Dying of Everything

Obituary

13/01/2023

Relapse Records

Il y a des noms qui, une fois prononcés, ouvrent une gigantesque boite de Pandore. Une boite qui laisse échapper du bon (les souvenirs), et du mauvais (le temps qui passe, l’âge, l’approche de la mort). Celui d’OBITUARY en fait partie, tant il est associé à la famille Death Metal, celle qui nous rassure depuis des décennies en nous parlant de mort, de souffrance, de décrépitude, nécrophilie, solitude, maladie, profanation, torture, réalités obscènes et autres scènes de déconstruction de la civilisation. OBITUARY est l’un des compagnons de route les plus fidèles de la scène floridienne, et je me souviens encore de l’époque bénie du tape-trading, lorsque les cassettes arrivaient de l’étranger, porteuses de jubilation et autres curiosités. Et le cabinet de curiosités de Gibsonton à l’époque n’avait rien à envier à celui de Guillermo Del Toro : horreur, malheur, musique d’outre-tombe. Lorsque le groupe s’appelait encore EXECUTIONER ou XECUTIONER, les bases étaient déjà là, mais c’est évidemment le séminal et moisi (dans le bon sens roquefort du terme) Slowly We Rot qui a déclenché les passions les plus folles. Depuis, une foi sans failles, et des retrouvailles régulières.

Je ne dirai pas qu’OBITUARY n’a jamais déçu. Ponctuellement, sur des albums un peu plus faibles, il a joué la carte de la sécurité à outrance ou à l’inverse, celle du lifting dispensable. Mais dix ans après un éponyme qui avait replacé les choses dans leur contexte (l’excellence), le monstre floridien revient enfin nous exposer ses cauchemars qui seront bientôt les nôtres, comme d’habitude.

Notez comme le laïus présent sur le Bandcamp présente l’aventure Dying of Everything sous un angle interne. Ne sont cité que les trois héros, Donald, John et Trevor, et tant pis pour Terry Butler (basse) et Kenny Andrews (guitare). Après tout, seuls les premiers de cordée intéressent les passionnés, même si le CV d’un Butler a de quoi donner le tournis. Mais qu’importe, quand on aime, on compte, et le trio d’origine est toujours là, ce qui a le don de nous raccrocher à un passé jamais vraiment terminé.

Lorsque le premier single de l’aventure fut lancé, les avis divergèrent. Trop classique, trop facile, ou au contraire, vivifiant dans les nausées et putride juste ce qu’il faut. Les grandes légendes provoquent toujours une scission entre les fans hardcore et les autres, mais ces mêmes fans ne se sont pas trompés : ce onzième album peut d’ores et déjà trôner en bonne place dans la discographie du quintet, pas si loin que ça du sommet incarné par le podium Slowly/Cause/World Demise.   

Non, non rien n’a changé, tout, tout a continué. Ainsi chantait ce groupe d’enfants dans les années 70, et cette assertion est toujours aussi vraie dans le cas de la bande à Donald et John. Les deux frangins ont encore une fois accordé leurs violons, et plaqué une rythmique qui se passerait presque de basse. Et en tombant sur le foudroyant de pesanteur « My Will to Live », on se dit que la fratrie n’a jamais été aussi liée, et en forme olympique pour aller déterrer quelques cadavres plus très frais.

Son parfait, juste assez sale pour ne pas trahir, avec des guitares qui glissent comme de la cire humaine sur les mains d’un profanateur, une frappe assurée, quelques accélérations fumasses, une double grosse caisse délicieusement analogique, et les cris/mots/borborygmes/onomatopées/injonctions/sons hurlés par John, aussi caverneux qu’il n’a les cheveux trop longs. Et dès « Barely Alive », OBITUARY prouve qu’il est non seulement bien vivant, mais qu’il a aussi des choses à dire, des crânes à fracasser, et des pelletées à évacuer. Ce premier morceau, entre Thrash fielleux et Death moelleux rassure quant à l’envie, et s’il reste classique, il pioche dans le meilleur du songbook.

