Kind Words

Corbeaux

23/05/2016

Vox Project

Ce volatile noir de jais ne bénéficie pas d’un très grand capital sympathie auprès des humains…Chassés dans les champs avec force épouvantails ridicules, on le retrouve souvent dépeint lors des retranscriptions de scènes de bataille, et il reste le symbole de la désolation, de la tristesse et du malheur. Et on a même donné son nom à tous ces lâches qui dénoncent leurs contemporains derrière un anonymat peu glorieux.

Pourtant, dans le règne animal, ils se caractérisent par un courage sans bornes, une sociabilité, beaucoup d’intelligence et de fidélité.

Alors, le corbeau, oiseau à réhabiliter ?

Indéniablement. Et quoiqu’il en soit, et malgré l’opprobre publique, j’aime cet animal. Parce qu’il est beau. Parce qu’il vit sa vie sans se soucier du qu’en dira-on.

Un peu comme ce groupe dont je vais vous parler ce matin…

A savoir dans quel sens ce gang de Quimper a adopté son patronyme…Pourraient-ils dénoncer quelque chose sans vouloir qu’on les identifie ? Restent-ils seuls dans leur coin ? Où sont-ils fidèles à une éthique individuelle dont ils ne dévient pas ?

Vous savez quoi ?

Je pense que c’est tout ça à la fois.

Au départ, CORBEAUX, c’était du Post Rock. Mais comme tous les chantres du style, ils ont mis en application les préceptes de toute conception « Post », et ont évolué. Aujourd’hui, leur musique est si libre qu’il est très difficile de la classer quelque part, alors on parler de Free Noise Rock, de Mathcore apprivoisé, et plus simplement de Rock alternatif sans brides ni limites.

Après leur second album, Hit The Head, le quatuor (Mickaël Pochet – guitare & chant, Mathieu Crétier – basse & chant, Maël le Guichaoua – guitare et Joris Saïdani – batterie) a décidé d’aller encore plus loin dans son exploration des sentiments et a agrandi une fois de plus sa palette sonore. Et le résultat de cette quête permanente se trouve dans les pistes de ce quatrième LP, Kind Words, qui en effet à bien des choses douces à entendre.

Une fois de plus, l’équipe s’est articulée autour d’Amaury Sauvé (AS WE DRAWN, BIRDS IN A ROW) et Magnus Lindberg (CULT OF LUNA, ABRAHAM, et surtout COILGUNS), a gardé sa trame de départ, et a brodé des thèmes sombres, contemplatifs, remplis de stridences, de poussées de colère, de nostalgie, mais aussi d’une tristesse sourde qui donne à plusieurs morceaux une couleur passée.

La méthode est éprouvée, repose sur une liberté de ton, d’accents bruitistes, mais aussi de longues digressions d’une harmonie nostalgique ou irritée. On sent quelques influences notables, quoique après toutes ces œuvres enregistrées, le groupe sache très bien où il va, avec ses propres moyens. Avec la présence active de Magnus, la référence COILGUNS est bien sûr incontournable, mais la musique des Quimpérois est beaucoup moins heurtée que celle de ses homologues.

Il y a beaucoup de violence dans cet opus, mais elle-est la plupart du temps larvée, pas franchement ouverte, bruyante, mais pas assourdissante.

La production un peu cotonneuse confère aux titres une aura un peu distante, et se trouve parfaitement illustrée par le morceau « The Light Has A Voice », avec ce chant vraiment sous mixé, cette basse énorme qui fait trembler le feedback mesuré de la guitare, un peu comme si les MELVINS et UNSANE se trouvaient dans un état apathique dont ils ne parviennent pas à s’extraire.

Pas d’énormes différences entre Kind Words et les travaux antérieurs du quatuor, juste un perfectionnisme dans l’approximation, et des plans qui s’enchaînent de manière très fluide. Bien évidemment, parfois la machine s’emballe un peu, mais toujours en restant sous contrôle, et « Helena Markos » (la Mère des soupirs dans la trilogie des Trois Mères d’Argento) de propulser une rythmique tribale striée de riffs lacérés et de cris désespérés, qui vont à l’encontre des murmures qui s’échappaient de la bouche ridée du personnage évoqué. Mais là est la dualité de ce groupe qui joue avec les frontières de style. Crier pour mieux susurrer, bousculer pour passer sans se faire remarquer, violenter sans toucher….

