Grimt

Oghre

15/05/2020

Autoproduction

Vous vous y connaissez en Folklore letton ? Vous connaissez les traditions du pays ? J’avoue n’avoir aucune connaissance sur le sujet, et c’est pour cette raison que je suis très heureux d’être tombé sur les locaux d’OGHRE qui apportent un peu de culture à ma cuistrerie musicale. Originaire de Riga, OGHRE en est effectivement un, dont l’appétit artistique semble sans limites, et qui visiblement, cherche à combler un vide entre le Sludge et le Progressif avec sa musique. Lorsqu’on pense lourdeur, mélodie et structures évolutives, des noms viennent évidemment en tête, dont ceux d’OPETH ou MASTODON, et pourtant, OGHRE évite avec une facilité déconcertante les comparaisons, en jouant une musique qui échappe à toute restriction et catégorisation. Certes, leur approche est pesante, longue, construite, parfois aussi mélodique et complexe qu’une équation de TOOL, mais ce second LP faisant suite à Gana, publié il y a trois ans, est de cette catégorie d’albums qui échappent à toute étiquette, même en se creusant les méninges. Et quoi de plus agréable qu’un disque cohérent, original, qui picore un peu partout sa pitance, mais qui piaille comme personne, détournant les codes du Doom, du Sludge, de l’Art Rock, du Black Metal, pour finalement accoucher de sept longues pistes qui nous entrainent sur celle de l’inconnu, ce qui n’arrive que très rarement dans une semaine de chroniqueur. Avec Grimt, le quintet (Andis Zvejnieks - basse, - Normunds Balodis - batterie, - Kristaps Baķis & - Toms Gaļinauskis - guitares et  Oskars Dreģis - chant) nous propose donc un melting-pot fascinant, puissant, intriguant, souvent dissonant et - Ô bonheur - des pistes qui se suivent et ne se ressemblent pas, sans pour autant partir dans tous les sens.

Production un peu sèche et sans artifices, guitares qui n’admettent aucun effet bizarre, section rythmique crue et presque live, chant légèrement en retrait, l’impression de découvrir un secret gardé pendant des siècles est prenant, et l’écoute s’en trouve encore plus riche et jouissive. D’autant plus que nos amis lettons se laissent souvent aller au sein d’un même morceau, l’entamant d’une lancinance oppressante, avant de le terminer dans la légèreté d’harmonies Folk très délicates. De là, il est évidemment difficile de vous décrire une œuvre qui évite tous les poncifs et clichés, et qui s’apparente tout autant au Rock qu’au Metal, puisque les deux aspects sont abordés avec la même passion et la même conviction. Prenons pour exemple le sublime « Trauksme », qui en six minutes résume à merveille la démarche du quintet, entamant les débats sous les auspices d’un Doom/Death poisseux et rêche, avant de s’autoriser une cassure aux deux-tiers de son métrage pour imposer le silence, et une instrumentation Post Rock presque jazzy dans les faits. L’utilisation de la langue d’origine est elle aussi symptomatique des mouvements Progressifs et Folk des années 70, et il semblerait que Grimt s’ingénie à faire la jonction entre les années 70 et le radicalisme Heavy des années 90, bien loin des coutumes modernes de MASTODON et de tous ses suiveurs.

Et même si les chansons sont lentes, lourdes, le spectre du Doom ne fait qu’effleurer la surface du lac de l’inspiration, tout comme les prétentions artistiques sincères éloignent le projet d’une avant-garde trop pompeuse. On retrouve ce schéma sur « Sarkans » qui démarre comme du VIRUS trempé dans les eaux de VATTNET, avant que la voix rauque d’Oskars Dreģis n’alourdisse l’ambiance à la NEUROSIS des jours sombres.

          

D’instinct, et avec un minimum de connaissances dans ce genre de réalisation, on serait tenté de se jeter sur le long pamphlet « Vaidava Celies! », qui du haut de ses dix minutes surplombe le reste du répertoire. Et s’il est certain que cette suite incarne en quelque sorte le pinacle d’une démarche avec sa longue entame, elle n’en représente pas pour autant l’élément clé qui permet de résoudre l’énigme OGHRE. Par contre, elle en incarne une autre variable, intéressante et éprouvante, qui offre le visage d’un groupe profondément violent et cru, proche du BM lo-fi le plus incorruptible, qui justement aurait tiré des enseignements des répétitions les plus symptomatiques de NEUROSIS. Car ce crescendo très bien étudié nous offre plus de cinq minutes de sur-place, avec son lick de guitare hypnotique et sa rythmique en métronome, avant que le chant d’outre-tombe de Dregis ne nous ramène dans le giron d’un ABRUPTUM soudainement perméable aux mélodies amères du Post Black. Encore une fois, le groupe nous surprend, et parvient à conférer à sa musique un côté inédit qui ne se démentira pas du long de l’album, qui enchaîne aussitôt avec un segment purement Folk (« Slāpes »). Et pourtant, Dieu m’est témoin que Grimt n’a absolument rien de commun avec le Pagan Black, encore moins avec le Folk nordique de MYRKUR, et qu’il possède une identité forte qui n’est pas sans rappeler un mélange globale entre PARADISE LOST, l’OPETH des premiers jours, VIRUS, mais aussi TOOL.

