d‘année, persuasif, méchant, létal et solide. Alors, si votre humeur est encore plus maussade qu’avant de lire cette chronique, c’est normal, c’est voulu. Il ne vous reste plus qu’à vous enfoncer encore plus dans la névrose en savourant cette tranche de mort.  

 


                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Awakening Titans

02. Chimaerian Offspring - Part I

03. Phlegethon

04. Gorgonhead

05. Kykytos

06. Χίμαιρα

07. Chimaerian Offspring - Part II


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 11/12/2021 à 15:08
85 %    628

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos

Sang Froid + Malefixio

RBD 29/11/2024

Live Report

Metalciné : le Mariage Impossible (Part I)

mortne2001 26/11/2024

La cave

Linea Aspera + Skemer + Carriegoss

RBD 26/11/2024

Live Report

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Saul D

C'est Anne Hidalgo qui gère la salle? Ok je sors :-)

09/12/2024, 14:34

RBD

J'avais vu Carcariass en live deux fois il y a fort longtemps, pendant la première époque et donc à l'époque où je lisais plutôt des magazines que d'aller m'aventurer sur l'internet Metal encore balbutiant. C'est un bon souven(...)

09/12/2024, 12:15

Capsf1team

Quelle époque formidable !

09/12/2024, 10:32

Satan

Grotesque décision. La réaction du fest est saine et équilibrée, et remet les choses à leur juste place. Provoquer n'est pas prôner, et la provocation a souvent pour but de faire réagir, ce que les bien-pensants ne comprennent pas et ne compren(...)

09/12/2024, 10:26

Tourista

Si j'ai bien compris il sera encore à pied d'oeuvre en studio.Et c'est le batteur de British Lion qui prend sa place en Live.  C'est pas foufou comme annonce.

08/12/2024, 16:04

Saddam Mustaine

Il reste officiellement membre du groupe pour les albums etc ou c'est un départ officiel et définitif ? 

08/12/2024, 15:12

Oliv

À plus de 70 balais c’est compréhensible. C’est déjà incroyable cette longévité et ils peuvent arrêter maintenant ça ne choquera personne. Merci et bon vent 

07/12/2024, 20:27

Tourista

La vache !  Très curieux de savoir qui prendra son tabouret.    En tout cas, pour avoir rencontr&eac(...)

07/12/2024, 17:46

DEADLYSINS

Hey !! Mais merci pour cette super chronique !!On aurait pas fait mieux !!!

07/12/2024, 16:52

Moshimosher

Bonne petite découverte ! J'aime bien !

07/12/2024, 08:04

cedenazis

humm c'est dla bonne ça !

06/12/2024, 15:04

Humungus

En tournée européenne avec LOUISE en mars 2025... ... ...

06/12/2024, 10:17

Gargan

Couillu de sortir ça en France, je compte les jours avant un strike d'une assoc' ou d'un justicier des RS pour "isme", "apologie de", ou tout autre joyeuseté de la sorte.

05/12/2024, 08:36

senior canardo

ça m'a rappelé un film qui aurait apparaitre ici : get him to the greek ;)

04/12/2024, 09:46

Saul D

Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)

03/12/2024, 13:55

Tourista

C'est un Abaddon de poste caractérisé.

03/12/2024, 12:42

RBD

Bravo pour remettre en lumière un groupe à part et spécialement la partie la plus ancienne de l'histoire de Stille Volk, largement méconnue (j'ai appris des choses). C'est en partie à cause du faible nombre d'interviews qu'ils ont pu fai(...)

02/12/2024, 20:13

Bones

  

02/12/2024, 20:01

Humungus

Bones je t'aime d'amour !!!

02/12/2024, 09:15

Humungus

"Le metalleux ne se fait pas au sans-gêne si fréquent partout ailleurs des papotages interminables aux premiers rangs"Tu m'étonnes John !!!C'est non seulement insupportable pour le public attentif, mais c'est surtout un manque de respect (...)

02/12/2024, 09:14