Classique, le mot est lâché, et il a été pensé, soupesé, et balloté pour ne pas induire en erreur. Mais oui, Dying of Everything est bien un classique d’OBITUARY, un album qui respecte les désirs des fans, et qui leur en donne pour leur argent et leur temps. On retrouve tout ce qui a fait de ce groupe un ami de longue date, qui nous traîne depuis les années 80 dans le cimetière d’une société morbide qui se délecte de son propre spectacle de décadence et de putréfaction avancée.

Les titres forts ne manquent pas, et se succèdent à une vitesse folle. OBITUARY a soigné le songwriting, bétonné son retour pour que rien ne puisse lui être reproché. On retrouve tous les réflexes, les postures et les attitudes, et on se dit même que certains titres auraient pu figurer sur les grands albums, comme ce macabre et nauséeux « The Wrong Time », plus World Demise que n’importe quelle tournée de l’époque.

De là, inutile de piocher tout ce qui sort du chapeau, même si chaque morceau exigerait une analyse poussée. J’ai craqué évidemment pour « Without a Conscience » qui sent bon la transition 1989/1994, pour le title-track rythmiquement imparable à la basse roublarde, mais aussi pour le prévisible « Torn Apart », saccadé, syncopé, et même groovy sur les bords et au milieu. Le répertoire 2023 est solide, consistant, et les quarante-cinq minutes totalement justifiées, aucune chanson ne méritant de rester sur le carreau de la salle de montage.

Une fois encore, les reproches vont pleuvoir. Pilotage automatique, recyclage plus ou moins habile, facilité de surface et apathie d’innovation, mais que faire de critiques qui ne tiennent pas compte du parcours et de la légende, qui ose afficher une telle forme en 2023, et une mine plus blafarde que jamais ? Le zombi floridien est plus dangereux que jamais, et transmet un sale virus qui nous contamine tous, et beaucoup plus dangereux que celui refilé par la vague old-school qui elle, se repose sur le passé, et même pas le sien. Le mérite d’OBITUARY est d’avoir été là bien avant tout le monde, et d’avoir été le contemporain de DEATH, MORBID ANGEL ou CARCASS.

Alors, du respect, le même qu’on témoignait à MOTORHEAD et qu’on continue à vouer à AC/DC, METALLICA ou je-ne-sais-qui. Et puis sincèrement, « Weaponize the Hate » est ce que le groupe a proposé de plus efficace depuis très longtemps  John n’ayant absolument rien perdu de son charisme vocal avec les années. En publiant ce disque comme s’il ne s’agissait que d’un rendez-vous anecdotique, OBITUARY a joué la bonne carte, et s’est rappelé de sa passion pour CELTIC FROST, mais aussi de sa lucidité par rapport à sa propre carrière. On ne termine pas un album comme Dying of Everything par une déclaration d‘intention aussi claire que « Be Warned » sans savoir que la suite des évènements ne vas pas être très joyeuse.

De plus en plus ancré dans son époque, OBITUARY nous offre la B.O d’un monde agonisant, entre inflation, pollution, aveuglement et fuite en avant. Si ce onzième album a vraiment des airs de grande étape, c’est parce que chaque album l’est, d’une façon ou d’une autre. Mais en restant honnête, Dying of Everything est une excellente reprise de contact, et l’un des disques les plus intègres de la bande. Entre tradition et quelques concessions. A perpétuité s’entend.

            

     

Titres de l’album :

01. Barely Alive

02. The Wrong Time

03. Without a Conscience

04. War

05. Dying of Everything

06. My Will to Live

07. By the Dawn

08. Weaponize the Hate

09. Torn Apart

10. Be Warned


Site officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 15/01/2023 à 16:57
85 %    966

Commentaires (7) | Ajouter un commentaire


Pine de poule
@45.136.153.58
21/01/2023, 12:34:48

Mortne2001, arrête les chroniques stp, surtout si pour mettre World Demise dans le panthéon du groupe. 