Alors, que vous parliez de Post Hardcore, de Noise, de Post Noise ou de Metal Alternatif abrasif, peu importe. La musique s’exprime par elle-même au-delà des mots, et c’est comme ça que les CORBEAUX entendent leur cri.

Il est complexe, évite les poncifs de la brutalité trop ouverte, mais dérange. Sur ces sept nouveaux morceaux, trois jouent la montre et écrasent les six minutes, sans jamais se répéter ou être trop complaisants.

Ils en posent d’ailleurs deux en ouverture de l’album, dont le bondissant « Corpse Pose », qui démarre sur les chapeaux de toms, et qui oppose la furie rythmique des UNSANE et la nonchalance des LIZARD. Duo basse/batterie en prédominance, guitare qui tisse des motifs harmoniques instables et presque maladifs, et chant qui recule d’un ton pour être à peine perçu et laisser respirer l’instrumental.

« Old Tired Horse » au contraire laisse la gravité se présenter, avant de l’accompagner de quelques réminiscences Jazzy. Quelques arpèges sobres, un contretemps discret, et un crescendo qui trouve soudain son apogée dans une rupture provoquée, qui termine dans un chaos de bruit blanc assourdissant, comme si les MILK et les COILGUNS fonçaient droit dans le mur sans chercher à éviter leur trajectoire fatale.

A contrario, le final « Twig » avoue sa franchise dès ses premières secondes, et rappelle la scène Noisy New-yorkaise, en fracassant sa rythmique sur un bloc de guitares pourtant fissuré. On alterne poussées suffocantes et libérations oxygénées, et on laisse quelques notes ramener un peu d’air dans cette ambiance moite et concentrée. Fin du quatrième épisode, qu’on trouvera sans doute un peu court, mais…fidèle.

Fidèle à une démarche, à une envie, celle de ne rien faire comme les autres. Alors oui, les corbeaux sont des oiseaux très intelligents, et fidèles. Et pas du tout des symboles de mort ou de mauvais sort comme la culture anglo-saxonne aime encore à le faire croire.

Du côté de Quimper, on aime les voir s’envoler régulièrement. Ils sont annonciateurs d’une musique fertile, et d’une inspiration riche.

Et surtout, d’un peu de bonheur bruitiste certes, mais cathartique d’une certaine manière. D’une tristesse assumée. Mais qui paradoxalement, rend heureux.


Titres de l'album:

  1. Corpse Pose
  2. Helena Markos
  3. Mouth Shut
  4. Old Dying Horse
  5. Old Tired Horse
  6. The Light Has A Voice
  7. Twig

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 26/02/2017 à 16:51
90 %    1210
Derniers articles

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
LeMoustre

Bravo pour ton travail ! 

07/07/2025, 14:48

LeMoustre

Ozzy sur sa chaise hé ben.Bon l'âge nous aura tous mais bon quand même c'est pas cool de voir ça.Moi ça m'aurait emmerdé.Autant un Anthrax, un Maiden ont toujours la peche après tant d'années (quitte &a(...)

07/07/2025, 13:18

labbe

j'ai eu l'occasion de les voir en première partie de Seum mi Juin. vraiment bien prenant ! 

07/07/2025, 12:48

Humungus

Je m'attendais vraiment pas à ce qu'Ozzy tiennent 30 min sur chacun de ses shows...Bon, on peut pas dire que c'était "beau" à voir mais si j'avais eu la chance de gauler une place, j'aurai tout de même été bien con(...)

07/07/2025, 07:36

Benstard

Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy. 

06/07/2025, 21:25

Oliv

C’est toujours parodique ou c’est mieux 

06/07/2025, 19:11

Oliv

Merci Ozzy pour tous 

06/07/2025, 19:10

DPD

Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..

06/07/2025, 14:20

metalrunner

Les chutes de Symbolic

05/07/2025, 08:26

DPD

Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.

05/07/2025, 06:51

DPD

Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)

05/07/2025, 06:47

DL100

Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)

04/07/2025, 07:16

Ivan Grozny

Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !

03/07/2025, 16:57

Ivan Grozny

Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour,  mais pour le moment bof.

03/07/2025, 16:47

Jus de cadavre

Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)

03/07/2025, 12:55

Buck Dancer

Toujours aussi léger !!! 

03/07/2025, 03:25

Simony

Clairement ! Trop de blabla et de remplissage.

02/07/2025, 18:56

Jeff48

Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché,  pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot

02/07/2025, 16:01

Jourdain R.

Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)

02/07/2025, 15:38

vomi d\'anus

@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.

02/07/2025, 12:25