Delirium

Hazzerd

24/01/2020

M-theory Audio

Il y a toujours eu deux écoles dans le Thrash. Je vous épargne le sempiternel combat USA/Allemagne avec les luttes menées par ses divers représentants, et je resterai à une échelle plus générale, celle mesurant la haine et la férocité. D’un côté, les maniaques de la brutalité et la vitesse, qui ne jurent que par la puissance et qui considèrent le Thrash comme génération spontanée, née du ras le bol d’un Metal trop aseptisé pour eux. De l’autre côté, tenaient le bastion les ardents défenseurs de la modulation, qui savaient très bien que le style était né de la fusion Heavy/Hardcore. De ces deux façons de penser sont nées les deux facettes d’un genre beaucoup moins linéaire que ses adversaires ne se plaisent à penser. Les Allemands ont toujours été apparentés à la première faction, la faute à SODOM et KREATOR principalement. Les Américains au contraire, via METALLICA, MEGADETH, EXODUS, se sont vus affublés de l’étiquette encombrante de l’ambition, les seuls à pouvoir faire évoluer le genre jusqu’à ce que les allemands ne sombrent dans le Techno-Thrash le plus alambiqué. Entre les deux, d’autres nations ont fait leur trou, et le Canada ne fut pas la dernière. Inutile de recenser une fois de plus les groupes apparentés, vous les connaissez aussi bien que moi, mais s’il en fut un qui porta le Thrash à ébullition de précision et de créativité, ce fut sans conteste l’ANNIHILATOR de Jeff Waters. Ce musicien extraordinaire aimait tout autant METALLICA que JUDAS PRIEST, IRON MAIDEN que MEGADETH, et s’est donné la peine d’offrir au Heavy/Thrash sa transition la plus fluide et mélodique. Du Canada débarquent aujourd’hui les cousins de HAZZERD, et même si le parallèle entre les deux groupes n’est pas justifié à cent pour cent, les analogies dans la démarche, et non dans la forme, sont nombreuses.

HAZZERD est donc un quatuor de Calgary (Dylan Westendorp - chant/batterie, Brendan Malycky & Toryin Schadlich - guitares/chœurs et David Sprague - basse), et ressemble à bien des égards à la seconde division harmonique des eighties. On sent dans leur musique - outre les rapprochements délicats avec ANNIHILATOR - des relents d’AGONY, HEATHEN, DEATH ANGEL, soit la quintessence des nuances d’il y a trente ans, et leur premier album à de véritables allures d’achèvement dans sa structure, malgré quelques défauts qu’il serait malhonnête d’occulter. Avec un batteur chanteur, les canadiens jouent donc la comparaison avec les aînés nationaux d’EXCITER, ce que ce mi-chemin entre Heavy et Thrash confirme, mais on sent que leur sens du détail nous orienterait plus sur la piste d’un Crossover entre le MEGADETH léché et conseillé et le DESTRUCTION le moins féroce, celui des années Speed avant la sortie de Release From Agony. « Sacrifice Them (In the Name of God) » confirme donc toutes ces assertions, et avec trois morceaux passant la barre des six minutes, Delirium affirme ses ambitions. Guère étonnant dès lors d’apprendre que Dave Mustaine himself a conseillé aux fans de porter une oreille attentive sur les canadiens, lui qui n’est généralement pas généreux en parrainages. On se souvient qu’il avait produit les magiques SANCTUARY à l’époque, ses conseils sont donc à ne pas prendre à la légère. Et j’accorderai au rouquin toute ma confiance au moment de juger de l’intérêt de ce premier LP bluffant de professionnalisme. En choisissant de ne pas choisir entre force et honneur, HAZZERD loin de rester dans une position inconfortable domine les débats, et cite TESTAMENT, MEGADETH, METALLICA, METAL CHURCH, ANNIHILATOR, mais aussi les récents HAVOK et HATCHET pour ne pas proposer une simple resucée old-school trop classique.

Des ambitions donc, mais les moyens de les mettre en exergue. Sans se révéler techniciens d’exception, les quatre instrumentistes connaissent assez leur boulot pour aménager des breaks mélodiques, des cassures soudaines, et même se lancer dans le grand bain de l’instrumental, exercice autrefois très prisé mais depuis longtemps tombé aux oubliettes du Thrash. Deux sont présents sur ce LP, dont une outro, c’est donc « Call of the Void » que nous retiendrons pour sa capacité à multiplier les humeurs, les ambiances, passant d’un assaut purement Speed Metal à un intermède plus modulé et Heavy, citant même le Classique avec un grand C à l’occasion de soli inspirés. L’emphase n’est pas sans rappeler le « To Live is To Die » de METALLICA, ainsi que la vague Power Metal allemande de la fin des années 80, et le cocktail est aussi relevé que fin, ce qui achève de différencier les canadiens du reste de la masse. De là, Speed, Heavy, Thrash, tout y passe et il devient délicat en définitive de se contenter de classer les HAZZERD dans une seule catégorie trop restrictive pour leur champ d’action. Certes, les morceaux les plus costaud et emprunts du DESTRUCTION le moins contemporain valident cette affiliation (« Dead in the Shed », « A Tormented Reality »), mais dès que le chrono n’impose pas l’efficacité, la franchise est remplacée par des progressions plus travaillées, qui osent la basse proéminente, les saccades en alternance, et les breaks en affluence. En témoigne le très volontaire et construit « Victim of a Desperate Mind », qui en plus de six minutes passe en revue tous les aspects les plus précis du style, avec des riffs qui ne sont pas sans évoquer un rapprochement entre les scènes allemande et australienne, avec toujours en exergue ce chant mordant et agressif de Dylan Westendorp, entre Schmier et Mustaine.

