Mind Mold

Mind Mold

28/04/2017

Sentient Ruin Laboratories

Lorsqu’un argument marketing d’un label repose sur une accroche comme une définition de style un peu bancale, c’est systématique, je me fais toujours avoir, séduit par l’inédit de la chose.

Souvent, le traquenard se referme sur moi au fur et à mesure de l’écoute, n’ayant rien à voir avec l’appât jeté à la surface de ma curiosité, mais parfois, je me sens satisfait d’avoir placé ma confiance en des termes un peu abscons, du moins assez éloignés des standards habituels. C’est souvent le cas avec le label Sentient Ruin qui a l’habitude de peser ses mots pour ne pas jouer les fanfarons, et de temps à autres, en demi-teinte, non générateur d’une immense déception, mais plutôt d’une atténuation de la surprise.

Ou les deux, puisque c’est aussi confus…

Quel est le cas de figure dans celui de ce nouveau groupe aussi énigmatique que sa musique n’est compacte ? La réponse est difficile à donner, mais ce qui est certain c’est que les MIND MOLD ne font pas partie du tout-venant qui inonde le net de ses divagations stériles ou trop aseptisées.

Selon leur label Américain, les Canadiens joueraient une sorte de Black Doom d’avant-garde, terme qui permet de baliser le terrain vague de façon pas plus nette. Et après écoute de ce premier EP, je serais tenté de dire que la définition est assez juste, même si l’étiquette Post Black aurait tout à fait convenu…

Mais un peu d’histoire avant d’aller plus loin.

Le trio MIND MOLD (Robert LaChance – guitare, WAKE, Will Bjorndahl et Ryan

Kennedy, SEMINARY) serait donc un side-project de trois musiciens d’horizons divers, semblant partager des vues sur un Grind assez sombre et décalé. WAKE est assez connu pour jouer une musique radicale, bruyante et ténébreuse, et SEMINARY s’enorgueillit de pratiquer un Grind d’avant-garde, assez étrange il est vrai. Mais ensemble, les trois hommes ont décidé de partir dans des directions différentes, tout en gardant cette optique d’originalité à laquelle ils semblent tenir par-dessus tout.

Ce qui nous donne donc un résultat à la hauteur de leur bizarrerie commune, à cheval entre un Black Metal vraiment très opaque et abrasif, un Doom plus ou moins impénétrable, et un Post Black/Post Metal aux dissonances prononcées, les rapprochant d’autres groupes tout aussi bruitistes et nihilistes qu’eux.

En citant comme références des artistes/ensembles comme NEUROSIS, RED HARVEST, BLUT AUS NORD, TODAY IS THE DAY, RORSCHACH, JESU/GODFESH, ou les SWANS, Sentient Ruin balaie un spectre suffisamment large pour que cet EP de MIND MOLD y trouve sa place. Les principaux concernés préfèrent parler d’affinités avec les BURNING WITCH, GOATSBLOOD, WATCHMAKER, ou DEADGUY, ce qui brouille encore plus les pistes, et qui finalement ne nous éclaire pas plus quant à leur direction. Mais pour pouvoir la connaître et éventuellement la suivre, une seule solution, écoutez cette musique qui se veut le reflet de personnalités troubles ne s’épanouissant que dans une expression bruitiste contrôlée, éprouvant la lenteur pour la dynamiser de véhémence rythmique assumée.

En gros, des riffs pachydermiques et graves comme une maladie incurable, des confrontations sonores entre une guitare extrémiste et une batterie mixée en arrière-plan peinant à donner le rythme, et un chant affreusement placé en retrait qui hurle son mal-être comme un damné sur le chemin d’une rédemption qu’il n’atteindra jamais.

Il est certain qu’en utilisant les codes génétiques de NEUROSIS et de BLUT AUS NORD, on parvient à délimiter un champ d’action, mais il semblerait que la musique des Canadiens aille beaucoup plus loin que cette simple juxtaposition.

Et une seule oreille posée sur le traumatique final « Nyx » suffit à piger que le seul but des MIND MOLD est de mettre leur auditoire mal à l’aise, et de tester sa résistance à la douleur via des thèmes macabres, résignés, et d’une dissonance torturée, transformant chaque plan en une digression sur l’union des early SWANS et d’INCANTATION, comme si la combinaison de la répétitivité de l’Industriel et de la lancinance d’un Death à tendance Doom inamovible était la seule solution à envisager.

Tout aussi Death processionnel qu’il n’est Black renonciateur, cet EP érige le malaise au rang de dogme, et laisse des compositions libres de toute astreinte faire le job, comme une Némésis absolue, tuant la mélodie et la puissance dans l’œuf.

Certains critiques ont évoqué une jolie image d’association entre les GORGUTS et DEATHSPELL OMEGA, pris en tronçons et réassemblés dans le désordre, ce qui est assez séduisant en soi, mais l’évocation d’un PARADISE LOST des jeunes années perverti par l’esprit sombre d’un FUNERAL converti aux sub-fréquences droniques d’un JESU débarrassé de toute contrainte morale peut aussi convenir sans être trop précis.

A vous de voir quelle description vous sied le mieux, et même à proposer la vôtre pourquoi pas…

Le mérite du trio est de ne pas avoir tourné autour du pot et de nous prendre à la gorge dès les premières secondes de « Whimpering Plague », sorte de Post Black maladif qui accumule les traumatismes pour ne laisser filtrer aucun doute sur son affiliation à une expression malsaine et abstraite. Guitare qui semble partir dans des délires personnels incontrôlables, et qui change de voie à intervalles réguliers, rythmique qui suit le mouvement en y imprimant des blasts, des cassures, des silences, et toujours ce chant qui survole les débats avec détachement. La recette est simple, mais brillement mise à exécution, empêchant toute catégorisation un peu trop précise.

Arythmie, harmonies biaisées et bruit tout sauf maniéré, c’est une nouvelle conception d’un Black Indus assez inédit, bruyant (assourdissant à plein volume), et sans complaisance.

Et si la cohérence est de mise, elle ne se veut pas linéarité, et chaque entrée propose son lot d’idées, tendant parfois vers un spleen mélodique déformé (« Antipath », comme un songe d’EMPEROR envahi de personnages à la DEATHSPELL OMEGA).

Il est évident que les plus sensibles seront rebutés par ces nuances infimes que seuls les habitués sauront repérer, mais en tant que premier EP, Mind Mold fait preuve d’une véritable personnalité.

Quant à savoir s’il pose les jalons d’un style à part entière, l’avenir nous laisse le deviner. Mais je parie sur les MIND MOLD et leur soif de créativité. Et gageons qu’un futur LP saura me prouver que j’ai raison d’y croire.


Titres de l'album:

  1. Whimpering Plague
  2. Antipath
  3. Opyl
  4. Viceregal Inhumation
  5. Nyx

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par mortne2001 le 29/04/2017 à 14:08
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