Quand la température monte, on a souvent tendance à s’alléger. A porter le moins de tissu possible, à s’hydrater, et à réconforter ses oreilles avec des classiques ou des tubes de l’été. Donc, pas vraiment à déguster des tripes au saindoux tout en se maltraitant d’un Death Doom épais et morbide en portant un pull à col roulé. Mais qu’importe la situation, lorsque l’actualité l’exige, il convient de prendre les mesures qui s’imposent. Et puis sincèrement, les cocktails, la piscine, les chaussures ouvertes et la Soca Dance, on a fait mieux pour supporter la chaleur ambiante.
Mieux comme le premier album des texans de VOID WITCH.
VOID WITCH est un quatuor d’Austin (Luke - basse/chant, Adrian Marchi - batterie, Jason & Nic - guitares), formé en 2021 et déjà auteur d’une démo et d’un EP. Il était donc temps de passer à la vitesse supérieure, et c’est sur un label italien que les américains ont publié leur premier longue-durée. Et il est évident qu’Horripilating Presence ne va pas plaire à tout le monde. Les amateurs de lumière, de danse jusqu’au bout de la nuit et de partage festif en plein mois de juillet prendront leurs jambes à leur cou, pour laisser le camping aux mains des parias, et des passionnés de lenteur obsessionnelle et de lourdeur séquentielle.
Je vous vois venir, du Death/Doom, on connaît par cœur. Il y a une part de vérité dans cette assertion, mais les VOID WITCH ont pris un malin plaisir à la nuancer. Loin des borborygmes habituels sur tapis Heavy décéléré au maximum, Horripilating Presence se permet quelques ouvertures de stores pour capter la lumière ambiante, et proposer autre chose qu’une longue agonie sans espoir ni envie. Leur Death est prononcé, certes, mais leur Doom est agencé. A la manière d’un groupe de Heavy classique ayant tourné casaque pour jouer dans la cour des insistants, VOID WITCH manie l’accroche comme personne, tout en s’adressant aux fans de HOODED MENACE, TEMPLE OF VOID, COFFINS, ou DRUID LORD.
On a même parfois le sentiment d’un album de DOWN passé en seize tours/minute, écouté religieusement par le vieux OPETH et les petits jeunes de KATATONIA. Beaucoup d’insistance donc, spécialement sur les titres les plus longs, comme « Malevolent Demiurge », qui joue à cache-cache avec les mélodies et qui cloisonne par précaution les deux styles tout en les mélangeant au besoin.
Nous sommes donc très loin du sempiternel Doom/Death souffreteux et macabre, et plus proche d’une version musicale d’un Death Metal joué avec les réflexes les plus harmoniques du Doom, et non ses tendances nihilistes.
Ce premier album est donc très riche. Sur un seul morceau, les texans insufflent plusieurs idées, pour ne pas tourner en rond. Cette diversité ne nuit aucunement à la cause, comme le prouve la doublette d’intro « Grave Mistake » / « Second Demon », qui étale avec modestie tous les atouts d’un groupe qui a pris le temps d’observer avant de composer. En découle un Metal puissant et violent, mais aussi mélodieux, cathartique, et susceptible de faire des envieux. Lorsque les passages plus apaisés se voient souillés par des accélérations fumasses, la formule fonctionne à plein régime, d’autant plus que les riffs sont accrocheurs. Le meilleur de tous les mondes donc, pour un disque tout sauf monolithique ou trop figé.
D’ailleurs, aucun morceau n’atteint la barre fatidique des dix minutes. Les idées ont été resserrées au maximum, les futilités expulsées et les scories balayées. Ce qui vous garantit une écoute fluide et facile, sans avoir à faire trop d’efforts de compréhension. En égayant toujours leur mélancolie et leur spleen d’harmonies jaunies et de souvenirs passés, les texans composent une belle ode à la pesanteur, sans en rajouter niveau pression. Nonobstant ce constat, « Supernova of Brain and Bone » se traîne méchamment dans le caniveau, une large blessure au niveau du flanc, pour aller doucement crever dans les égouts en total anonymat.
Cette confrontation permanente entre accessibilité et purisme est l’atout majeur d’un disque qui évite tous les pièges du Doom/Death classique. Là où leurs homologues jouent la montre et la grossièreté de plans tous identiques ou presque, les VOID WITCH dévient, observent, restent attentifs, et nous lâchent des bombes assourdissantes, comme ce « Thousand-Eyed Stalactite » qui propose une image pour le moins incongrue, sur fond de Death Metal caverneux et nostalgique.
L’équilibre des forces est donc admirable. D’autant que le quatuor n’hésite pas à appuyer un peu plus pour faire suppurer les plaies. « Horripilating Presence » dose donc le Death avec plus de générosité, et vient clôturer un album quasiment parfait de sa méchanceté rythmique.
Horripilating Presence est donc un premier album très maîtrisé, mais qui a su rester sauvage. Sans aller jusqu’à parler de révélation, VOID WITCH a déjà trouvé sa place dans les écuries, et ne compte pas la perdre de sitôt.
Titres de l’album :
01. Grave Mistake
02. Second Demon
03. Malevolent Demiurge
04. Supernova of Brain and Bone
05. Thousand-Eyed Stalactite
06. Horripilating Presence
Voyage au centre de la scène : une rencontre avec Chris Palengat (MASSACRA)
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