Chroniquer un album auquel participe Mike Patton n’est jamais chose facile. C’est comme de s’attaquer à une icône de la musique, comme de prétendre être capable de disséquer l’œuvre de Zappa ou de Boulez, de comprendre tous les tenants et aboutissants sans vraiment connaître la démarche. Mais cette démarche justement, existe-t-elle, ou l’artiste s’amuse-t-il à provoquer ses fans en essayant chaque fois d’aller encore plus loin ? Cette question possède peut-être une réponse, mais seul l’artiste la connaît, en son for intérieur. Je n’ai jamais eu la moindre difficulté à parler de FAITH NO MORE, et pour cause, puisqu’il s’agit du projet le plus abordable et logique du bonhomme. Même les albums les plus abscons de FNM sont sujets à interprétation, et je dirais même que ceux de FANTOMAS aussi. Car le fantasque chanteur sait s’adapter à une certaine logique tout en gardant sa liberté créative, sauf quand il fait des blagues au téléphone ou qu’il s’acoquine avec des musiciens aussi affranchis que lui. Ainsi, j’aurais pu gloser, digresser, livrer des opinions à propos de son travail récent avec Jean-Claude Vannier, superbe album de musique orchestrale pour laquelle les deux hommes sont allés au bout de leur génie. Certes, le LP n’était pas foncièrement l’épiphanie que nous étions en doit d’attendre d’eux, mais les pièces musicales respiraient de leur envie d’harmonie et de délicatesse. De même, DEAD CROSS, l’un des innombrables concepts Metal de Patton, aussi décevant fut-il, n’était pas des plus complexes à appréhender. Mais dès que Patton se souvient de ses années MR BUNGLE, dès qu’il se rappelle de ses expérimentations vocales sur scène, dès qu’il décide d’abandonner la logique de composition au profit d’humeurs et de variations, il reste intouchable, comme cette mouche au vol erratique qui se pose sur votre visage avant de se poser sur la pièce de viande.
Une fois cette mise au point effectuée, je l’avoue, je connais TĒTĒMA. Je connais TĒTĒMA, mais je ne le comprends pas forcément, même après avoir écouté un nombre raisonnable de fois le premier album du projet, Geocidal, sorti il y a six ans déjà. Ce projet est né de la rencontre entre Patton, l’américain fou et Anthony Pateras, compositeur, pianiste et chercheur électro-acoustique australien. Le genre de rencontre qui aurait pu arriver entre Brian Eno et Kim Fowley dans les années 70, mais qui aujourd’hui, est aussi pertinent dans une époque moins encline à la folie de seventies qui pensaient avoir tout à inventer. Entre les deux hommes, un lien évident, celui d’un amour inconditionnel pour une musique non conventionnelle, mais aussi une relation de musicien à fan, Pateras ayant avoué sa passion pour MR BUNGLE et certaines autres entrées du catalogue Ipecac. Passé le préambule de cette rencontre et ses effets immédiats, sachons que les « vrais » fans de Patton excusent à peu près toutes ses errances, même les moins pertinentes et les plus dispensables. Il est donc inutile de prendre leur point de vue en compte, sachant que même si Mike pétait dans un sac en hurlant le nom de Yoko Ono, ces derniers seraient ébaubis de tant de génie. Pardonnez-moi de faire preuve de plus de discernement, et de mettre le background de l’homme dans un sac à la consigne. Car c’est la seule façon de faire preuve d’honnêteté au moment de rédiger la chronique de ce second long de TĒTĒMA, Necroscape. En l’état, ce deuxième album est un pur produit de son temps, un symptôme de ce label pas comme les autres (qui rappelle souvent le fameux Zapple de Lennon), et une sorte de mi-chemin entre les fulgurances de FANTOMAS, et les expérimentations de Pateras en solitaire. Pourtant, Patton et Pateras (on dirait le nom d’un dessin-animé déjanté) ne sont pas seuls sur ce coup-là, le duo génial s’étant entouré de deux autres fondus (Will Guthrie à la batterie et de Erkki Veltheim au violon et à la mandoline), histoire d’enrichir les textures et de donner une patine plus musicale à l’ensemble qui ne l’est pas vraiment en permanence.
