Nihil Est

Agathos

18/05/2018

Autoproduction

Je commençais sérieusement à me demander s’il était encore possible d’écouter un véritable album de Black Metal. Après tout, entre les dérives Post, les velléités expérimentales, les dilutions bruitistes et les accommodations mélodiques, il devenait problématique de se replonger dans les racines les plus pures du genre, celles qui prônaient la brutalité outrancière et la franchise de ton. Mais lorsqu’on groupe opte pour un patronyme aussi ambivalent qu’AGATHOS (bon, l’homme bon, l’homme de bien, selon le contexte latin), on peut s’attendre à tout, et surtout au meilleur. Formé à Valence en 2017, ce quatuor nouveau (Siles: guitare/chant, Bëor: guitare, Ed Hellsaw: basse et Voor: batterie) a donc opté pour un formalisme de fond parfaitement en adéquation avec les attentes de fans n’en pouvant plus de voir leur genre plié, muté pour adopter les contours d’exigences modernes. Maniaques de l’évolution, passez donc votre chemin, puisque ce premier EP des espagnols n’offre que peu de tolérance à l’ouverture ambiante, et préfère se focaliser sur les sonorités de la deuxième vague de BM européen, titillant même la corde sensible des combos US les plus crus. Qu’attendre donc d’un classicisme revendiqué et d’une cruauté assumée ? Rien d’autre que ce qui vient d’être énoncé, et si les noms de MARDUK, de BEHEMOTH, de 1349 ou de DISSECTION peuvent être cités sans paraître usurpés ou hors contexte, les ibères possèdent aussi une identité propre que le son massif de leur première œuvre vient confirmer de sa superbe.

Les anciens membres de [IN MUTE], NOCTEM, PESTKRAFT ou AETHYR ont donc fait le bon choix en se fixant sur des rythmiques éprouvées, des riffs francs et/ou dissonants, et sur une brutalité exacerbée qui leur permet de catapulter leur BM formel vers les cimes les plus élevées du genre. Sans vraiment chercher à faire preuve d’imagination, mais en prenant la violence à bras le corps, les quatre musiciens signent donc un manifeste haineux de premier plan, et replacent le nihilisme au cœur des débats. Mais ce nihilisme n’entraîne pas une facilité d’inspiration, puisque le niveau instrumental des musiciens est largement assez élevé pour garantir un confort d’écoute maximal. Si la vélocité de la rythmique constitue l’un des points forts de cette réalisation, les motifs de guitare, sombres, englués et pourtant effilés permettent à des compositions ambitieuses de franchir un cap dans le professionnalisme, d’autant plus que les mélodies, loin d’être occultées, s’inscrivent en filigrane d’une brutalité permanente. Sans vraiment dévier d’une ligne de conduite bien tracée, les AGATHOS jouent le jeu de la modulation discrète, et truffent leurs morceaux d’idées et d’arrangements très intelligents, insufflant à leur travail une puissance hors du commun qui réconcilie le MAYHEM de légende et le DISSECTION de la même lignée (« Pale », qu’on aurait pu trouver en bonus-track du mythique Hellfire des 1349). Sans se brider, mais sans non plus développer au-delà de limites raisonnables, les cinq psaumes démoniaques de cette première réalisation taillent dans le gras, et expurgent le style de tous ses tics les plus modernes et irritants, tout en acceptant l’enrobage d’une production performante aux graves ronds et aux médiums tranchants.

