Mes Racines dans le Désert

Bovary

16/10/2020

Sanit Mils Records

« Comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

J’espère que le fantôme de Gustave Flaubert ne m’en voudra pas d’avoir cité son chef d’œuvre Madame Bovary, mais après tout, plus d’un siècle et demi après sa parution, je m’arroge le droit de m’en servir pour introduire le groupe que je souhaite vous présenter aujourd’hui. Et pour cause, puisque ce trio s’est sans doute lui aussi inspiré de l’auteur au moment de se baptiser BOVARY, sans vraiment savoir si ces musiciennes y faisaient directe référence. Que dire à propos d’un trio qui un jour a joué de la musique pour tromper son ennui d’une petite ville trop tranquille lorsque les touristes sont partis à l’automne venu ? Qu’il a justement joué de la musique pour tromper son ennui d’une petite ville trop tranquille lorsque les touristes sont partis à l’automne venu, cette petite ville nommée Embrun, située dans le département des Hautes-Alpes, qui n’offre que peu de distractions une fois la haute-saison passée. L’autre caractéristique de BOVARY, est qu’il ne comporte en son sein que des musiciennes, chose assez rare dans le Black Metal, et encore plus dans le DSBM. Nous retrouvons donc au sein de ce groupe Petri Ravn à la guitare, Gwen de Bovary à la batterie et la basse, et Queen Thrash au chant, qui un beau jour de 2018 ont enregistré une simple démo sur un multi-pistes Korg DP3200, pour exprimer leur ennui, et formaliser leur vision artistique quelque peu nihiliste. Mais mettons les choses au point dès le départ, on se fout complètement que ce trio soit uniquement composé de musiciennes. Le black Metal, comme le Punk des années avant lui n’a pas la notion de genre, et seule la passion compte. Et celle affichée par BOVARY est incontestable, comme en témoignent les quatre morceaux plus intro/outro de ce Mes Racines dans le Désert, qui trouve une seconde jeunesse en 2020, l’année idoine pour redécouvrir cette musique agressive, lancinante, mélodique et quelque peu désespérée.

Et c’est par l’entremise du label Sanit Mils Records que Mes Racines dans le Désert revient sous les feux de l’actualité, en version vinyle éditée à cent petits exemplaires, qui vont assurément partir comme des petits pains moisis oubliés sur une aire d’autoroute. 100 exemplaires, et rien de plus, pour écouter cette démo gravée sur rondelle, autant dire que l’objet à tout du collector ultime qu’on citera dans quelques années comme référence d’une carrière commencée sur les chapeaux de roue. Je peux comprendre l’enthousiasme de Vangelis (fondateur de Sanit Mils) à l’égard de cette production, puisqu’il est difficile de croire qu’elle est le premier fruit des réflexions de ces trois instrumentistes et compositrices, qui un jour se sont retrouvées dans un local de répétition. Il est aussi difficile de croire que le résultat n’était qu’une simple maquette destinée à formaliser un point de vue musical concrétisant l’ennui d’une existence morne, tant le résultat est professionnel, et osons le mot, audacieux. La musique de BOVARY, à cheval entre le Black Metal nordique des années 90, le DSBM des années 2000 et l’avènement de SHINING, et le Post Metal de notre époque, est riche d’une authenticité qui fait souvent défaut aux sorties plus professionnelles. Loin d’un mysticisme Folk d’une MYRKUR ou du BM trop traditionnel d’ASTARTE, les BOVARY proposent une musique ample, lyrique mais revêche, et s’autorisent une poésie morbide que Flaubert aurait pu louer. Certes, on sent que tout n’est pas en place, que la rythmique fait ce qu’elle peut pour rester à la blanche, mais la sincérité qui se dégage de ces titres, et spécialement du final lacrymal et processionnel de « Automne », qui pendant dix minutes épuise la même mélodie sur fond de cris et larmes vocales est saisissante, et vraiment prenante. Ce qui n’empêche pas le groupe de faire preuve d’un cynisme beaucoup plus réaliste à l’occasion du bestial et déchaîné « Ta Vie C'est mes Chiottes » dont le titre ne laisse pas place au doute, spécialement après cette intro samplée faisant l’apologie du crédit. BOVARY fustige donc le consumérisme d’une vie morne et dédiée aux sentiments les plus prévisibles, et se terre dans une démarche musicale qui cherche dans tous les coins sa porte de sortie. La plupart du temps mélodique et contemplative, presque résignée, elle n’en rechigne pas moins à se montrer brutale et sans concessions, et la force de cette démo devenue aujourd’hui un premier véritable album (le groupe a ensuite publié Sur Ce Mur Trop Souillé en CD l’année dernière) est justement de ne pas se comporter comme une démo, mais bien comme un EP fini, peaufiné, mais assez sauvage pour ne pas dénaturer le propos.

Et comment ne pas succomber au charme vénéneux de la longue suite « Je Ne Serai plus Là », qui en dix longues minutes fait le tour de la question DSBM, à l’aide d’une interminable intro minimaliste se transformant soudainement en cri primal. Riffs simples mais efficaces, voix évidemment à la limite de la rupture, mais musicalité indéniable, et sincérité dans le désespoir. Un bien beau départ pour ce groupe attachant, qui sans briser les convenances joue à sa guise, et ne déguise pas sa musique avec des artifices. Une œuvre à la naïveté troublante, mais au professionnalisme remarquable.          

             

                                               

Titres de l’album:

01. Mes Racines dans le Désert

02. Ta Vie C'est mes Chiottes

03. Je Ne Serai plus Là

04. Automne

05. Outro


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par mortne2001 le 29/10/2020 à 15:43
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