Tout le monde connait déjà le fameux et sinistre projet MK-Ultra développé par la CIA dans les années 70. Un projet de contrôle de la pensée par diverses substances chimiques dont le LSD à hautes doses, pour obliger les prisonniers à parler, obéir, et se transformer en super-soldats. Inutile de revenir là-dessus puisque le président Clinton lui-même s’est excusé dans les années 90 et que l’Amérique a reconnu avoir privé ses concitoyens de leur liberté par des moyens détournés. Mais cette expérience sur le long terme continue d’inspirer les artistes, qui lorsqu’ils manquent de matière, aiment s’y référer pour aborder le problème de la manipulation physique et psychologique.
Et quoi de plus idoine qu’une bande d’américains hirsutes pour exhumer une fois de plus cette histoire, pour en faire un album joyeux, rieur, mais conscient des travers de l’administration de son pays ?
Les NAPALM STRIKE annoncent la couleur dès la pochette de leur deuxième album. Des caricatures sympathiques, beaucoup de vert fluo pour rappeler la Troma, et une bonne humeur qu’on imagine contagieuse. Pourtant, les gus ne sont pas du genre appliqués ou même productifs. MK-Ultra n’est que leur second long en plus de dix ans d’existence, leur dernière trace discographique conséquente remontant à 2013, et ce premier jet d’acide qu’a été Aiming Down the Sights.
Autant dire qu’on ne les attendait plus à ce stade de la compétition. Les musiciens old-school poussant comme des champignons atomiques, la bataille fait rage et irradier plus que les autres est devenu une gageure difficile à relever. Mais avec un peu de métier, beaucoup d’enthousiasme et des chansons qui tiennent la route, rien n’est impossible, ce MK-Ultra le démontre en un peu moins de cinquante minutes.
Quatre acolytes, très portés sur le son de Venice, et l’influence de groupes comme ST, EXCEL, D.R.I, mais aussi GAMA BOMB, les CRUMBSUCKERS, et toute la clique Crossover de ces trois dernières décennies. Enregistré et produit par le groupe au Strike House Records, masterisé par Jeremy Lambert au Narcissists Audio, MK-Ultra est une petite merveille de métissage, combinant évidemment la rudesse du Thrash et la souplesse du Hardcore. On se prend à repenser aux bandanas vissés sur le front, aux attitudes revêches mais finalement sympathiques, et à toute cette vague qui permettait au Thrash de se faire une place au soleil nucléaire d’un Hardcore très agressif.
Les mecs sont solides, leurs riffs classiques mais efficaces, et les soli sont d’une propreté irréprochable. On s’en remettra à un batteur très capable en ce qui concerne le tempo plutôt échevelé, et si la basse semble un peu noyée dans le mix, les guitares trustent les premières places, et décrivent avec une acuité effarante une tentative de lavage de cerveau financée et mise en place par les Etats-Unis pendant la guerre froide.
Guerre froide qui semble retrouver une sacrée côte de popularité ces derniers temps.
Si les tensions entre nos chers Joe Biden et Vladimir Poutine n’ont pas encore atteint celles qui frétillaient entre Kennedy et Khrouchtchev, l’ambiance n’en est pas pour autant à l’entente cordiale. Et les NAPALM STRIKE en ont tout à fait conscience, développant ainsi de solides techniques d’intimidation musicale. S’il est difficile de mettre en avant tel ou tel avertissement, les douze morceaux de cette nouvelles bordée de missiles sont tous aussi efficaces à longue portée, et susceptibles d’endommager irrémédiablement vos tympans.
On retiendra évidemment pour l’histoire le trépidant « Killzone », mais surtout le très groovy et désenchanté « The Henchman », qui de son riff hautement redondant nous replonge dans les affres de la menace nucléaire des années 80, lorsque Reagan et son administration se tenaient prêts à défendre le capitalisme coûte que coûte. La fluidité rythmique, les guitares qui déroulent comme des fusées, et ces lignes de chant qui sont autant de trajectoires et de combinaisons de lancement possibles permettent à l’album de viser le sans-faute Crossover.
Admettons que tout ceci a déjà été entendu des centaines de fois, mais la plupart du temps en version moins solide et guillerette. Si les tierces viennent taquiner le spectre d’une version Frankenstein d’HELLOWEEN, si le claquement de la basse rend hommage à OVERKILL, l’ensemble combine la puissance Metal de SLAYER, et la street attitude de SUICIDAL TENDENCIES.
Un peu LEEWAY en moins Hardcore, NAPALM STRIKE ne module en aucun cas ses redoutables attaques, avec un « Aftermath » qui sent bon l’hiver nucléaire et un salut de la main aux ACID REIGN et autres HOLY MOSES. Le contenu est soutenu, l’ambiance chaude comme une Californie en proie au souffle d’une bombe de quelques mégatonnes, et le plaisir de voir le compteur Geiger s’affoler est au moins équivalent aux lambeaux de chairs qui tombent de votre visage.
Un répertoire taillé pour la scène, mais qui sonne en studio comme un avertissement de jours sombres à venir. En s’appuyant sur une culture Thrash conséquente, nos quatre lascars se permettent même de fricoter avec le Speedcore à l’occasion de titres plus velus (« Nuke »).
Un disque bien pensé, souriant, qui fera grand plaisir à tous les amateurs de sonorités brutales, mais joviales. Avec quelques samples, des arrangements épars, MK-Ultra passe la barre sans forcer, osant même quelques aplatissements surprenants (« Re-Animator »). Dès lors, si vous entendez à la fin de cette écoute une sirène hurlant au loin, il est temps de vous prendre par la main et de vous faire la malle. Dans un abri antiatomique si possible, mais une belle cave aux pierres de taille peut aussi faire l’affaire.
Et que le monde brûle après tout.
Titres de l’album:
01. Intro
02. Killzone
03. MK-Ultra
04. Right To Remain Violent
05. Mutant Strain
06. The Henchman
07. Combat Shock
08. Aftermath
09. Cytotoxin
10. Nuke
11. Re-Animator
12. C-4 Yourself
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Très 90s dans le son, même si j'aurai préféré un peu plus rond. J'aimerai bien les revoir live du coup.
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@Humungus : oui, j'aurai pu mettre les Guignols de l'Info avec Mr Sylvestre dans le lot, quand il citait les gniakoués, etc...Malheureusement quand je lis des réactions comme du dénommé orphan je me dis qu'on est quand même pas sorti d'(...)
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