Cinquième LP pour les finlandais de DECAYING, et selon eux, « le plus percutant et puissant ». Il est d’usage de vanter les mérites de votre dernier-né, promotion oblige, et sans déjà savoir si ce constat interne est vrai, je ne peux que constater l’efficacité d’un album à la pochette qui en dit long sur le contenu. Formé en 2010 à Helsinki, DECAYING, la créature des ténèbres a publié deux démos coup sur coup, avant de lâcher son séminal Encirclement en 2012. Depuis, le groupe n’a jamais vraiment déçu, ce que confirment les indices de satisfaction sur les sites référentiels. Toutefois, le précédent To Cross the Line semblait marquer un peu le pas, et il revenait à Matias Nastolin, seul membre d’origine de redresser la barre. C’est ainsi que le leader a confié la réalisation de la pochette de Shells Will Fall à Toderico Art, qui s’en est acquitté avec un beau noir et blanc granuleux et old-school. Mais sans atteindre l’intensité de son graphisme, ce cinquième album nous permet d’apprécier une nouvelle tranche de mort venue du froid, résolument old-school, plurielle dans ses attaques, et digne d’intérêt. Focalisé sur la première guerre mondiale, ce longue-durée essaie d’en retranscrire la violence brute, et alterne donc les ambiances pour nous immerger dans la boue des tranchées et nous faire humer l’odeur du sang. On y retrouve toutes les caractéristiques d’un groupe attaché à sa nostalgie, ces longs passages glauques et lourds, presque Doom, ces attaques en mid-tempo aussi catchy qu’une pluie de balles un soir de novembre, ces accélérations qui évoquent un tir de barrage ininterrompu quelque part en Allemagne ou en France, et après quelques écoutes, l’œuvre se révèle dans toute sa grandeur vintage, redonnant ses lettres de noblesse au Death Metal cash et sans fioritures.
Tout en restant attaché à ses valeurs nordiques, DECAYING a intelligemment agencé son retour, après deux ans de silence, pour conférer à ces quarante minutes un parfum de variété prononcé. C’est ainsi que le line-up stabilisé (Matias Nastolin - guitare/chant, Henri Hirvonen - guitare, Sebastian Bergman - basse et Olli Törrönen - batterie) entame les hostilités en prenant ses marques, proposant une entrée en matière lourde et oppressante. Loin d’une mise en jambes supersonique dans la grande tradition, « Shells Will Fall », malgré son titre suggérant des douilles tombant à terre à bon rythme, prône une lourdeur suffocante, une épaisseur conséquente, avec en exergue des riffs pesants et mélodiques, une basse ronde grondante et roulante, et un chant grave et graveleux. Méthode risquée, mais qui fonctionne puisqu’elle nous plonge dans le décor sans attendre, suggérant la sueur perlant sur le front, les soldats tremblant au front, et la violence larvée ne demandant qu’à exploser à l’occasion d’une attaque surprise. On sent les riffs frôler la terre meuble, les harmonies acides siffler comme des balles près des oreilles, les nuages s’amonceler dans un ciel orageux, et la sensation est terriblement agréable dans son oppression. Bien sûr, le côté Heavy a toujours été prononcé chez les finlandais, mais pas seulement. Et c’est donc très logiquement que « Into The Straits » accélère le tempo pour fuir la guerre de position, sans renoncer à cette emphase de violence en mid-tempo qui accentue le malaise. La voix de Matias Nastolin nous ramène à l’époque bénie de MORGOTH et des débuts du Death Metal allemand, mais si la trademark reste clairement nordique, le Metal de DECAYING ne se montre pas fermé à des influences internationales. On apprécie toujours autant cette alternance de climats, cette succession de plans qui permettent aux guitares de ne pas répéter les mêmes leitmotivs jusqu’à l’écœurement, et surtout cette énorme basse presque crossover dans les faits qui permet au tout de rouler sur la pente de la violence sans en rajouter.
« Break the Stalemate » et son tempo Crust creuse encore l’écart avec les suiveurs bloqués sur une approche, et nous déroule le tapis d’un Death scandinave fortement marqué par sa culture Hardcore. On pense à MASTER reprenant les TOTALITAR, et on se remémore les débuts de la scène nordique et son appétit pour la froideur la plus rigide. Mais le Death des finlandais n’est pas qu’une congère venant vous crever les yeux ou une sépulture vide attendant d’être comblée d’un cadavre. Il est aussi rempli de vie, aussi étrange que cela puisse paraître. Il est en tout cas plein d’énergie, malgré la teinte monochrome de ses morceaux. S’il est encore trop tôt pour savoir si Shells Will Fall est l’album le plus concis et percutant du combo, il est en tout cas l’un de ceux qui varient le plus le propos, pour imposer de longues intros grinçantes et gravissimes (« Scattered Remains »), avec toujours en contrepoint de ces harmonies amères de grosses poussées rythmiques qui bousculent les oreilles. Toujours prompt à relancer la machine, les musiciens n’hésitent pas à insérer de courts moments de folie raisonnable, avec des titres qui privilégient la violence, mais jamais au détriment de l’efficacité. Ainsi, « Carnage », dans tout son classicisme ose les motifs Thrash pour se montrer plus catchy que la moyenne, sans trahir la caution Death. Avec seulement trente-sept minutes au compteur, ce cinquième tome garde son emprise jusqu’à la fin, et alterne les hymnes à la violence la plus sale et brute. « Submerged » reprend les grandes lignes en synthétisant les propos, et évoque encore une fois le début de carrière de MORGOTH, avec en petit plus cette science du plan qui tombe toujours à pic pour fluidifier l’ensemble. Production sans effets inutiles mais à la percussion indéniable, thématique proche du SODOM historique, et final orgiaque avec riff redondant et ambiance Heavy (« No Return »), DECAYING a soigné son retour sans vraiment chambouler ses habitudes. Mais il est toujours plaisant d’écouter un Death catchy et âpre, qui ne se contente pas d’enfiler les perles glacées autour du collier de la haine.
Titres de l’album :
01. Shells Will Fall
02. Into the Straits
03. Break the Stalemate
04. Frontier
05. Scattered Remains
06. Carnage
07. Submerged
08. No Return
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