Iono

Spheres

10/05/2019

Season Of Mist, Autoproduction

Jusqu’à présent, lorsque mon esprit entendait le mot SPHERES, il pensait à deux choses différentes. D’un côté, à un objet rond, de l’autre, au quatrième album d’un groupe hollandais du nom de PESTILENCE. A partir d’aujourd’hui, ce mot évoquera une troisième chose, en relation avec les deux premières, puisque SPHERES combine le côté circulaire du concept géométrique, ainsi que la brutalité évolutive du combo en question. Et bien que pour le moment, toutes les aspérités et irrégularités ne soient pas encore complètement gommées du principe, Iono, en tant que tel, se veut témoignage d’une réelle envie de proposer une vision du Metal Progressif très personnelle, et emprunte de différentes philosophies. Fondé en 2018 à Paris par le guitariste/chanteur Jonathan Lino, ce quatuor n’est devenu effectif qu’avec l’adjonction du batteur hollandais (tiens donc…) Tom Pluijmaekers, puis de l’arrivée de Lek à la basse et de Camille Lafontaine à la seconde guitare, et il nous propose donc en ce pas si joli mois de mai les fruits de ses premières réflexions, qui s’articulent en huit chapitres, aussi différents qu’ils ne sont complémentaires. Représentés par l’inépuisable boite Ellie Promotions, et distribué par Season of Mist, Iono a donc mis toutes les chances de son côté, permettant à une musique plurielle et riche de se voir exposée au plus grand nombre, et à juste titre. Car sans représenter un avenir palpable pour une musique qui semble avoir tout dit depuis longtemps, ce premier LP contient suffisamment d’arguments pour en incarner un présent tout à fait viable, au travers de mélodies malmenées, de rythmiques martelées, d’influences digérées, et de thématiques intrigantes, parfaitement résumées sur le Bandcamp du groupe.

Se situant à la croisée des chemins musicaux et philosophiques, Iono combine donc des éléments Progressifs, Death, génériquement Metal, et aborde des problèmes de société contemporains tout comme des intérêts plus vastes et scientifiques. Associant avec un certain flair les questionnements sur l’humanité et sa relation avec l’infini, les mythes (Orphée), et les puissances occultes (les médias, le gouvernement, le Darknet), SPHERES se veut donc au-delà des clivages, et propose à son public potentiel des pistes de réflexion, que les quatre musiciens ont mis en exergue via une musique non moins plurielle aux textures épaisses. Admettant des accointances artistiques avec les univers parallèles de TOOL, GOJIRA, MASTODON ou encore OPETH, ces instrumentistes aux ambitions affichées parviennent sans mal à s’extirper de la masse en développant des strates sonores qu’ils empilent ou font glisser à loisir, s’affiliant à la vague extrême tout en acceptant le legs des RUSH, DREAM THEATER, PERIPHERY, sans paraître imbus d’eux-mêmes ni trop egocentriques pour proposer un produit digne d’être apprécié par la plèbe des non-pratiquants. Huit morceaux, et autant de tentatives de se hisser hors du marasme de la normalité, pour des compositions qui ne font aucun mystère de leur préciosité, ce qu’on ressent de toute façon très bien dès l’entame ample et vaste de « The Cimmerian Ghost ». Evoquant l’humanité à l’âge de Fer, ce premier morceau pose les jalons d’une optique, avec une entame longue et évolutive, percussive, aux accents à la PORCUPINE TREE après un stage chez les GOJIRA, et qui permet à Jonathan de faire montre de l’étendue de sa palette vocale.

Passant sans retenue ni transition d’un chant clair au vibrato un peu forcé et à la théâtralité poussée, aux growls effectifs et rauques, le guitariste/chanteur se pose d’emblée en point de focalisation principal, le chant étant largement surmixé pour occuper le devant de la scène virtuelle. Ce qui ne veut aucunement dire que le reste de ses complices fait tapisserie, puisque dès les premières secondes, la section rythmique de Lek et Tom carbure à plein régime, entre patterns brisés et soudaines crises de blasts, tandis que Camille soutient son leader à grand renfort de syncopes et saccades. Leads propres et tempétueux, qui ne servent pas de simple exutoire à une technique qu’on aime voir flattée, avec des mélodies très prononcées, et des envolées qui nous emportent assez haut dans la gamme, développé en nuances et avancées progressives, « The Cimmerian Ghost » incarne l’intro rêvée, de celles qui mettent dans le bain sans tremper le tapis. Pour autant, ce premier segment ne synthétise pas tous les visages d’un groupe à plusieurs facettes, et qui a l’intelligence de ne pas se reposer que sur des longues suites. Car entre chaque titre de plus ou moins six ou sept minutes, SPHERES propose des inserts beaucoup plus concentrés, qui ne sont pas moins intéressants ou complexes. Cette facette plus succincte est brillamment représentée par des morceaux plus immédiats, comme le hargneux « Mars », invitation à l’exploration spatiale, « Break Loose » et sa mise en place en son clair, « Silk Road », plus temporisé et médium, s’intéressant de près à cette fameuse « route de la soie » du Darknet, ses tueurs à gage qu’on loue pour des bitcoins, sa drogue facile et ses autres délits pas moins glauques.

Nous avons donc affaire à un groupe parfaitement au fait des exigences contemporaines, qui n’hésite pas à recentrer son propos pour ne pas se faire trop disert, mais qui impose aussi des constructions plus élaborées, remplies d’idées porteuses et de petits arrangements ludiques. Ainsi, « Television Nation », et sa diatribe médiatique à l’encontre des grands groupes de communication s’accompagne d’un Metal hargneux mais harmonique que le DREAM THEATER le plus oblique et violent aurait pu composer en s’inspirant des crises de rage d’OPETH. « Sound City » en tant que final, est d’une évidence frappante, et permet de garder en mémoire l’image sonore d’un quatuor refusant de s’enfermer dans les convenances, acceptant la brutalité comme moyen d’expression ne devant pas nuire à la cohérence et la richesse de l’instrumental. On pense alors aux CYNIC, à OPETH toujours, et à pas mal d’autres groupes ayant fait les mêmes choix, mais on se dit surtout qu’en tant que nouveau venu, Iono tient largement la route, malgré quelques erreurs de jeunesse qui subsistent. Des riffs parfois trop classiques, et l’écueil d’un chant clair qui montre ses limites à en faire parfois un peu trop, mais globalement, et en tant que premier jet, cet album mérite franchement le soutien dont il bénéficie, et permettra à SPHERES de boucler une première boucle avant son prochain voyage.        

    

Titres de l’album :

                         01. The Cimmerian Ghost

                         02. Mars

                         03. Television Nation

                         04. Break Loose

                         05. Stellar

                         06. Silk Road

                         07. The Thing

                         08. Sound City

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par mortne2001 le 26/05/2019 à 18:30
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