Pendant le premier confinement qui a semblé durer des années, chacun a cherché à s’occuper comme il a pu. Beaucoup ont accepté le télétravail, obligatoire, d’autres ont assuré en présentiel, certains sont restés bien au chaud chez eux au chômage technique, mais nos artistes préférés ont profité de cette période d’isolement obligatoire pour s’adonner à leurs vices les plus recommandables. Ainsi, dans l’Ohio a résonné un barouf incroyable, émanant de la caverne de composition de quatre brutes bien décidées à ne pas rester inactives et à partir à la chasse aux sons les plus abrasifs et colériques. C’est ainsi que le supergroupe PERDITION SECT n’a pas chômé, et a composé plus que de raison pour nous proposer un album une fois le calme revenu. Pour les néophytes vivant comme des ermites, PERDITION SECT c’est comme l’ardoise magique, comme le biberon du même nom, quand il n’y en a plus, il y en a encore. Lorsque la violence semble épuisée et qu’on pense tout le monde étalé pour le compte, ces lascars-là continuent d’appuyer sur la pédale et de mouliner comme des ânes. Supergroupe oui, mais pas dans le sens egocentrique du concept. Supergroupe, parce que les membres du combo sont tous des figures connues de l’underground, s’étant regroupées un jour pour multiplier leur haine viscérale à l’égard d’un monde qu’ils conchient. On retrouve donc dans les rangs de l’album des noms fameux, dont celui de Kyle Severn (INCANTATION, SHED THE SKIN) à la batterie, mais aussi ceux de Matt Sorg (RINGWORM, SHED THE SKIN) à la guitare, de Mike Lare (ETERNAL BLOODSHED, RINGWORM) à la basse et au chant, et celui d’Aaron Dallison (BRAIN TENTACLES, AXIOMA) à la guitare et au chant.
Des brutos donc, purement américains, et qui pourtant lorgnent du côté de l’Europe de quoi mettre à mal sa suprématie. Tirant clairement leur épingle Crust/D-beat du jeu, les PERDITION SECT nous proposent avec End Times de résoudre l’équation la plus simple qui soit. DISCHARGE multiplié par TOTALITAR égal ? Egal à peu près tous les autres groupes en compétition dans le créneau, qu’ils viennent de Birmingham ou de Stockholm, et le rendu de ce nouvel album est tout bonnement effrayant, spécialement lorsqu’on considère la linéarité de la production actuelle. Utilisant la puissance du Death pour épaissir un Hardcore déjà méchamment gras à la base, les originaires de l’Ohio nous proposent donc le LP le plus excitant du moment, qui relate les turpitudes de DISCHARGE en terre nordique inconnue, fixant ses humeurs ténébreuses sur un journal de bord. Aussi à l’aise dans la récupération qu’un NAPALM DEATH se faisant plaisir avec des reprises, ou qu’un Nicke Andersson se barrant d’ENTOMBED pour exploser avec les HELLACOPTERS, PERDITION SECT ne se prend pas la tête, et reprend à la lettre les commandements du Crust et du D-beat, pour les détourer à sa sauce, la plus explosive de toutes. On a même parfois le sentiment d’écouter l’ENTOMBED période n’Roll passé au vitriol de l’école Hardcore suédoise des années 80, tant la véhémence ambiante nous écorche les tympans sans pitié. Profitant d’une production rêche et sombre, le groupe tente et réussit à résumer cette terrible année 2020 en moins d’une demi-heure, gardant toujours le cap sur la vitesse, toutefois régulièrement brisée par des passages en mid entêtants.
Tout ça semble facile sur le papier, les exactions Crust étant d’un classicisme confondant, et pourtant parvenir à respecter le genre tout en lui conférant une touche personnelle est un art Ô combien ardu. Mais les américains sont rompus à l’exercice, et leurs morceaux dépotent d’une hargne qui en dit long sur leur ressentiment. Et dès « Plague of Incompetence », le plus long morceau de l’album, on comprend que les quatre lascars ne sont pas là pour rigoler, et qu’ils n’ont pas pris la tâche à la légère. Après une courte intro aux tonalités clairement Death, le massacre commence, et la boucherie prend des allures de marché du samedi matin. Les mecs découpent les côtelettes sans laisser de gras, la basse gronde dans un déluge de distorsion excessif, tandis que les guitares sonnent comme exhumées des années 90. Le chant quant à lui n’a pas oublié qu’un peu de Death dans le Hardcore ne fait pas que du Deathcore, et le tout noircit l’âme mais la rend plus lucide. Profitant d’un niveau individuel et d’une expérience en solitaire de haut niveau, PERDITION SECT envoie valser la concurrence, défèque sur le paillasson de 2020, et réserve son plus bel étron à cet avenir qui se dessine sous un ciel de plus en plus voilé. Assez caractéristique de l’ambiance qui règne actuellement aux Etats-Unis, avec cette lutte fratricide entre deux candidats, et ces lieux de vote pris d’assaut par les pro-Trump armés qui craignent pour la dignité de leur candidat, End Times sonne donc le rappel des troupes du peuple, et appelle au soulèvement.
Tout n’est pas bourrin mais quand même, le tempo accélère quand il en a envie (« Not If, But When »), les lyrics fustigent la mainmise des plateformes sociales numériques et leurs conditionnement (« Social Media Leprosy »), et le tout à des allures d’incursion de DISMEMBER dans l’espace vitale Crust anglais. La sensation est évidemment délicieuse, et le rendu épais, comme l’accouplement d’ENTOMBED avec un EXTREME NOISE TERROR remonté comme trois pendules. De quoi mettre une solide claque dans la gueule de 2020, en attendant que 2021 s’annonce sous des auspices encore plus déprimants. Mais un défouloir fabuleux à cette frustration ambiante, et un album qu’on aborde comme un exutoire sans avoir à faire appel à l’aide d’un psychiatre.
Titres de l’album:
01. Plague of Incompetence
02. Scorched Earth Industry
03. Not If, But When
04. Social Media Leprosy
05. Bite the Hand
06. Contagion of Necessity
07. Infinite Incarnation
08. Missed Information
09. Your Safe Space Isn’t Here
10. Progress of Failure
Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.
24/04/2024, 14:26
Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live
23/04/2024, 09:55
Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique
22/04/2024, 18:04
Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.
21/04/2024, 19:52
Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)
20/04/2024, 23:36
Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)
20/04/2024, 20:06
Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)
20/04/2024, 06:26
Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler ! Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.
19/04/2024, 18:08
@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...
19/04/2024, 15:54
Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.
19/04/2024, 15:20
On s'en cogne. Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)
19/04/2024, 07:52