I

Articulus

01/11/2019

Etymology Recordings

Petit glissement géographique opéré ce matin, puisque de Suède, je me retrouve en Norvège, ce qui ne change pas grand-chose au climat qu’on subit ici…Pluie, grisaille, motivation aussi forte qu’un dimanche matin précédant un jour férié, et pourtant, je me sens galvanisé par la tâche, ayant le sentiment d’avoir découvert un groupe résolument à part. Méfions-nous d’ailleurs des groupes qui dès le départ se placent sous des auspices dits « Progressifs ». C’est en effet un style un peu fourre-tout, qui permet d’y classer un peu ce qu’on veut, et le fait de signer des compositions dépassant les six ou sept minutes n’a jamais garanti une quelconque affiliation…Pourtant, et avec un peu de recul, il n’est pas vain d’affirmer que les ARTICULUS sont bel et bien un groupe du cru, si l’on donne au terme le même sens qu’on lui accorde lorsqu’on parle de la musique de Devin TOWNSEND, EMPEROR ou PERIPHERY. Non que les norvégiens soient la somme de ces trois influences, mais on trouve des traces de ces trois artistes dans leur musique, aussi cinématique qu’un score de Danny Elfman, et aux ambitions aussi patentes que celles de DREAM THEATER sur sa première partie de carrière. Il est néanmoins difficile de comparer ce duo du nord à une quelconque balise précise, leur art consistant justement à mélanger les genres pour élaborer le leur…Basé sur une structure simple d’apparence, I se présente sous la forme d’un festival de guitares, ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu’on considère que les deux porteurs du projet sont justement des guitaristes. Ce qui reste impressionnant à l’écoute de cet album, c’est sa richesse dans la démesure, son envie d’offrir un packaging complet et des compositions riches et mélodiques, non exemptes de défauts si l’on souhaite rester honnête. Mais avec un timing de presque une heure et quart, les scories étaient inévitables, l’équilibre penchant au final du côté qualitatif. Est-il possible d’en savoir plus sur ce projet avant de le disséquer ? Un peu oui, mais pas tellement plus que ce que je vous ai déjà confié…

ARTICULUS à la base résulte de l’association de deux hommes, Chris Willumsen (guitare lead, guitare acoustique et orchestrations) et Erling Malm (guitare rythmique et chant). Depuis dix ans, les deux compères travaillent d’arrache-pied pour élaborer un répertoire digne de ce nom, construit sur des fondations Heavy solides, mais extrapolé d’un sens de la recherche mélodique aigue. Certains sur la toile se sont plu à comparer leur travail à celui d’ALLEGAEON, ce qui n’est pas sans fondement, mais je me refuse à ancrer l’inspiration des deux hommes dans une terre trop foulée. Disons qu’ils ont repris des recettes déjà existantes pour les accommoder à leur sauce et proposer une sorte de construction opératique riche d’arrangements électroniques, sans atténuer les harmonies qu’ils peaufinent. Et s’il n’est pas interdit non plus de voir quelques corrélations entre I et certain albums de SYMPHONY X, il ne s’agit une fois encore que de précisions floues destinées à aiguiller l’auditeur sur une piste vague, et non de lui baliser le terrain de la compréhension. Car les morceaux composant ce premier opéra futuriste se passent très bien de tutelle, et occupent le terrain de leur grandeur, la majorité dépassant les quatre minutes pour parfois s’étirer sur plus de sept. Résolument agressif, le style d’ARTICULUS est une sorte de trait d’union entre un Metal très ancré dans son époque, et des structures anciennes liées au Metal Progressif tel que les pionniers ont pu le définir à l’orée des années 90. En soi, une association entre la puissance brute du Power Metal, sans les accélérations, mais avec une tendance à la grandiloquence, ce que « The Bonfire of the Vanities » démontre sans complexe en ouverture. Affichant leurs envies sans préparer l’auditeur, les deux musiciens norvégiens tentent de nous prouver immédiatement que la décennie consacrée à l’élaboration de ce premier album ne fut pas temps perdu, et nous assomment d’une intro digne de joutes romaines, avec un duo de guitares en exergue solidement soutenues par des claviers pompeux, mais en adéquation avec la vision.

