Detroit, le nom qui fait vibrer tous les rockeurs dignes de ce nom. Une ville industrielle, aux mains de General Motors, Ford et Chrysler, une ville qui dans les années 30 avait hérité du nom de motor city, et qui connut un déclin aussi rapide et violent que son ascension. Dans les années 70, la population afro-américaine y grandit, au point de déclencher de fameuses émeutes. Mais Detroit, c’est avant tout un son, ou plutôt, plusieurs sons. Le son d’un Rock abrasif, engagé et sans concessions, d’une Funk et d’une Soul des quartiers les plus défavorisés, et un melting-pot extraordinaire qui en fit une ville aussi importante que Los Angeles, San Francisco ou Nashville. Excusez du peu, mais avec des noms à l’affiche comme ceux des STOOGES, de Ted NUGENT, MC5, Bob SEGER, GRAND FUNK RAILROAD, il y avait de quoi se tailler les muscles et parfois les veines, même si les effluves de la Motown avaient de quoi panser bien des plaies. Mais Detroit, ce fut aussi la ville d’un des artistes les plus attachants et créatifs du Rock, d’un des maîtres du Shock-Rock, d’un des adorateurs de la guillotine et des boas constrictor, ALICE COOPER. ALICE COOPER à l’époque de Detroit était encore un groupe, avant de devenir l’alter-ego parfait de son chanteur vedette, soudainement parti en solo. THE EARWIGS (« Les perce-oreilles ») en 1964, puis THE SPIDERS et THE NAZZ, avant de se rebaptiser ALICE COOPER en 1968, un début de carrière hésitant et des connexions avec Frank Zappa via les GTO, avant l’explosion des années 70 et l’accession à la starification, but logique pour un groupe concentré de talents incontestables.
A l’inverse des MC5 ou des STOOGES, ALICE COOPER ne s’inscrivait pas dans cette logique de contestation urbaine et de dénonciation d’une vie monotone et cruelle. Non, le but du groupe était justement de théâtraliser la réalité pour la rendre plus effrayante encore, mais plus cartoon. Et si depuis, le nom de Vincent Furnier et celui d’ALICE COOPER se sont mélangés au point d‘être indissociables, le parcours de l’artiste n’a pas été émaillé que de succès et de réussites. Après le succès incroyables des seventies, Alice/Vincent a/ont traversé des périodes difficiles, maculées de drogues et humides d’alcool, et ça n’est qu’au prix d’un asservissement au Dieu Billboard qu’ALICE COOPER a retrouvé le chemin des charts avec le corrompu et fardé Trash. Depuis, des disques anecdotiques, d’autres très mauvais, mais toujours la foi, et l’attachement aux racines le faisant régulièrement humer l’air de cette ville qu’il a si bien connue avant de migrer en Californie. Et plus de cinquante ans après ses débuts, Vincent retourne donc à Détroit pour en tirer des leçons, et un bilan assez exhaustif de ses années de jeunesse et de folie.
J’en étais resté pour ma part à l’excellent Paranormal, qui il y a quatre ans avait annoncé un grand retour en forme de l’homme au chapeau. Rythmique aiguisée, chant roublard, hymnes à une jeunesse qu’il n’a jamais perdue, cet album excusait des sorties de route aussi graves que l’ignoble Welcome 2 My Nightmare qui peinait à renouer avec la légende au point de la ternir de façon presque indélébile. Ce « presque » était donc justifié par la qualité de cet album, mais c’est surtout l’EP Breadcrumbs qui mit le feu aux poudres et aux oreilles. On sentait que le chanteur immortel avait envie d’un retour aux sources cette fois-ci réussi et valable, et qu’il n’avait pas l’intention de tirer le rideau avant d’avoir salué son public avec force et honneur. En lisant entre les lignes, Breadcrumbs annonçait modestement la réussite absolue qu’incarne Detroit Stories avec un panache incroyable. D’abord, en annonçant le retour au bercail de certains anciens partenaires, toujours aussi frais, et en prônant la diversité qui faisait la richesse de cette ville dans les années 60 et 70. Mais sincèrement, et aussi percutants furent ces quelques titres balancés tout sauf innocemment, rien ne laissait présager de cette explosion hédoniste incarnée par les quinze morceaux de ce nouvel album, aussi frais que certains des classiques sortis à l’âge d’or. Pour parvenir à ce résultat, Alice n’a évidemment pas travaillé seul, mais a rassemblé les troupes. En choisissant une fois de plus le wizard kid Ezrin aux consoles, le COOP a encore une fois accordé sa confiance avec pertinence, puisque Bob lui a troussé un son analogique de la trempe de ses meilleurs boulots historiques. Evidemment, Detroit Stories n’est ni Berlin de Reed, ni Welcome to my Nightmare, mais il se place en bonne échelle dans l’œuvre du monsieur loyal, pour une simple et bonne raison : sa sincérité. Plus sincères que ces quinze chansons - et malgré quelques remplissages qui auraient pu être évités - je ne vois guère que les premiers hits du groupe et même plus : les débuts lorsque le combo reprenait encore les standards des légendes du Rock des sixties.
