Nòtt

Nòtt

17/01/2018

Autoproduction

« Il était un géant qui habitait aux Iotunheimar et qui s'appelait Norfi. Il avait une fille appelée Nótt, laquelle était noire et sombre, comme la race dont elle était issue. Chaque jour, Nótt vient en tête montée sur le coursier qui est appelé Hrimfaxi, et, chaque matin, ce dernier couvre la terre de rosée avec l'écume qui dégoutte de son mors. » (Snorri Sturluson, in l’Edda de Snorri.)

NÒTT, dans la mythologie nordique, n’est rien de moins que la personnification de la nuit. Concept emblématique des chantres d’un Black Metal de tradition, qui puise son inspiration dans les contes et légendes séculaires et qui n’a de cesse de dramatiser la culture musicale pour la rendre romantique, tout en gardant un esprit de fond d’une violence assumée en complet décalage. Et une fois de plus, cette mythologie sert de point de départ à un nouveau concept, non venu du froid comme on aurait pu s’y attendre, mais bien de Rochester dans le Minnesota. C’est ainsi que l’année 2018 a vu la naissance du one-man-band NÒTT, mené de créativité de fer par le légionnaire James Benson, figure de proue d’AMIENSUS et bassiste de FAIL TO DECAY. Ce qui aurait pu au départ s’apparenter à un énième caprice de musicien hyper productif s’avère en fait exutoire pour imaginaire débordant, puisque sous ce nouveau pseudo, James s’aventure donc sur les terres mouvantes et dangereuses du Black Metal progressif et épique, genre Ô combien casse-gueule pour tous les ambitieux un peu trop approximatifs ou complaisants. Mais Benson traîne ses basques dans le business depuis suffisamment longtemps pour savoir ce qu’il veut, et mettre son talent au service d’une musique riche, profonde et aux reflets mystiques. C’est donc très logiquement qu’il nous offre depuis janvier en version dématérialisée son premier EP éponyme d’une durée tout à fait raisonnable, et d’une validité incontestable.

Difficile en effet à l’écoute de ces cinq pistes emphatiques de remettre en cause la pertinence de sa démarche. Si le tout est indéniablement empreint d’un occultisme légitime, et soumis aux fluctuations d’une logique de composition évolutive, ce Black aux forts relents presque symphoniques reste suffisamment violent pour intéresser de très près les fans d’une musique sauvage et puissante. Car s’il n’est pas dénué de traces de l’optique dramatique digne d’un EMPEROR des grands jours, il n’en reste pas moins d’une brutale efficacité, témoignage que James n’a pas cédé d’un pouce aux préceptes de base, tout en leur offrant une ampleur presque inédite. Nous nous trouvons donc face à un équilibre solide entre prétentions artistiques et volonté de concision, ce qui loin de garder le cul entre deux chaises, nous permet d’assumer nos instincts les moins avouables, tout en faisant preuve de curiosité artistique louable. Situant son univers en convergence des mondes dans lesquels il évolue (AMIENSUS, FAIL TO DECAY, ADORA VIVOS, UNBOWED, OAK PANTHEON, INVIDIOSUS, IDOLUM, SARASVATI, pour les initiés et connaisseurs), James via NÒTT nous propose donc une moyenne fiable et séduisante entre talent intuitif et création élaborée, pour nous entraîner sur la piste d’un BM qui frise parfois la démonstration de violence Death limite technique engoncée dans un long manteau de froid typiquement scandinave (« White.Cold.Death », manifeste d’ouverture sans ambiguïté), mais qui sait aussi se montrer méchamment mélodique pour ne pas nous perdre sur les sentiers de la cruauté gratuite.

Et par extension, en forme de constat, autant affirmer que chacune des cinq compositions proposées sont d’importance, tant pour la cohérence d’ensemble que prise individuellement. Chacune à sa propre identité, et développe de beaux arguments rythmiques et harmoniques, d’autant plus que sur un niveau purement instrumental, le bonhomme s’en tire avec les honneurs. Axe basse/batterie soudé et concassant, guitares qui parfois s’envolent dans un tourbillon hivernal dissonant (« Nothing »), chant très typé et strident, pour de jolies litanies emphatiques diablement Heavy, mais sournoisement lyriques (« Worthless »), et des emboîtements en gigogne parfaitement logiques validant de fait l’étiquette « progressive » si chère à l’américain. C’est aussi profond que ça ne reste abordable, et entre de fulgurantes accélérations classiques et une foultitude de breaks tout sauf gratuits, le tout prend des airs de symphonie outrancière sachant garder une commune mesure pour ne sombrer ni dans la démonstration stérile, ni dans l’enfilage de segments erratique. Autant dire qu’on secoue la tête aussi souvent qu’on ne la fait fonctionner pour comprendre tous les rouages de cette œuvre au format humble, mais au rendu ambitieux, qui réconcilie dans un même élan les esprits d’ULVER et ceux de DEATHSPELL OMEGA, sans tomber dans l’exagération ni l’avant-gardisme, mais en restant focalisé sur une originalité indéniable. Et si la barbarie sophistiquée domine les débats, la délicatesse morbide lui emboîte parfois le pas, lorsque James ose des motifs plus contemplatifs et déviants, à l’occasion d’un formidable « Sol », qui inonde la pénombre de lumière. Maintenant sa concentration de bout en bout, il termine son premier tome par un miraculeux « Rosa Mystica », aussi mystique qu’une légende de l’ordre des Rose-Croix, transposée dans un vocable mythologique nordique aussi impénétrable que fascinant. Arpèges sombres, voix tamisée et presque susurrée, pour une alternance de blasts et de tempi lourds martelés comme des dogmes.

MAYHEM, EMPEROR, et même quelques traces de WOLVES IN THE THRONE ROOM pourquoi pas, mais surtout, NÒTT, une nouvelle nuit plus belle que bien des jours, et un premier EP remarquable et je l’espère remarqué. Belle entrée en matière qui en appelle d’une suite que l’on espère proche. En attendant, l’objet en question sera disponible en version vinyle via Throats Productions, ainsi qu’en CD sur le Bandcamp de l’artiste. Vous savez donc quoi faire.


Titres de l'album:

  1. White. Cold. Death.
  2. Nothing
  3. Worthless
  4. Sol
  5. Rosa Mystica

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Bandcamp officiel


par mortne2001 le 05/04/2018 à 18:59
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