Epaulés à la batterie par l’omnipotent Dirk Verbeuren (SCARVE, MEGADETH), Chris et Erling déroulent leurs riffs et leurs progressions, lâchent des licks certes prétextes à des débordements opératiques larger than life, mais gardent ce côté humain évitant à l’entreprise de sombrer dans le grotesque. On sent d’ailleurs en arrière-plan qu’ils ont vraiment souhaité garder prise avec l’efficience, lorsqu’un morceau aussi percutant que « Absinthe » vient nous chatouiller de sa violence ouverte et de son pattern rythmique presque Thrash. Mélodie, agressivité, lyrisme, le mélange n’est pas sans atouts, même si la production, un peu trop compressée empêche parfois de remarquer la finesse des ornementations. Le chant de Malm, efficace et modulé manque aussi de cette amplitude qu’on exige de la plupart des vocalistes du genre, mais cette retenue permet de tempérer des ardeurs qu’on aurait pu craindre moins contrôlées, même si les titres les plus longs souffrent parfois d’une redondance que quelques breaks bien sentis viennent atténuer. Ainsi, le répétitif « And Velvet became Iron » profite d’une cassure centrale en orchestrations synthétiques pour permettre à un ultime sursaut de relancer la machine. C’est surtout dans ces moments-là qu’on pense à EMPEROR, mais aussi à CREMATORY, lorsque les guitares s’assombrissent et que le ciel se plombe de brutalité. Brutalité toute relative ne vous inquiétez pas, le but n’étant pas de défier les groupes de BM symphoniques sur leur propre terrain, même si ARTICULUS avec les muscles un peu plus bandés aurait de quoi venir les provoquer. La complexité instrumentale, pas forcément criante à tout instant est évident traitée avec l’intelligence requise, ce qui nous permet de nous délecter de petites idées plus fines qu’il n’y parait, offrant un décalage entre précision rythmique et démesure mélodique (« The Smouldering Ember », aux harmonies un peu nostalgiques, mais à la batterie rouleau-compresseur). L’album profite donc d’un agencement intelligent, même si les humeurs médiums ne sont pas forcément les plus convaincantes (« Pulse of the Earth »).

Que reprocher formellement à cet album qui extérieurement, renvoie une image solide ? Un systématisme des riffs qui jouent un peu trop la même partition, des lignes vocales aux harmonies trop homogènes, des redites inévitables dès lors qu’on se laisse aller à soixante-douze minutes de musique, et des morceaux qui auraient parfois gagné à être plus condensés. Ce qui n’empêche pas certaines suites d’avoir de la classe à l’instar de « The Last », au tempo plus lent et au synthé oriental, mais il est certain que parvenu aux trois-quarts de l’album, l’ennui finit par pointer le bout de son nez…Dommage que les deux norvégiens n’aient pas résumé leurs idées en format plus raisonnable, mais acceptons comme un joli coup de semonce annonçant l’arrivée d’une nouvelle lame dans la confrérie chevaleresque du Metal Progressif moderne. Une lame qui demande à être plus affûtée, et maniée avec moins d’évidence.

                        

Titres de l’album :

                           01. The Bonfire of the Vanities

                           02. Beneath the Veneer

                           03. The Unconfirmed

                           04. Absinthe

                           05. And Velvet became Iron

                           06. Mutiny

                           07. The Smouldering Ember

                           08. Pulse of the Earth

                           09. Letter from Rome, 1610

                           10. The Last

                           11. A Fair Intruder

                           12. An Asp unto my Breast

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par mortne2001 le 01/11/2020 à 14:36
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