Aux côtés du COOP et d’Ezrin, un autre invité de choc, et pas des moindres, le grand Wayne Kramer, qui a supervisé le boulot mais en a profité aussi pour prouver que sa légende de guitariste flamboyant n’était toujours pas ternie. Autour de ce trio incroyable, gravitent d’autres satellites, comme les anciens comparses d’Alice au sein du COOPER band de l’époque bénie. La guest-list du coup à des allures de who’s who du Rock des seventies, et honore Detroit de ses incarnations les plus révérencieuses et honnêtes. En renouant avec son goût du cabaret, Alice a laissé tomber les approches Metal trop évidentes et le son aseptisé des productions Hard-Rock des années 2000. Ici, pas de compression, pas de normalisation, mais des instruments qui respirent et s’expriment, comme la batterie du fantastique Johnny "Bee" Bedanjek, l’enfant prodige qui assure à ce disque une cohésion incroyable. Steve Hunter, Tommy Henriksen, Tommy Denander, Paul Randolph, Joe Bonamassa, Dennis Dunaway sont là, mais Lou Reed, MC5 et Bob Seger aussi, pas en personne mais au travers d’une chanson que le COOP a repris avec une joie féroce et un appétit insatiable. Tout commence d’ailleurs avec une reprise, ce qui en dit long sur l’amour que porte Vincent au répertoire de sa ville natale et à ses extensions new-yorkaises. En citant le VELVET dans le texte via le « Rock ‘N’ Roll », Alice dit tout le bien qu’il se souvient de ses années de reprises et d’appropriations d’un matériel externe. Et avec une appropriation pareille en entame, Detroit Stories ne pouvait être que l’évènement qu’il est.
On prend acte de trois covers sur cet album, avec outre la citation Reed, le « Sister Anne » du MC5 et le « East Side Story » de Bob SEGER. Le reste s’est partagé entre Alice, Bob, Tommy Henriksen, Dennis Dunaway, Tommy Denander et quelques autres qui ont alimenté la pompe à Juke-box avec des singles imparables et symptomatiques de l’air d’un temps que les moins de 70 ans ne peuvent pas avoir connu en direct. En tant que maître d’œuvre de ce presque chef, Alice a tenu a donné corps à toutes les tendances en vogue dans son Detroit, celui qui vénérait le Rock, agitait le Proto-Punk, secouait les cols bleus avec leurs histoires du vendredi soir, celui de la Motown et des cuivres, et nous propose l’éventail le plus complet d’une visite guidée en forme de pèlerinage incroyable et excitant.
« Go Man Go » cite les RAMONES sans fausse note, et joue gentiment le Punk avec ses chœurs de stade de foot. « Our Love Will Change The World » a des airs de hits des RITA MITSOUKO repris par les BAY CITY ROLLERS. « Social Debris » chante la décadence, mais le fait avec un amour des parias sur fond de riff de plomb. « $1000 High Heel Shoes » danse Funk pour crooner Soul et délie les guitares sur fond de tapis vocal féminin dégoulinant de Soul. « Hail Mary » allume de nouveau le brasier d’un Hard-Rock incandescent pour affoler les foules. « Drunk And In Love » provoque le fantôme du Blues le plus crasseux pour redonner un peu de vie à des rues désertées depuis longtemps. « I Hate You » renvoie tous les apprentis rockeurs à leurs chères études, et fait passer les HOLLYWOOD VAMPIRES pour une attraction de foire de seconde zone pour richards en manque de fausses sensations fortes. Loin d’un décorum de carton, cet album sent le béton, le trottoir sur lequel on déambule au hasard des rencontres, mais aussi les rêves de d’échapper d’une ville déshumanisée pour aller tenter sa chance sur les scènes des plus grands stades. Plus qu’un bon album, plus qu’un excellent album, Detroit Stories est le plus bel hommage que le COOP pouvait rendre à sa ville qui a vu passer entre ses murs certains des artistes les plus vrais de la fin du vingtième siècle.
