A l’instar de SORTILEGE, fraichement reformé autour de Christian Augustin, TITAN remet le couvert Heavy Metal trente-trois ans après son dernier témoignage discographie, l’atomique live Popeye le Road. Mais à la différence de SORTILEGE, TITAN se repointe avec un line-up presque d’époque, et donc une véritable crédibilité. Certes, j’en conviens, la comparaison entre les deux groupes s’arrête là, car même s’ils sortent tous deux en 2021 un nouvel album, la reformation du groupe de Bardos fut beaucoup moins houleuse et compliquée que le puzzle reconstitué à l’arrache par Zouille. Et puis, cette reformation n’est pas vraiment une surprise puisque tout le monde l’attendait depuis la réapparition du quintet sur scène il y a quatre ans, et l’interprétation live par la suite de nouveaux morceaux testés sur un public conquis d’avance.
Très logiquement, TITAN se présente aujourd’hui fort du deuxième album qu’il n’a pu enregistrer du temps de son vivant eighties, lorsqu’il avait éclaté à la surprise générale, laissant Bruno Dolheguy continuer son chemin avec KILLERS. Et si la jeune génération aura du mal à situer TITAN sur la carte du tendre du Heavy Metal français des eighties, les passionnés Hard-Rock de l’époque n’ont pas pu oublier des hymnes comme « L’Irlande au Cœur », « G.I’s Heritage » ou « Enfant de la Guerre ». Sans vraiment s’éloigner du répertoire qui avait fait la gloire du premier album de KILLERS, les dissidents proposaient une autre version de ce Metal mordant, délibérément agressif, parfois à la frontière du Power Metal, et sous perfusion JUDAS PRIEST/ACCEPT.
Alors, de fait, qu’attendre d’un album de TITAN en 2021 qui n’ai été déjà dit en 1988, puisqu’on se doute bien que le survivants n’ont pas changé leur fusil d’épaule, ni édulcoré leur vision de la musique ? Et bien justement, à autre chose qu’une simple resucée de Titan, ce séminal premier album à la pochette inoubliable, et plutôt à une digression intéressante sur un Metal traditionnel revu et corrigé à a sauce 2021, soit plus accommodant, mais pas moins puissant pour autant.
Et je l’affirme bien haut malgré quelques craintes inhérentes aux longues années de silence, il ne m’a pas fallu longtemps pour entre de plein pied dans Palingenesia (concept de philosophie métaphysique qui désigne le retour à la vie des divers éléments de la nature, sous la forme d'un éternel retour). Il honore de son titre la volonté des musiciens de renaître avec panache, en évitant le piège du passéisme à outrance, sans pour autant trahir ses convictions. Alors, évidemment la comparaison avec les hits d’antan sera inévitable, mais croyez-moi, plusieurs morceaux de cet album tiennent la dragée haute aux grands classiques du groupe, même si ces derniers sont peu nombreux au vu d’une discographie maigre comme un mannequin sur un podium.
Accueillons donc comme il se doit Sébastien Blanc (guitare), Pat Tetevuide (guitare), Pascal Chauderon (basse), Iñaki Plaa (batterie) et évidemment le hurleur le chef Patrice Le Calvez, qui n’a rien perdu de son timbre nasillard et de sa diction un peu étouffée dans les aigus. Les cinq musiciens sont affûtés comme des couteaux de boucher, l’osmose est palpable entre eux, et la musique qu’ils produisent ensemble à largement de quoi en remontrer aux chantres de la nostalgie qui aimeraient bien faire croire qu’ils ont vécu l’époque, alors même qu’ils n’étaient pas nés. Si un mot devait se dégager de ce deuxième album, nous pourrions parler de passion. Cette passion commune pour un Heavy Metal sans concessions, cette passion pour des thèmes d’actualité d’importance, et cette passion dans la générosité, pour ne décevoir aucun fan. L’investissement personnel est tangible, la complicité globale transpire des haut-parleurs, et l’énergie développée par Palingenesia est tout bonnement impressionnante, au diapason d’une production énorme qui permet à la basse de briller tout en matifiant la batterie.
Conscient qu’ils se devaient d’avancer et vivre avec leur époque, les TITAN ont mis toute leur conviction sur la table, et nous proposent donc un album supérieur à leur unique Titan, sans renier leurs influences historiques, mais en adaptant légèrement leur philosophie. Ainsi, le sacro-saint Metal laisse parfois la place à un Hard-Rock beaucoup plus catchy, truffé de riffs accrocheurs et de refrains à reprendre en chœur, puisque le quintet n’a rien perdu de son talent pour écrire des gimmicks vraiment efficaces en studio, et diaboliques en live. Une fois encore, la conscience politique et humaine tient une place importante dans la composition, et entre le sort des migrants sur « Mourir Ailleurs », l’intégrisme religieux sur « Les Fous de Dieu », ou les constats sur une époque gangrénée par la haine et le ressentiment sur « Utopie », « Rage et Haine » ou « Liberté », TITAN tire à boulets rouges sur une humanité à la dérive, dénonce les problèmes, et garde une posture incorruptible qui s’accompagne souvent d’une bande-son musclée et persuasive.
Si les puristes regretteront peut-être les embardées d’autrefois, lorsque la rythmique affolait les compteurs au son des couinements de sorcière de Patrice, les vrais fans admettront cette maturité dans l’agencement, et cette intelligence dans la progression. Dès « No More Gods », le ton moderne est donné, via un lick saccadé et redondant à l’extrême, qui nous englue joyeusement dans des problématiques fédératrices, et il n’est d’ailleurs pas vain d‘affirmer que Palingenesia partage bien des points commun avec le Too Mean to Die d’ACCEPT, relisant de vieux textes pour les remettre au goût d’un jour Hard-Rock fluide et boogie en diable.
Le lifting opéré est donc incroyablement rajeunissant, et aucune complaisance ou chauvinisme n’est requis pour acclamer cette nouvelle résiliation. Le groupe a trouvé le juste équilibre entre efficacité et conviction, et l’up tempo entêtant de « Les Fous De Dieu », les poings levés de « Mourir Ailleurs » (qui aurait eu sa place sur le classique Metal Heart, excusez du peu), la basse gironde et les percussions tribales de « Liberté », ou l’explosion JUDAS de « Rage Et Haine » contribuent à faire de Palingenesia le classique qu’il est déjà, bien plus intéressant que nombre de sous-produits vintage lâchés sur le marché comme de vulgaires gadgets.
Aucun gimmick, une foi indéfectible, une musique pertinente, TITAN valide son retour avec panache, et pourrait connaître une seconde partie de carrière terriblement fertile.
Titres de l’album:
01. Palingénésia (Intro)
02. Utopie
03. No More Gods
04. Les Fous De Dieu
05. Mourir Ailleurs
06. Mortels
07. Liberté
08. Marche
09. Rage Et Haine
10. Résurrection
11. A La Vie, À La Mort
Beaucoup de plaisir à les voir hier en laïve, aussi bien que pour les vieux morceaux repris en cœur que les nouveaux, car l’énergie est là, communicative. Assez cool aussi le côté intergénérationnel du public.
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