Décidément très à l’aise dans son créneau indéfinissable, le groupe ne donne jamais le sentiment de naviguer à vue, et vogue sur les eaux de l’originalité avec des instruments fiables, atteignant sa destination sans encombre. Il est certain que ces sept pistes ne parleront pas à tout le monde, et qu’il convient d’accepter de se laisser porter par une musique foncièrement originale, mélancolique, agressive, qui ne ressemble pas à grand-chose d’existant. Et par extension, Grimt a des airs de voyage dans les légendes de la Lettonie, un pays que je ne connais pas, mais qui raconté par les OGHRE donne vraiment envie de se fendre d’un voyage au long-cours, pour peut-être ne jamais revenir.                                                                         

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Viens

02. Trauksme

03. Sarkans

04. Māli

05. Vaidava Celies!

06. Slāpes

07. Rītausmas Zirgs


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 27/10/2020 à 16:12
88 %    1010
Derniers articles

Defeated Sanity + HM 2

RBD 09/07/2025

Live Report

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Jus de cadavre

Je crois qu'il faut accepter que la scène Metal (extrême en particulier) va redevenir underground et invisible pour le profane (et c'est pas pour me déplaire). Le reste - vieux dinosaures des années 80 et jeunes groupes prêt à tout pour quelques l(...)

09/07/2025, 15:34

Jus de cadavre

"la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises"En même temps quand on voit ce que propose les "jeunes" groupes faut pas s'étonner que les gens qui cherchent un peu de qual(...)

09/07/2025, 15:26

DPD

@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.

09/07/2025, 13:52

Saul D

Bonjour, moi je serais dans les premiers à réclamer plus de femmes sur scène, et éventuellement plus de diversité ethnique, mais je préfère largement un festival du type Fall of Summer, au Hellfest, et ce depuis 2015....

09/07/2025, 13:52

Ivan Grozny

J'aime beaucoup ce groupe, hâte d'écouter ce nouveau disque !

09/07/2025, 13:17

Ivan Grozny

News à mettre en regard de celle sur le dernier concert de Black Sabbath, nous assistons à l'agonie d'une certaine idée de la scène metal, celle qui arrivait à faire consensus autour d'une musique de qualité et qui avait du succès. F(...)

09/07/2025, 13:16

Jus de cadavre

"Avec qui en tête d'affiche? Radiohead ou Oasis?" bah ça n'a plus rien de choquant aujourd'hui. Barbaud parle de Placebo en tête d'affiche donc bon... Va falloir s'y faire, les fans de Metal ne sont plus du tout le public vis&eacut(...)

09/07/2025, 12:20

labbe

ça va en faire du selfie à la con sur internet... 

09/07/2025, 10:44

Dom

C'est justement peu-être l'affiche 2025 qui a convaincu  :)

09/07/2025, 10:34

Humungus

Si je voulais être méchant, je dirai : "Y a-t-il encore des fans de Metal au HELLFEST ?"

09/07/2025, 10:30

l\'anonyme

Avec qui en tête d'affiche? Radiohead ou Oasis? Plus sérieusement, je me de mande encore comment le festival peut afficher complet avec l'affiche qu'ils ont réalisée pour 2025. Comment les fans de metal peuvent encore leur faire confiance ? 

09/07/2025, 10:13

GPTQBCOV

@DPD : on te vois beaucoup t'attaquer aux groupes de croulants mais on ne te vois jamais la ramener sur tes groupes du moment, ce que tu aimes ou les groupes qu'il faut désormais en lieu et place de ces formations vieillissantes que tu dénonces tant... 

09/07/2025, 06:45

DPD

@Jus de cadavreGenre ils on payés les frais de déplacement et l'hôtel, me fait pas rire, les enfoirés part 2. Au moins le juif Patrick Bruel tiens debout.

09/07/2025, 01:12

LeMoustre

Très bon album avec 3/4 titres vraiment excellent et un bon niveau global.Quelques Slayeries comme sur Trigger Discipline mais rien de méchant. D'autant que le titre Gun Without Groom est vraiment terrible, en effet. Un très bon cru

08/07/2025, 23:59

DPD

Pour moi je vois c'est l'équivalent que de voir 2pac en hologramme (qui était homosexuel), peut-être même pire parce que l'illusion tiens mieux le coup, je reste sur cette position.

08/07/2025, 22:44

Jus de cadavre

Les bénéfices du concert était entièrement reversés à une œuvre caritative. Aucun des groupes présents n'a palpé pour leur concert (en même temps c'était 20 minutes de live par groupe...). Après ça (...)

08/07/2025, 22:42

DPD

@SalmigondisJe sais pas si tu veux quelque chose qui fait plus l'unanimité j'ai vu Morbid Angel au bout et c'était de la merde, une prestation robotique au possible, j'ai pris plus de plaisirs sur des trucs plus locaux à la con. Il faut savoir tourn(...)

08/07/2025, 22:28

Mass

Mais quelle bande de clodos...tout le monde se branle du batteur sans déconner. Se faire du fric de cette manière c'est franchement pathétique. Massacra est mort et enterré...qu'il le reste pour conserver son statut CULTE. Honte &agrav(...)

08/07/2025, 21:54

Salmigondis

Avant d'aller me faire voir ailleurs, je partagerai avec vous cet hommage Fernandelien :"Aux adieux de Black Sabbath, il tremblait pas mal d'la patte.Fais l'Ozzy, assis."

08/07/2025, 21:31

Salmigondis

Ben tu m'étonnes, DPD, d'être passé à autre chose.  En même temps, quand on a eu ces groupes là comme entités fétiches, on ne peut qu'aller de l'avant. C'est comme partir de zéro (je plaisante

08/07/2025, 21:26