Avec sa production étonnamment clean, qui permet de discerner clairement tous les instruments et autres arrangements, et sa superbe pochette signée du maître Andrei Bouzikov (SKELETONWITCH, MUNICIPAL WASTE, TOXIC HOLOCAUST), Delirium est donc une sacrée bête de compétition, dont le seul talon d’Achille est cette durée un peu trop étirée, qui finit par noyer les idées dans une mare de conformisme. Si « Illuminated Truth » maintient la cadence créative, on ne peut pas dire que le long final « The Decline » propose réellement quelque chose de neuf et incarne l’acmé d’un album qui aurait mérité clôture plus explosive et symptomatique. Certes, le réel épilogue reste « The End (Outro) », mais cette outro ne saurait être considérée comme un morceau à part entière. Pas grand-chose de négatif à reprocher aux canadiens donc, si ce n’est ce petit manque de concision, mais avec une grosse majorité de morceaux largement au-dessus de la mêlée, une inspiration plurielle et riche, et des instrumentistes habiles et concernés, Delirium représente une facette fascinante du Thrash nostalgique qui n’a pas retenu de la violence que l’approche la plus radicale et simpliste. A recommander donc aux nostalgiques de la modération effective, et merci à Red Dave de son conseil très avisé. L’homme n’a donc rien perdu de son flair légendaire.      

                                   

Titres de l’album :

                         01. Sacrifice Them (In the Name of God)

                         02. A Tormented Reality

                         03. Sanctuary for the Mad

                         04. Victim of a Desperate Mind

                         05. Call of the Void

                         06. Dead in the Shed

                         07. Illuminated Truth

                         08. Waking Nightmare

                         09. The Decline

                         10. The End (Outro)

Bandcamp officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 30/05/2020 à 18:09
80 %    1250

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Wildben
@163.116.163.123
02/06/2020, 11:11:01
Les extraits témoignent effectivement d'uns (grosse) influence Death Angel (période Act III) mais ce n'est pa pour me déplaire.
A suivre...

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Defeated Sanity + HM 2

RBD 09/07/2025

Live Report

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
LeMoustre

Le troll DPD (quel beau nom !) en tête de gondole dans la fosse. Comment c'est possible ça genre de gus ?

11/07/2025, 13:36

LeMoustre

Mdr y'en a qui ont un niveau de goûts musicaux digne de la fosse des Mariannes. JPP de lol quand je lis ça Tout est dit.

11/07/2025, 13:34

LeMoustre

@Humungus : mdr. On s'est compris.@Buckdancer : oui j'imagine que tu as raison 

11/07/2025, 13:32

MorbidOM

Un troll sur metalnews.fr c'est comme un exibitioniste dans le désert, il peut arriver à capter l'attention de quelqu'un de temps en temps mais tu sens que niveau stratégie c'est pas optimal. 

11/07/2025, 13:28

LeMoustre

Le Hellfest n'est plus qu'un fest mainstreem comme tant d'autres et n'a plus rien à voir avec ses origines.Le nombre de blaireaux au M2 y est devenu affolant au point qu'il n'y a que ça.Pour ma part, je préfère aller dans les(...)

11/07/2025, 12:42

Humungus

Je pense que là, tout est dit... ... ...

11/07/2025, 10:01

DPD

Deafheaven > Black Sabbath d'ailleurs, aucune hésitation. quelle chanson de Black Sabbath atteint le niveau d'intensité de Dream House ?

10/07/2025, 21:43

DPD

T'aimes ça hein le cuir et le metal salace, je préfère Patrick Sébastien, je le trouve moins pédé. Le petit bonhomme en mousse on s'en rappelle, ça c'est une chanson qu'on oublie pas, comme ce que te chantais ta maman..

10/07/2025, 21:36

DPD

Désoler si j'en ai rien à foutre du dernier groupe Brésiliens de war metal.

10/07/2025, 21:29

Alain Akbar

@DPD : putain, cette merde de Chat Pile, de la noise bâtarde gay friendly qui pompe Godflesh et Korn. Et dans un autre post, tu parles de Deafheaven. Mais mec, arrête de donner des leçons et va donc faire une Bun Hay Mean.

10/07/2025, 21:20

DPD

Et ce qui s'est fait de marquant question death c'était le dernier Dead Congregation et le surprenant Reign Supreme de Dying Fetus. Et qu'on me parle pas de Blood Incantation tout est impeccable, il y a beaucoup de travail derrière, mais aucune symbiose entre les part(...)

10/07/2025, 15:17

DPD

L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)

10/07/2025, 15:09

Ivan Grozny

Oui très bon groupe, je recommande également !

10/07/2025, 14:36

Ivan Grozny

C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)

10/07/2025, 14:34

DPD

Sinon j'aime beaucoup Chat Pile comme groupe récent.

10/07/2025, 14:27

DPD

@GPTQBCOVJe suis  horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)

10/07/2025, 14:16

DPD

Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)

10/07/2025, 13:47

Humungus

Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".

10/07/2025, 13:22

RBD

Cela m'espante toujours de voir des festivals complets (ou presque) un an à l'avance sans avoir annoncé aucune tête d'affiche.Le public est devenu très friand des gros festivals. Je pense évidemment à toute cette frange de festivalier(...)

10/07/2025, 12:23

DPD

Certains commentaires sont à côté de leur pompes, la grande mode du metalcore c'était il y a quoi ? 20 ans ? la bizarrerie c'est que pas mal de ces gens sont passés au black-metal pour une raison que j'ignore ce qui donne toute cette scene en -post(...)

10/07/2025, 12:04