Sans pouvoir vraiment revendiquer une étiquette progressive un peu trop redondante, le quatuor de Valence se permet quelques audaces bienvenues, en incluant des intros en arpèges classiques, pour mieux amplifier une entrée en matière aussi lourde qu’oppressante (« Revelations », à la dissonance et aux stridences sadiques et impudiques). S’il est évident que la cadence générale frise l’irrespect le plus total, le groupe ne se prive pas pour utiliser un mid-tempo vraiment imposant, aérant ses parties les plus apocalyptiques d’un air vicié savoureux. Le chant atypique de Siles permet de conférer une aura mystique à l’ensemble, de son grain grossier et de ses intonations scandées plus qu’hurlées, mais la complémentarité de deux guitaristes qui semblent anticiper les désirs de l’autre catapulte ce premier projet dans la galaxie des œuvres complexes et franches à la fois, dualité se faisant plutôt rare de nos jours. Il conviendra évidemment de saluer le boulot gigantesque abattu par Voor à la batterie, qui semble prendre beaucoup de plaisir à s’approprier les délires tentaculaires de Hellhammer, et qui frappe ses toms avec une aisance et une puissance qui une fois combinées, jouent le jeu de l’accroche et de la force. Et si certains riffs semblent parfois céder à la facilité du bis repetita en règle des fondements même du genre, on pardonnera aisément ces menues facilités qui ne plombent pas les morceaux de leurs emprunts. Illuminations catchy qui rapprochent parfois le groupe d’un Black N’Roll expurgé de ses aspects les plus putassiers (« Thanatos »), entrée en matière grandiose qui ouvre les portes d’une cathédrale sonore érigée en l’honneur de l’horreur (« Void »), pour une litanie de crudité sophistiquée, qui autorise même quelques fioritures de basse flirtant avec le Pagan.

C’est évidemment classique dans tous les sens du terme, mais tellement imposant qu’on se prend au jeu sans hésiter, et plus révélateur d’un respect des codes que d’une facilité de pratique. Et en tant que signal déclencheur d’une carrière naissante, Nihil Est est plutôt tout que rien, tout du moins partie d’un tout, et attire l’attention sur un groupe qui n’a pas inventé un style, mais qui contribue à lui redonner ses lettres de noblesses. Ab origine fidelis. Et il n’y a aucune honte à ça.                 

Titres de l’album:

                 1.Void           

                 2.Nihil

                 3.Pale 

                 4.Revelations 

                 5.Thanatos

Bandcamp officiel

Facebook officiel



par mortne2001 le 10/06/2018 à 14:35
80 %    1081
Derniers articles

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Benstard

Incroyable un groupe qui s'attaque à faire une reprise de Dead Congrégation !!! Je me languis d'écouter ça . Faut pas se louper la ahah.

31/05/2025, 21:53

Simony

Ah ah ce message d'au revoir est magnifique"Je dois y aller maintenant… chercher un boulot et jouer à Roblox avec mon fils…"

31/05/2025, 09:12

mortne2001

@Gargan exact, oubli impardonnable...Mais que veux-tu, je suis une vieille baderne qui pense que DEEP PURPLE est de la musique de jeunes et que tout est pourri depuis la mort de Roy Orbison. Mais totalement d'accord pour "Whiter Shade of Pale", quel feeling....

30/05/2025, 09:39

Salmigondis

C'est toi qui deicide, mec.   

30/05/2025, 06:15

Gargan

Tu presses lecture, retour immédiat 35 ans en arrière ! 

29/05/2025, 22:47

Gargan

Bah tu as oublié la reprise finale de dragon ball par Lisa, question de génération hehe. Je ne connaissais pas tant que ça Paul Gilbert (un peu Mr Big et Racer X, mais pas plus), super bonhomme et musicien incroyable. Enorme panard sur la reprise de Procol Harum.

29/05/2025, 22:28

Rodimus

Excellent !!

27/05/2025, 13:11

Ivan Grozny

Cool qu'ils aient signé chez Osmose !

27/05/2025, 12:19

Humungus

J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...

26/05/2025, 07:32

Oliv

Et Avatar lol 

25/05/2025, 20:35

Humungus

Et accompagné de PANTERA !!! !!! !!!

25/05/2025, 07:32

Boomer Killer

@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?

24/05/2025, 07:15

Moshimosher

Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après  plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)

23/05/2025, 19:55

Humungus

Amen.

23/05/2025, 09:41

Jus de cadavre

Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)

22/05/2025, 17:52

RBD

On lui doit bien ça !

22/05/2025, 12:08

Humungus

Y nous en faut des comme ça en ZEP...

21/05/2025, 19:27

Jus de cadavre

Si ce qu'il dit est vrai c'est quand même bien bas comme méthode de "licenciement", surtout venant d'un groupe qui prône ouverture, tolérance et respect à longueur de show (ironiquement par sa propre voix en plus...). 

21/05/2025, 17:13

Moshimosher

J'aime bien ce groupe... c'est dommage que cette collaboration se termine ainsi... En tous cas, faut que je jette une oreille à Downstater...

21/05/2025, 16:13