Downfall

Ark Ascent

27/09/2019

Ascent Records

De ce qui est progressif et qui ne l’est pas. Définition assez difficile, puisque depuis l’apparition du style à la fin des années 60 et l’acquisition de ses lettres de noblesse dans les seventies, le genre a constamment évolué, passant d’une ambiance champêtre et guillerette à des aspirations arty et théâtrale, au point de devenir aussi dramatique qu’une pièce de ce cher Shakespeare. Aujourd’hui, le Metal progressif se scinde en plusieurs catégories, la plus populaire étant celle que les DREAM THEATER ont défini à l’orée des années 90, avec ce mélange de Metal agressif et de prétentions mélodiques, le tout saupoudré d’une sévère couche de technique histoire de mériter l’AOC. Mais d’autres groupes, non moins capables mais plus modestes dans leur démarche ont choisi en quelque sorte un raccourci pratique entre Heavy Metal légèrement lyrique et développements plus élaborés, à l’image des anglais d’ARK ASCENT, qui après presque une décennie d’existence, sortent enfin leur premier LP sur leur propre label. Articulé autour de l'ancien chanteur de SHADOWKEEP, Rogue Marechal, du bassiste de DGM, Andrea Arcangeli et du batteur de SIRENIA, Michael Brush, ce projet est né en 2011 en tant que "prophétie" du compositeur et multi-instrumentiste Jack Kirby (guitare et claviers). Il aura donc fallu huit ans pour que le concept se formalise autour d’une œuvre bien concrète, ce Downfall qui caressera vos oreilles de ses mélodies douces tout en brutalisant vos tympans de ses riffs charnus. Car loin d’être à cheval sur les préceptes du Progressif pur, les anglais n’ont pas hésité à mélanger les genres, au point d’évoquer les DT évidemment, mais aussi KAMELOT, ou MOB RULES, soit une certaine frange du Heavy Metal moderne et décomplexé.

Envisageons donc ce premier jet comme la carte de visite d’un groupe qui aurait dû exploser sur le marché bien en amont. Mais ces quelques années de préparation ont permis aux musiciens de travailler leur partition, pour présenter un travail peaufiné, poli aux entournures, mais qui n’a pas oublié son agressivité au conservatoire. Bons élèves, évidemment, au vu de leur cursus, les instrumentistes ont préféré privilégier l’aspect séduction que le volet démonstration, ce qui nous permet d’apprécier de vraies compositions, et non d’admirer des tribunes érigées à la gloire de leur ego. Certes, les constructions sont soignées, les soli léchés, et les évolutions parfois notables, mais la plupart du temps, les chansons savent rester raisonnables et se concentrer sur des couplets efficaces, que des refrains fédérateurs transcendent de leurs envolées lyriques. Mixé par Rich Hinks (ANNIHILATOR, SILENT CALL, AEON ZEN) et par Rob Aubrey (SPOCK’S BEARD, PENDRAGON, DRAGONFORCE), Downfall dispose donc d’un son assez ample, qui place la guitare et le chant en avant sans léser la rythmique, et laissant un espace non négligeable aux parties de clavier. Mais si le timing général reste dans des balises raisonnables, le groupe sait se lâcher à l’occasion, et nous dérouler le tapis rouge de la grandeur, notamment sur le final homérique de « The End Of Time », et ses treize minutes bien tassées. Entre puissance pure et émotion à fleur de peau, le groupe ose des moments de tendresse assez sincères (« Innocence Lost »), qui contrastent avec les poussées de violence Power que « Point Of No Return » développe brillamment. Assez doués dans leur passage en revue de toutes les tendances du progressif moderne, les membres d’ARK ASCENT font preuve d’un flair certain dans l’alternance, et ne nous enivrent pas avec du mauvais vin répétitif et trop fort en bouche, distillant les ingrédients avec beaucoup de perspicacité pour équilibrer leur premier LP.

Et entre Hard-Rock plus formel, Heavy appuyé et Power allusif, Downfall s’avère particulièrement savoureux, chaque titre possédant son emprunte, même si certains multiplient les clins d’œil aux maîtres de DREAM THEATER, dont « Sanctuary » qui pourrait sortir des cartons de leftovers d’Awake sans que ça ne surprenne John Petrucci. Le reproche majeur formulable à l’encontre de tels albums étant la plupart du temps liés à la flagornerie instrumentale ou à la trop grande uniformité, ARK ASCENT se pose en exception parfaite, avec son entre-deux futé, et sciemment placé, pour ne pas donner l’impression d’avoir le cul entre deux chaises. Quelques transitions judicieusement délicates (« Farewell », clavier/voix), des intros qui s’imposent dans la tempête mélodique (« Downfall », l’un des plus efficaces du lot), mais aussi des individualités notables. Outre la polyvalence de Jack Kirby  à la guitare et aux synthés, l’album a pu compter sur la participation de Katia Filipovic au piano, mais surtout sur la voix chaude et puissante de Rogue Marechal, qui nous emporte de son interprétation pleine et sincère, modulant sa voix pour lui faire adopter des intonations agressives, sans se départir de ce lyrisme exacerbé qui définit le style. Niveau style justement, la guitare de Kirby sait embrasser toutes les émotions possibles, de la cavalcade en sextolets au feeling pur, sans user et abuser d’effets, ce qui permet aux titres de garder une patine naturelle qui leur sied à merveille. Beaucoup de choses à mettre en avant, donc, des qualités qui sautent aux oreilles, et lorsque tous les éléments rentrent en conjoncture, ça nous donne un alignement parfait entre violence et tempérance, comme l’illustre à merveille « The Aftermath ». Ligne de basse qui ose enfin s’affirmer, ambiance à la Falling into Infinity, et efficience dans les idées pour ne pas se disperser.

