Le plan promo a été parfaitement orchestré, et le timing parfait. Quelques jours avant la sortie de ce nouvel album, le documentaire Thank You, Goodnight: The Bon Jovi Story a été diffusé sur Hulu, battant le rappel des fans pour mieux les préparer à cette nouveauté qu’ils attendent depuis quatre ans. Ce documentaire en quatre parties est d’importance. Il montre un héros de l’Amérique vieillissant, devant faire face à ses faiblesses physiques, pour affronter l’épreuve de la scène, alors même qu’il songe à raccrocher les gants. Beaucoup d’humanité donc, de la fragilité assumée, et aussi beaucoup de sincérité envers son public qui le soutient parfois depuis le début des années 80.
Mais rien n’est anodin. Et à la manière d’un METALLICA sur Some Kind of Monster, BON JOVI a redoutablement bien joué son coup, plongeant sa fanbase dans le doute, la crainte, et la peur d’une retraite anticipée. Et si tout cela n’avait été qu’une opération commerciale très bien montée pour vendre un album qui aurait eu du mal à trouver son public sans cette vague de nostalgie ?
Je pense ne pas être mesquin à poser cette légitime question. Après tout, le dernier album en date, 2020, était une véritable purge à peine bonne à sonoriser une soirée bingo dans une maison de retraite. Mollesse du rythme, mélodies anonymes, inspiration en berne, tout ça sentait le retour au stand sans reprendre d’essence. On y trouvait l’américain et son groupe au plus bas, durant cette pandémie qui ne pouvait servir d’excuse à cette salade de guimauve rehaussée d’une couche de sucre trop épaisse. BON JOVI était-il passé de l’autre côté du miroir, embrassant de trop près son affiliation aux radios Classic Rock ?
Je pensais la réponse positive, et puis j’ai regardé ce foutu documentaire. Qui m’a ému au plus haut point. J’étais alors prêt à encaisser une nouvelle désillusion et à l’accepter comme le chemin de croix qu’il faut parcourir pour soutenir ses idoles dans l’adversité. Et si Forever n’est évidemment pas le classique que nous ne sommes plus en droit d’attendre, il enterre en grandes pompes son prédécesseur qu’il faut vite oublier, et sans fleurs.
Les allusions sont claires dès la vision d’une pochette hautement symbolique. Jon réenfile sa veste en jean, flanquée de son nom d’artiste et du titre de l’album. L’écho de New Jersey est donc très présent, et le héros, le cheveu blanc mais la posture droite contemple la ville qui fut autrefois le théâtre de concerts homériques, face à une foule totalement conquise. Forever. Jon pense-t-il que l’aventure ne connaîtra pas de fin, ou alors se contente-t-il de regarder vers le passé pour deviner son avenir en pointillés ?
Musicalement, ce nouvel album soutenu par Island Records est bien plus nerveux que les derniers essais du quintet (ou plus selon la configuration scénique). Richie est parti depuis quelques années, mais Phil X a pris la relève, et il n’est pas incongru de comparer le groupe du New-Jersey aux plus anglais DEF LEPPARD, tant leurs trajectoires sont similaires. Passés du statut d’icônes Hard-Pop à celui de mastodontes Classic Rock, les deux groupes ont doucement glissé vers la douceur, la sérénité, ne tentant plus de reproduire à l’infini la recette miracle de leurs hits les plus vendus. Ainsi, Forever ne contient pas de « Livin’ on a Prayer », ni de « Always », encore moins de « You Give Love a Bad Name ». Mais on y trouve des arrangements de cordes, des allusions au boss Springsteen, et le parfum de cet état qui a vu naître bon nombre de héros des eighties.
Parvenu à un âge qui ne lui permet plus de se donner à plein régime, Jon a donc choisi la voie de la maturité, qui est à l’opposé de ce que les fans de Hard-Rock attendent encore de lui comme un miracle. Mais Forever nous renvoie aux deux derniers albums qui tenaient largement debout, le très apprécié This House is not for Sale, et surtout, Burning Bridges qui m’avait cueilli à chaud à l’époque. Il est donc inutile de jouer les sex-symbols alors qu’on a dépassé la soixantaine et que le cheveu est plus gris qu’un ciel de novembre, mais Jon peut encore enfiler son uniforme de rock-star sans avoir l’air ridicule.