Bien sûr, impossible de cacher que ce salut du chapeau n’arrive pas à la hauteur des classiques du groupe. Mais le but n’était pas là, il était de renouer avec un pan de jeunesse, et faire l’état des lieux des souvenirs les plus vifs dans la mémoire. Et sous cet aspect-là, il est une réussite absolue, une œuvre qu’on écoute avec le sourire aux lèvres, heureux de partager un moment d’intimité avec des musiciens et producteurs de légende. Une petite frivolité prise au sérieux qui permet de voir la réalité d’un autre œil, et de supporter un jour de plus à Routineland. Alors, si le cabaret Rock est votre truc, si vous n’avez pas peur de vous incruster dans une fête dantesque, histoire de trinquer avec les acteurs les plus mythiques de cette bonne ville de Detroit, ne vous gênez surtout pas. L’entrée est gratuite, l’ambiance de feu, et les verres bien remplis. Pas mort ALICE COOPER ? Surement pas, et plus vivant que jamais.
Shut Up And Rock!!!!
Titres de l’album:
01. Rock ‘N’ Roll
02. Go Man Go
03. Our Love Will Change The World
04. Social Debris
05. $1000 High Heel Shoes
06. Hail Mary
07. Detroit City 2021
08. Drunk And In Love
09. Independence Dave
10. I Hate You
11. Wonderful World
12. Sister Anne
13. Hanging On By A Thread (Don’t Give Up)
14. Shut Up And Rock
15. East Side Story
Plus qu'agréablement surpris par cette sortie aussi.
"Plus sincères que ces quinze chansons je ne vois guère que les premiers hits du groupe et même plus"
Je plussoie.
Napalm Death + Dropdead + Siberian Meat Grinder + Escuela Grind
Mold_Putrefaction 01/03/2023
Très très gros boulot sur l'album, mélange étonnant et unique entre sonorités typiques prog 70 et passages à tendance black. Un peu plus de mal sur l'interview en revanche, j'ai du respect pour les personnes victimes de dysphori(...)
28/03/2023, 22:32
Chouette Interview, ca donne change un peu de sujets et ce n'est pas pour me déplaire.Niveau musique je suis allé jeter une oreille, ce n'est pas mauvais, mais cela ne m'inspire pas trop. Je passe mon tour...
28/03/2023, 13:22
Apparemment le père Christian Logue n'est pas au chant, c'est un "petit jeune", après (en écoutant "Stars Crossed Lovers"), ce n'est pas le style des 2 premiers albums/mini album ("After the fall from Grace")...why not.... peut-&ec(...)
24/03/2023, 17:44
Bou diou je l'avais à l'époque, avec le suivant. Ils étaient chez Nuclear Blast, ça aidait à se faire connaître.
23/03/2023, 16:06
@NecroKosmos : je suis d'accord avec toi. Autant cette nouvelle est assez inattendue, autant je ne garde pas un souvenir impérissable des albums de ce combo. Mais on peut toujours être surpris ! Et puis c'est breton, donc ils méritent largement une seconde chan(...)
23/03/2023, 08:09
Ce serait bien qu'ils cherchent aussi un batteur, non ?! Ca me rappelle de vieux souvenirs, ce groupe. Je les ai connus avec la démo 'Alice in horrorland' qui était assez moyenne. Bon, leurs albums ne cassaient pas trois pattes à un canard (mort). Et ce show &a(...)
23/03/2023, 07:37
Achat direct !! Un groupe hélas trop peu connu qui a sorti une quantité incroyables d'albums géniaux. J'espère que j'aurais l'occasion de les revoir une dernière fois sur scène.
23/03/2023, 06:28
mauvais album pour ma part trop de chansons ole ole pour fear factory dommage
22/03/2023, 12:41
21/03/2023, 08:05