Car en se reposant sur des riffs efficaces et mémorisables, le groupe a fait le bon choix, même lorsque son inspiration se laisse dériver le long d’une longue rivière de thèmes. C’est ainsi que « The End Of Time », l’épilogue magistral s’avère une clôture impeccable pour ce premier album, jurant allégeance au Progressif le plus formel, sans se départir de cette volonté de ne pas bavarder pour ne rien dire. Nous ne parlerons pas encore de chef d’œuvre, la pondération étant de mise, mais globalement, ce premier album d’ARK ASCENT est une franche réussite, prônant des valeurs d’ouverture notables.            

   

Titres de l’album :

                      1. Arrival

                      2. Point Of No Return

                      3. Sanctuary

                      4. Darkest Hour

                      5. Farewell

                      6. Downfall

                      7. Ascension

                      8. Innocence Lost

                      9. The Aftermath

                     10. Closer To Heaven

                     11. The End Of Time

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 08/01/2020 à 14:35
78 %    761

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report

1984

mortne2001 10/01/2024

From the past
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Tourista

L'album de Pâques !  

27/03/2024, 19:56

MorbidOM

Découvert l'an dernier dans un mini festival à Toulon avec Aorlhac en tête d'affiche, j'avais bien accroché et acheté leur cd (le précédent du coup) qui m'avait un peu déçu (difficile de redre justice à une m(...)

27/03/2024, 00:16

Saul D

Ben si Cannibal Corpse est une légende, Immolation aussi, non? Ils avaient tourné ensemble en 1996 ( je les avais vus à la Laiterie, avec Inhumate en première partie...)...

26/03/2024, 13:16

Bulbe

Enorme !

26/03/2024, 08:06

Vivement le prochain Ep. Ça envoie du lourd

Putain c'est vachement bien 

26/03/2024, 00:15

Gargan

Je viens de tomber par hasard sur ce docu à leur sujet, je sais que deux-trois ici pourraient être intéressés : TULUS - 3 DECADES OF UNCOMPROMISING BLACK METAL (FULL DOCUMENTARY) (youtube.com)

25/03/2024, 20:05

Humungus

C'est très loin d'être pourri, mais j'préfère tout de même de loin "Ozzmosis", "Down to earth" ou "Black rain"...

25/03/2024, 09:21

RBD

Tout le mérite en revient à notre hôte, je n'ai influé en rien sur les choix successifs. Autrement dit, cela me convenait aussi.

24/03/2024, 19:53

Buck Dancer

J'aime beaucoup. Parcours sans faute jusqu'au septième morceau. Du death classieux moins extrême que le premier album mais plus varié. Les délires vocaux de Vincent passent aussi très bien (ce qui n'aurait pas été le cas chez Morbid).(...)

24/03/2024, 13:34

Humungus

Je plussoie à mort ta bande son d'after hé hé hé...

23/03/2024, 11:02

Antidebilos suce mon zob

@antidebilos : t'es vexé, sac à foutre.

22/03/2024, 15:49

Oliv

Et le plan r fest ! 

22/03/2024, 15:21

antidebilos

"groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom" : allez, retourne écouter tes groupes de NSBM de fond de toilettes et épargne-nous tes commentaires ridicules

22/03/2024, 09:04

Ivan Grozny

Tournée vue à Paris, merci pour le report.

21/03/2024, 21:01

Orphan

Tres bonne news des le matin. 

21/03/2024, 08:08

LeMoustre

A minima c'est assez inutile, rarement intéressant même si l'idée n'est pas nouvelle. Voivod l'a fait y'a peu, c'est quand même assez anecdotique sur le rendu final. Les morceaux en version d'origine se suffisant a eux mêmes.

20/03/2024, 12:18

Gargan

Ce son de toms n’existe plus depuis schizophrenia

19/03/2024, 22:06

LeMoustre

Il prend corps au fil des écoutes, et s'il paraît moins immédiat que Firepower, il ne me déçoit pas tant les compositions restent solides et dignes du Priest. Pas encore totalement poncé mais j'encourage à y revenir et chaque écoute(...)

19/03/2024, 14:50

LeMoustre

Superbe ce papier avec un chroniqueur qui, ça se sent, a vécu l'époque Roadrunner et sa superbe compilation (a la non moins superbe pochette) Stars on Thrash.Achat obligatoire.P.S : Euh moi une ex m'appelle pour prendre de mes nouvelles et me proposer (...)

19/03/2024, 12:13

Gargan

Très cool de découvrir ce groupe ! La présentation est plus fluide mais il faudrait laisser la place à un extrait à mon avis et ça permettrait de mieux rythmer la vidéo.

19/03/2024, 08:17