RBD
membre enregistré
21/01/2023, 15:49:54

Pas de grande surprise, ce nouvel Obituary est dans la lignée du précédent : du Death mid-tempo pas trop mal, sans soutenir sérieusement la comparaison avec les temps légendaires constitués pour ma part par les trois premiers albums. On peut néanmoins penser à "World Demise" (que je mets en deçà pour ma part) notamment avec cette intro samplée sur laquelle le tempo du morceau se cale peu à peu. Le riffing est sympathique et d'un niveau constant (ce qui passe mieux qu'une bonne attaque qui s'étiolerait).

Cela fait beau temps que l'agressivité n'est plus la même que jadis mais ce n'est pas seulement un effet de l'âge. Ils ont fait clairement le choix, avec Joe Cincotta, de sonner à la manière du Stoner Sudiste. Et au fond je pense d'abord que cela correspond profondément à leur identité de braves rednecks, et ensuite que cela éclaire le regain d'intérêt sensible dont ils ont bénéficié au-delà du retour en grâce du Death old-school. 


Simony
membre enregistré
21/01/2023, 16:17:51

Pour ma part j'aime beaucoup World Demise donc pas d'objection à ce sujet.


Buck Dancer
@86.252.240.56
21/01/2023, 18:39:41

Très bon album que j'apprécie un peu plus à chaque nouvelle écoute. 2/3 morceaux un peu plus faible que les autres mais rien qui vient gâcher le plaisir d'ensemble. Y'a même des petites surprises bienvenues, comme le premier morceau et le dernier. 

Pareil pour moi "World Demise" est un incontournable du groupe. 


Yalla
@5.51.210.183
21/01/2023, 21:00:26

L'un de leur pires albums. Si l'on ajoute à cela une pochette inadequate, il est temps d'arrêter les frais.


Humungus
membre enregistré
22/01/2023, 07:17:19

Buck Dancer +1.

Et quelle pochette boudiou !!!


Gargan
@86.233.235.138
08/09/2024, 20:10:38

J’étais passé à côté comme un gland et ça fait un bien fou de les retrouver en bonne forme. 

Ajouter un commentaire


Derniers articles

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Rodimus

Excellent !!

27/05/2025, 13:11

Ivan Grozny

Cool qu'ils aient signé chez Osmose !

27/05/2025, 12:19

Humungus

J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...

26/05/2025, 07:32

Oliv

Et Avatar lol 

25/05/2025, 20:35

Humungus

Et accompagné de PANTERA !!! !!! !!!

25/05/2025, 07:32

Boomer Killer

@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?

24/05/2025, 07:15

Moshimosher

Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après  plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)

23/05/2025, 19:55

Humungus

Amen.

23/05/2025, 09:41

Jus de cadavre

Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)

22/05/2025, 17:52

RBD

On lui doit bien ça !

22/05/2025, 12:08

Humungus

Y nous en faut des comme ça en ZEP...

21/05/2025, 19:27

Jus de cadavre

Si ce qu'il dit est vrai c'est quand même bien bas comme méthode de "licenciement", surtout venant d'un groupe qui prône ouverture, tolérance et respect à longueur de show (ironiquement par sa propre voix en plus...). 

21/05/2025, 17:13

Moshimosher

J'aime bien ce groupe... c'est dommage que cette collaboration se termine ainsi... En tous cas, faut que je jette une oreille à Downstater...

21/05/2025, 16:13

Gargan

Ses élèves ne doivent pas moufter...   

21/05/2025, 14:31

LeMoustre

Groupe Polack + thrash ! On pense immanquablement a Turbo. Et ici ce n'est pas complétement faux avec un son abrasif et des vocaux bien criards. Pas mal du tout cette affaire

21/05/2025, 07:33

Moshimosher

Euh... si cet uploading particulier ne date que de 2 semaines, le morceau a, quant à lui, été dévoilé le 30 janvier dernier ! (Bon morceau au passage !)

20/05/2025, 22:13

Gargan

'même pas une ref à un film de 1984 ;)

19/05/2025, 10:45

Simony

Yes, c'est en cours de rédaction. Au camping, nous n'avons pas été impacté par l'orage, pas de dégâts en tout cas.Merci à toi de t'être présenté à moi, c'est toujours cool de croiser des pa(...)

17/05/2025, 18:12

Ivan Grozny

Très belle affiche.

17/05/2025, 16:57