Disparu des radars depuis la sortie d’un EP en 2019, PHOBOCOSM retrouve son plan de vol pour se faire repérer d’un nouveau longue durée en cette année 2023. Chantres d’un Death Metal sourd, cryptique et lourd, empiétant sur les chrysanthèmes fanés des tombes Death/Doom, les canadiens sonnent plus remontés que jamais, et nous invitent à joyeusement déambuler dans les allées de leur cimetière personnel.
Foreordained est donc le troisième album tant attendu, qui aurait logiquement dû intervenir deux ou trois ans après le célébré Bringer of Drought (2016), et qui vient à point nommé nous rappeler à quel point ce quatuor de Montréal incarne le versant traditionnel du Death canadien, froid, rigide, impénétrable, et opaque comme une nuit éternelle.
J.S.G (batterie), S.D (guitare) et E.B (chant/basse), les trois membres fondateurs, et R.M (guitare), nous proposent donc une nouvelle production gravissime, entre Death, Doom, Noise et attaque de biais, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Foreordained ne fait pas semblant d’être vilain. Mixé et masterisé au Studio Tehom, à Montreal, ce troisième du nom incarne le versant le plus rude de la montagne de la mort, avec ses riffs congelés, ses mélodies infectées, et évidemment, ce chant immonde, tenant lieu de troisième ou quatrième ligne rythmique, et qui porte à bout de cordes vocales des structures logiques et éprouvantes.
Point de grosse surprise donc, point de technique exacerbée, mais du lourd, du très lourd parfois, des ambitions manifestement non revues à la baisse avec les années, et une belle place à occuper sur le podium des groupes les plus difformes d’un Montréal de cauchemar.
Et si tout commence par une entrée en matière modeste et traditionnelle, avec en fond un riff ample lâché comme aux plus grandes heures d’AUTOPSY, les choses ne tardent pas à changer pour nous propulser dans un monde parallèle, au sein duquel le temps s’écoule différemment. Avec plus de dix minutes de digression, « Primal Dread » est un gros morceau qu’on vous fourre dans les oreilles sans votre consentement, et qui évoque tout autant la scène Death monolithique des INCANTATION/SUFFOCATION, que par petites touches le Post-Hardcore le plus vénéneux des années 90, NEUROSIS en tête de liste.
Les itérations sont donc reines, et le groupe insiste sur les plans les plus oppressants. Inutile d’espérer une quelconque respiration, le tout est aussi bien scellé qu’une lettre de recommandation auprès du diable, et l’air vicié envahit rapidement nos poumons pour nous laisser sans souffle, à attendre vainement une petite ouverture sur un univers moins claustrophobique.
Là est l’art des canadiens, qui ne reculent devant aucune astuce pour compresser leur musique au maximum, nous offrant par là même des arrangements presque symphoniques, en tout cas dramatiques, qui se tapissent en textures en arrière-plan, pour se rapport d’un Black/Death apocalyptique.
Pas radins les canadiens, malgré un tracklisting très limité. Six morceaux seulement, mais quels morceaux, puisque tous dépassent les cinq minutes, voire les six ou les sept. De longues constructions donc, pour un disque qui diffuse son poison lentement, nous immobilisant et nous paralysant pour nous soumettre à sa volonté. Il est même possible d’envisager que cet album à une volonté propre, et qu’il n’est pas seulement le fruit des réflexions de musiciens désireux de se rapprocher du côté le plus extrême.
Non, Foreordained semble se mouvoir seul, créature étrange rampant sur le sol en mode cadavre en pleine résurrection, et une fois debout, son ombre plonge dans l’obscurité le reste de la cave, nous isolant encore un peu plus du monde extérieur (« Infomorph »).
Intense, solide, et même pourquoi pas traumatique, ce troisième album est donc l’épiphanie que nous étions en droit d’attendre de PHOBOCOSM. Du Death lourd et sale, qui sent les égouts, le nihilisme, le dégoût de l’humanité, et l’extrême onction dans un monde à l’agonie, en première phase de putréfaction avancée. Mais quel plaisir de glisser sur de la cire humaine comme sur un toboggan macabre, et qu’il est délicieux de se laisser malmener par un Metal sans compromis, parsemé de quelques fantaisies rythmiques, et propre à faire passer Chris Reifert et ses admirateurs pour des lutins de Noël en manque de bonheur familial.
PHOBOCOSM vous fait donc un très beau cadeau, et il serait de très mauvais goût de le refuser. D’autant qu’une telle grimace musicale exagérée n’est pas chose courante, et il convient donc de l’apprécier de la même façon qu’on apprécie le cadeau de tata Nicole recyclé depuis 1987.
Titres de l’album:
01. Premonition
02. Primal Dread
03. Everlasting Void
04. Infomorph
05. Revival
06. For an Aeon
Ils m'avaient tapé dans l'oeil (enfin les esgourdes) sur une news. Dense, lourd, implacable. Faudrait qu'ils passent en France, les Cousins.
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