Je ne vais pas y aller par quatre chemins, d’autant qu’il n’y en a que deux pour sortir de chez moi. Mais cet album de TERRA ODIUM était pour presque tout le monde le cadeau surprise de cette salve de sorties Frontiers du mois de juin, et ce, pour d'excellentes raisons. Noyé dans la masse de productions particulièrement moyennes de ce semestre, cet album aurait pu passer inaperçu, si personne n’avait pris attention des membres composant le projet qui intéressera de très près les esthètes du Metal Progressif et technique. Et pour cause, puisque ce supergroupe rassemble des musiciens bien connus de la scène, et surtout, respectés au-delà même de l’admiration. A la barre du concept, deux ex-SPIRAL ARCHITECT, le guitariste Øyvind Hægeland et le batteur Asgeir Mickelson. Rien que l’énoncé de ce nom légendaire me donne encore des frissons, et me replonge à l’orée des années 2000 lorsqu’un éponyme était sorti, produit par le gourou Neil Kernon. Car SPIRAL ARCHITECT, pour les néophytes et les étourdis incarnait la classe suprême du Metal Progressif de la fin des années 90, le seul groupe capable de défier DREAM THEATER, SADUS et RUSH sur leur propre terrain, tout en imitant WATCHTOWER et préfigurant BLOTTED SCIENCE à la perfection. Cet album a laissé de profondes et durables traces dans la mémoire des fans qui n’ont jamais pu l’oublier, à juste titre. Alors l’annonce d’une nouvelle aventure de deux de ses membres avait de quoi susciter la curiosité la plus naturelle.
Mais Øyvind Hægeland et Asgeir Mickelson ne sont pas seuls sur cette barque. Ils ont convié à leur voyage deux autres musiciens aussi capés qu’eux, dont le terrifiant Steve Di Giorgio (TESTAMENT, DEATH, SADUS, pour ne citer que les plus connus puisque son CV aurait pu le désigner « employé du mois » au moins une trentaine de fois), mais aussi Bollie Fredriksen, guitariste de MANITOU, et, cerise sur la pièce-montée, Jon Phipps (DRAGONFORCE, MOONSPELL, ANGRA) aux orchestrations et claviers. Une dream-team qui met l’écume aux lèvres et qui suscite des fantasmes tout à fait compréhensibles, fantasmes qui se sont concrétisés sur ce premier album Ne Plus Ultra, l’OVNI Forntiers de ce mois de juin 2021.
Une affaire très norvégienne donc, pour une approche qui n’a pas tellement changé depuis SPIRAL ARCHITECT. Evidemment, le son et les compositions ont été remis au goût d’un jour tout aussi exigeant que par le passé, mais l’attitude frondeuse des musiciens, leur niveau technique hallucinant, leur facilité de composition n’ont pas pris une ride, et autant dire que la paire Hægeland/Mickelson a mis les petits plats dans les grands pour faire de cet album une soirée de gala, dominée par des parties de guitare écœurantes de fluidité et de doigté. Ne Plus Ultra nous permet ainsi de nous éloigner des systématismes actuels du Metal progressif le plus redondant, en aérant son inspiration d’une grosse touche de Metal classique des années 80. On trouve des éléments symptomatiques des ancêtres de QUEENSRYCHE ou FATES WARNING sur le magnifique « Winter », et si les arguments promotionnels citent évidemment les noms de DEATH, ATHEIST, CYNIC, WATCHTOWER, ou DREAM THEATER, n’y voyez par pitié qu’un gimmick publicitaire, aussi faux que déviant.
La musique de TERRA ODIUM est en effet puissante, mais à la fois trop cristalline pour accepter ces comparaisons se plaçant sur le terrain de la facilité Death progressif. Et que les choses soient bien claires dès le départ, le quintet ne s’approche jamais de la frontière du Thrash ou du Death, restant dans des balises de Heavy mélodique racé et dense, dominé par de superbes mélodies de chant, et des prouesses individuelles incroyables.
