IIII

Neige Morte

15/05/2020

Atypeek Music, Division Records

Vous pensez bien qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’envisager le Black Metal. Le style est ouvert à toute suggestion, sa seule ambition résidant dans son nihilisme ou son esthétique. De là, que vous le jouiez arty et avant-gardiste, symphonique et pompeux, raw et sans concessions, ou technique et rapide, la démarche est la même. Chacun y trouve son compte ou pas, l’essentiel étant de pouvoir exprimer ses frustrations, ses colères, son dégoût, et articuler le tout sous une forme artistique bien précise…ou pas. Mais en l’état, et contrairement à d’autres genres moins tolérants, le BM peut aussi se concevoir autrement que par un schéma classique bien défini. La preuve en étant la discographie des lyonnais de NEIGE MORTE, qui depuis leurs débuts font tout pour faire croire qu’ils ne jouent pas de Black Metal. En en étant honnête, il est vraiment difficile de les affilier au créneau, tout comme il est malhonnête de les en éloigner. Né en 2009, le groupe a souvent changé de visage, humainement parlant, mais aussi artistiquement. Pas un de ses albums ne ressemble vraiment aux autres, et l’arrivée de ce IIII dans sa discographie ne risque pas d’arranger la donne. Né à Lyon, le combo n’a pas tardé à exprimer ses vues sur un premier longue-durée éponyme distribué par le label Aurora Borealis, avant de lâcher un morceau de dix minutes pour un split en compagnie des THE AUSTRASIAN GOAT. Puis, intégration d’un nouveau batteur, changement d’optique, second LP Bicephale assez célébré par l’underground, perte d’un chanteur, recrutement d’un bassiste, un guitariste vivant en Suède, la terre d’origine, qui prend en charge les hurlements. Trinnnt officie en tant que troisième chapitre, et les choses commencent à méchamment dégénérer. Aujourd’hui trio (JG - batterie, aussi dans PLEVRE, SA - guitare/chant, et SG - basse), NEIGE MORTE s’enfonce encore plus dans les abysses bruitistes pour se rapprocher d’un magma sonore indéfinissable, certainement BM dans le fond et dans la forme, mais plus extrême qu’autre chose.

Et extrême, ce quatrième album l’est, sans conteste. Les puristes du BM auront peut-être du mal à assimiler ce torrent de distorsion et de bruit déguisé en structure comme du Black à proprement parler. Et je vais être franc, on s’en fout complètement. Si le but avoué de NEIGE MORTE était d’incarner la vision la plus noire et chaotique d’un genre qui a déjà repoussé toutes les limites, leur but est atteint depuis longtemps. Mais ce IIII va encore plus loin, et ose le sacrilège suprême de ne proposer que quatre vrais morceaux et trois interludes, pour finalement atteindre une durée musicale assez restreinte. A peine plus de vingt minutes de musique donc, si tant est que les chansons formelles puissent être appelées comme ça, mais une intensité qui empêche la longueur sous peine d’alerter Amnesty International. Le boucan dispensé par les lyonnais est intense, mais il n’en est pas pour autant n’importe quoi. Très intelligents, les musiciens savent quand ralentir le rythme et apaiser les tensions, pour mieux relancer la torture d’un plan immonde ou d’une reprise abjecte. Immonde, abject, voici deux épithètes qui définissent avec acuité ce qui vous attend sur cet album qui ne conçoit le son que comme abrasif, étouffé, amateur, et surtout, agressif et sans pitié. On a parfois le sentiment d’écouter une démo enregistrée dans un garage et mixée dans un studio pro pour rendre la production acceptable pour un longue-durée. En écoutant le final « IIII », on se complait dans la saleté audio la plus crasse, avec une guitare qui lâche ses riffs les plus maladifs, osant des inserts mélodiques rachitiques pour faire croire que les instrumentistes sont encore plus ou moins humains, tandis que le chant, presque indiscernable agit comme un agent répulsif des plus convaincants. Comme je le disais, il est très difficile de savoir ce que les lyonnais jouent. On peine parfois à suivre le rythme tant la batterie fait passer celle de St Anger pour un clinic de Simon Phillips, la caisse claire étant la plus répugnante depuis « Cromlech » de DARKTHRONE, et la basse semble s’ingénier à rendre les rondeurs horribles de Shane Embury acceptables dans le grand monde des bassistes de légende.

Ce laïus fera certainement fuir les amateurs de BM classique. Aucune importance, ils ne sont pas concernés par cette sortie. Et ils le comprendront dès « Hlcst », qui manie l’ignominie musicale comme Emile Louis le volant d’un bus. Avec dextérité, méchanceté, vilénie, dans une tentative chaotique de rendre la laideur encore plus laide qu’elle ne l’est déjà. Ici, tout est pourri, suintant, empeste la saleté mentale, le déséquilibre psychologique. On frappe, on lacère, on scarifie, sans aucun remord, et on se plaît à constater la douleur à postériori. Même les rares instants mélodiques sont utilisés à de mauvaises fins, et lorsque la machine se relance dans un effort de chaos désorganisé, les plaies s’ouvrent encore plus et ressemblent à des escarres purulentes. Pour autant, n’allez pas croire que NEIGE MORTE fait n’importe quoi en espérant que de pauvres âmes trouvent leur abomination logique. Non, ces musiciens-là sont de véritables psychopathes parfaitement conscients de leur capacités néfastes, et crachent à la face du monde leur dégoût, que « Svart Hål » illustre à merveille de ses huit minutes et quelques de douleur musicale et expérimentale. Pas vraiment avant-gardiste, le trio est quand même assez culotté pour intéresser les intellectuels en mal de cause perdue, et pourtant, leur efficience à quelque chose de méchamment hypnotique, comme un mauvais mantra qui vous broie l’âme, mais vous permet d ‘entrevoir la vie sous son jour le plus lucide. C’est éminemment dégueulasse, parfaitement inécoutable pour beaucoup, mais ça reste construit, et c’est indéniablement accrocheur dans la laideur. A vous de connaître votre degré de résistance à la souffrance auditive.       

                     

Titres de l’album :

                         01. The Call

                         02. Hlcst

                         03. Svart Hål

                         04. And Beyond

                         05. Lämna Inga Spår

                         06. Iceage

                         07. IIII

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par mortne2001 le 10/06/2020 à 18:58
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