Et l’un dans l’autre, ce nouvel album sonne comme la synthèse efficace de la carrière du groupe post Keep the Faith, dont il tire encore quelques ficelles (« The People's House », qui ressemble comme deux gouttes d’eau au single « Keep the Faith » dont il emprunte la rythmique syncopée en y ajoutant quelques bongos), et un survol de ces dix dernières années avec le sentiment du travail bien fait. Jon l’avait annoncé, le volume sonore montait, et nous en avons maintenant la preuve. 2020 est donc jeté aux oubliettes de la médiocrité, comme s’il n’avait jamais existé.
Le plus important est finalement l’état de santé d’un groupe qui sonne comme tel. Le quintet est soudé, comme on a pu s’en rendre compte en visionnant ce documentaire qui faisait justement la part belle à l’amitié, la confiance et même l’admiration. Ce qui permet aujourd’hui de savourer de petites douceurs comme ce très convaincant « Walls Of Jericho » qui a un arrière-goût de Slippery When Wet en version sénior. Le single « Legendary » fait lui aussi partie des réussites incontestables, avec ces chœurs que l’on connaît par cœur, mais qui agissent encore comme un pansement sur le cœur. Mélodie classique, rythmique convaincante de Tico et Hugh, riff discret de Phil, et un clip un peu décalé sous les étoiles.
Got what I want 'cause I got what I need
Got a fistful of friends that'll stand up for me
Right where I am is where I wanna be
Ces trois vers résument parfaitement l’état d’esprit du chanteur. Il a fait la paix avec son passé chargé, il a affronté des difficultés incroyables, il a donné de son temps aux plus démunis, et aujourd’hui, il n’aspire qu’à prendre du plaisir avec des musiciens qui le comprennent et qui le soutiennent. Du médium, de l’ajusté, du sensible et de l’apprêté, du sur-mesure et de l’occasion de qualité, avec un « Waves » sincère, un « Seeds » délicatement psychédélique dans ses harmonies, « Living In Paradise » qui ne tente pas d’être la résurrection de « Prayer », et l’émotion brute de « My First Guitar », rappel lointain de cette époque où Jon arpentait les studios pour en apprendre les secrets, tout en composant dans l’ombre un certain « Runaway ».
Heureux. Forever est un album heureux. Un disque qui paraîtra anecdotique à ceux qui ont décroché depuis les nineties, mais d’une force rare pour les fidèles qui sont encore là et qui se comptent par millions. Un disque en phase avec son temps, mais qui ne trahit rien, et surtout, qui ne promet rien de plus que le plaisir qu’il procure.
I wrote you a song, almost afraid to sing it
How could it ever be beautiful enough?
Là est le dilemme. Les chansons écrites par Jon sont-elles toujours assez belles pour vous ?
Titres de l’album :
01. Legendary
02. We Made It Look Easy
03. Living Proof
04. Waves
05. Seeds
06. Kiss The Bride
07. The People's House
08. Walls Of Jericho
09. I Wrote You A Song
10. Living In Paradise
11. My First Guitar
12. Hollow Man
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RIP ! Iron Maiden restera mon album préféré du groupe et Killers le premier album que je me sois acheté (Ah ! Quelle pochette !)... Pas vraiment étonné par la nouvelle, mais, bon, elle n'en est pas moins triste pour autant...
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Bah oui allons LeMoustre...Il est évident que le propos d'Orphan est du quinzième degrés.
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18/10/2024, 22:29
Très 90s dans le son, même si j'aurai préféré un peu plus rond. J'aimerai bien les revoir live du coup.
18/10/2024, 19:15
@Humungus : oui, j'aurai pu mettre les Guignols de l'Info avec Mr Sylvestre dans le lot, quand il citait les gniakoués, etc...Malheureusement quand je lis des réactions comme du dénommé orphan je me dis qu'on est quand même pas sorti d'(...)
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