Et pour être sincère, pas souvent du tout, parfois même à l’opposé. « Sun Undone » pour exemple, en est un digne de musique Ambiante, avec grondements, tremblements, arrangements bidouillés pour faire croire à des chants d’oiseaux électroniques, rares et éparses interventions de Patton en mode cris et chuchotements, pour un résultat à faire rougir de fierté les LUSTMORD et THROBBING GRISTLE. Dans le même registre, un peu moins prononcé, « Necroscape » se permet quand même quelques notes enfouies dans la gamme, tandis que Mike groove et croone comme il peut en arrière-plan, le tout s’épaississant d’une atmosphère à la Diamanda Galas. On remarque des concessions à l’arythmie sur le morceau lâché en amuse-gueule « Haunted on the Uptake », et surtout, un excellent travail de Will Guthrie au kit, qui autorise le morceau quelques allusions à l’intervention de Patton sur l’EP légendaire de DILLINGER ESCAPE PLAN, Irony is a Dead Scene. Difficile à appréhender en tant qu’album, Necroscape fonctionne évidemment sur plusieurs niveaux, et demande du temps avant de commencer à se laisser apprivoiser. Il convient de le considérer comme une somme d’humeurs et d’explorations sonores, comme la BO de deux esprits libres qui ne supportent pas forcément la mesure et la logique, mais qui ne sombrent jamais dans le dadaïsme gratuit, juste pour le plaisir de provoquer. On retrouve Patton dans son répertoire de bruitiste classique sur le tribal et hypnotique « All Signs Uncensored », africain dans la percussion, mais terriblement austral dans la chaleur concentrique des sons qui se répercutent.
Une fois encore, au vu d’un contenu qui ne respecte aucune cohérence ou ligne conductrice, il est vain de s’atteler à la tâche d’une analyse linéaire. Tout se basant sur des fulgurances plus ou moins intéressantes (mais contenant chacune une ou deux idées porteuses), Necroscape fonctionne comme un nuancier dont chacun choisira sa teinte favorite. Les teintes les plus sombres sont parfois très sombres (« Soliloquy », sorte de Proto-Breakcore avec encore une fois une hallucinante prestation de Guthrie qui se prend pour un poulpe), les choses les plus étranges sont paradoxalement belles dans leur inextricable déconstruction (« Flatliner’s Owl »), et la fin de l’album cache en son sein terminal les morceaux les plus conséquents, et donc les plus intrigants. Ainsi, le Jazz louche, l’électronique ludique et l’avant-garde minimaliste cohabitent sur l’excellent « We’ll Talk Inside A Dream », qui évoque bien son titre de nombreux silences et des passages en chausse-pied FUN LOVIN’ CRIMINALS, tandis que « Sun Undone » se veut équivalent d’un épisode vraiment barge de Twin Peaks en noir et blanc, avec ses grondements incessants, à la limite d’un Dark Ambient auquel Patton ne nous a jamais habitués. Mélange subtil de toutes les épreuves musicales que le chanteur fantasque nous aura fait subir, ce nouveau TĒTĒMA nous offre le reflet d’un Patton classique, mais surtout celle d’un Pateras qui souhaite se hisser à la démesure de son illustre comparse. Le tout fonctionne un peu comme un album classique de MR BUNGLE, avec toutes ces ruptures, ces bouillonnements soudains, ces silences perturbants, mais exige des écoutes répétées mais pas successives (sous peine de devenir fou).
Je n’encenserai pas, les louanges n’étant pas de mise. Mais la cuvée reste en oreille, un peu pâteuse parfois, mais toujours source de plaisir pour les tympans les moins fragiles.
Titres de l’album :
01. Necroscape
02. Cutlass Eye
03. Wait Till Mornin’
04. Haunted on the Uptake
05. All Signs Uncensored
06. Milked Out Million
07. Soliloquy
08. Flatliner’s Owl
09. Dead Still
10. Invertebrate
11. We’ll Talk Inside A Dream
12. Sun Undone
13. Funerale Di Un Contadino
@Jus de cadavreGenre ils on payés les frais de déplacement et l'hôtel, me fait pas rire, les enfoirés part 2. Au moins le juif Patrick Bruel tiens debout.