« Crawling » en entame peut surprendre de prime abord. Longue intro étrange et venteuse, sons divers qui construisent un décor de film de la Hammer propulsé dans le vingt-deuxième siècle, avant qu’un riff malin ne s’impose sur fond d’arabesques de basse symptomatiques du délié de Steve Di Giorgio. A cet instant, le nom de DREAM TEHATER peut heurter la surface de la mémoire, mais la comparaison ne tiendra pas la route longtemps. Car c’est bien le spectre de SPIRAL ARCHITECT qui revient hanter le nouveau château, ce qu’on comprend rapidement une fois confronté à ces changements de rythme subtils et à ces harmonies vocales envoutantes. La véritable surprise de la nouveauté nous frappe de plein fouet sur l’extraordinaire « The Road Not Taken », car bien décidés à utiliser à plein les orchestrations et arrangements de Jon Phipps, les quatre instrumentistes s’abandonnent à leur passion des plans s’incrustant les uns dans les autres comme des poupées gigogne, et on se rappelle avec délice des labyrinthes dessinés par les FEED THE MACHINE ou autres SPASTIC INK.
L’album fait presque preuve d’une humilité touchante dans la démonstration, comme si ces musiciens, conscients de ne plus rien avoir à prouver depuis longtemps, se laissaient aller à une simplicité de surface troublante. Evidemment, pour le commun des mortels, les acrobaties sembleront inégalables et incroyables, mais lorsqu’on connaît le pedigree de ces gars-là, on ne peut que se dire qu’ils n’ont pas souhaité aller plus loin que le chemin déjà parcouru. En résulte un album d’humeurs, sombres parfois, mais souvent lumineuses, des envolées de voix assez impressionnants, et des exercices de syncopes à rendre fous les accros au solfège le plus alambiqué (« The Shadow Lung »).
D’instinct, le feeling se concentre sur la pierre angulaire de « The Thorn » et ses onze minutes de déroulé. Mais ce morceau, aussi conséquent et emphatique soit-il, n’est qu’une des briques qui compose l’édifice. Pensé comme un tout et non la somme de ses parties, Ne Plus Ultra est à l’image de sa pochette, représentant un labyrinthe gigantesque duquel un homme aura du mal à sortir. Or, un labyrinthe se pense globalement, comme la musique de cet album. Et jusqu’au bout, ces musiciens que l’on pensait connaître par cœur parviennent encore à nous surprendre en poussant la sophistication naturelle dans ses derniers retranchements. J’en veux pour preuve l’enivrant « It Was Not Death » qui pendant plus de six minutes mixe une harmonie sublime à des effets sonores efficients (on ne peut s‘empêcher de se souvenir du FATES WARNING le plus délicat), avant que l’endiablé « The Clouded Morning » ne nous cloue sur place de sa partition indéchiffrable.
Une surprise qui n’en est pas une finalement, puisque TERRA ODIUM ne fait que confirmer le formidable pressentiment ressenti à l’annonce de sa venue. Mais il est quand même miraculeux que des instrumentistes aussi doués parviennent encore à nous bousculer, des années après leur découverte qui fut une révélation. Pourquoi faire simple, lorsqu’on peut faire simple ET compliqué ?
Titres de l’album:
01. Crawling
02. The Road Not Taken
03. Winter
04. The Shadow Lung
05. The Thorn
06. It Was Not Death
07. The Clouded Morning
Merci pour la chronique ! Spiral Architect est dans mes albums favoris et surtout indispensables.
Aussi, à l'annonce sur la page FB de Spiral Architect qu'un groupe allait sortir son premier album, avec LE chanteur de SA à son bord, je ne pouvais qu'être impatient de découvrir Terra Odium et son Ne Plus Ultra.
Plaisir total !
Déjà, rien que d'entendre de nouveau le timbre si chouette d'Øyvind Hægeland, mais derrière ça assure. Moins technique et plus facile d'accès que Spiral Architect, Terra Odium n'en est pas moins intéressant.
Un album qui sera dans le haut du panier lorsque j'en viendrai à définir mon top albums 2021.
Rectification : Spiral Architect est dans mes groupes* favoris
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