09/07/2025, 01:12
Très bon album avec 3/4 titres vraiment excellent et un bon niveau global.Quelques Slayeries comme sur Trigger Discipline mais rien de méchant. D'autant que le titre Gun Without Groom est vraiment terrible, en effet. Un très bon cru
08/07/2025, 23:59
Pour moi je vois c'est l'équivalent que de voir 2pac en hologramme (qui était homosexuel), peut-être même pire parce que l'illusion tiens mieux le coup, je reste sur cette position.
08/07/2025, 22:44
Les bénéfices du concert était entièrement reversés à une œuvre caritative. Aucun des groupes présents n'a palpé pour leur concert (en même temps c'était 20 minutes de live par groupe...). Après ça (...)
08/07/2025, 22:42
@SalmigondisJe sais pas si tu veux quelque chose qui fait plus l'unanimité j'ai vu Morbid Angel au bout et c'était de la merde, une prestation robotique au possible, j'ai pris plus de plaisirs sur des trucs plus locaux à la con. Il faut savoir tourn(...)
08/07/2025, 22:28
Mais quelle bande de clodos...tout le monde se branle du batteur sans déconner. Se faire du fric de cette manière c'est franchement pathétique. Massacra est mort et enterré...qu'il le reste pour conserver son statut CULTE. Honte &agrav(...)
08/07/2025, 21:54
Avant d'aller me faire voir ailleurs, je partagerai avec vous cet hommage Fernandelien :"Aux adieux de Black Sabbath, il tremblait pas mal d'la patte.Fais l'Ozzy, assis."
08/07/2025, 21:31
Ben tu m'étonnes, DPD, d'être passé à autre chose. En même temps, quand on a eu ces groupes là comme entités fétiches, on ne peut qu'aller de l'avant. C'est comme partir de zéro (je plaisante
08/07/2025, 21:26
Je comprends juste pas cette envie adolescente permanente de revoir ses groupes de jeunesse. Je veux dire je suis de la génération qui est passé par Korn Slipknot et compagnie mais je suis passé à autre chose.
08/07/2025, 19:55
Lors du dernier concert de Motorhead auquel j'ai assisté, Lemmy était... pathétique (mais pas loin). Et pourtant il était planté sur ses quilles. Alors jouer assis avec Parkinson en bandoulière ? Business is business, la machine à biftons DEVA(...)
08/07/2025, 19:23
@HumungusJe fais une exception pour Motörhead (que je n'apprécie pas plus que ça) parce que Lemmy était sous un haut dosage de drogue/alcool pour tenir le coup et pas s'écrouler sur une chaise.
08/07/2025, 17:31
Je vois pas ce qui est légendaire à un trubo grand-père qui tiens péniblement sur une chaise. Je dois manquer quelque chose. Pour ma part c'est autant ridicule que les concerts avec des stars mortes en hologrammes. Faut vraiment être con.
08/07/2025, 17:18
@LeMoustre : espèce d'abruti... le but du concert, outre le fait que c'était un évènement caritatif, c'était qu'Ozzy puisse faire des adieux en bonne et due forme à la scène, chose qu'il n'avait pas pu réaliser (...)
08/07/2025, 06:08
J'ai pas encore tout regarder mais y a t'il un groupe qui a joué le morceau Black Sabbath ?LeMoustre, pour ce concert je pense que l'émotion et la communion entre groupes et public était plus importante que le reste. A voir les vidéos j(...)
07/07/2025, 22:26
La dernière du Madman ! Déjà vu en live debout et il chantait moins bien que la !
07/07/2025, 18:34
@LeMoustre :Effectivement... Point de vue totalement respectable que celui de ne pas vouloir payer un prix de dingue pour mirer un show proche du pathétique.Mais perso, face à des légendes comme celles-ci, je mets mon impartialité de côté et (...)
07/07/2025, 17:42
Ozzy sur sa chaise hé ben.Bon l'âge nous aura tous mais bon quand même c'est pas cool de voir ça.Moi ça m'aurait emmerdé.Autant un Anthrax, un Maiden ont toujours la peche après tant d'années (quitte &a(...)
07/07/2025, 13:18
j'ai eu l'occasion de les voir en première partie de Seum mi Juin. vraiment bien prenant !
07/07/2025, 12:48