Square One

Purser Deverill

14/12/2018

Mighty Music

Allez, je parie que ça vous est arrivé aussi. D’échafauder des plans avec un ami, de vous promettre mutuellement une collaboration quelconque sur un projet défini, et de remettre aux calendes grecques le dit projet. Si, si, ne niez pas, c’est une chose plus courante que l’on croit, comme ces voyages qu’on planifie dans le moindre détail et qui n’arrivent jamais à destination. Et l’album du jour est de ce genre d’histoires que l’on raconte pendant des décennies, et qui finissent par devenir un running-gag entre potes, avant de miraculeusement se concrétiser sans que personne ne s’y attende, presque par hasard…Et si le nom de ce groupe ne déclenchera aucune alarme dans votre mémoire, les plus fins musicologues des années 80 sauront y reconnaître deux patronymes connus de la scène Rock, ceux de deux musiciens ayant travaillé ensemble il y a « quelques » années, au sein d’un collectif que la NWOBHM avait placé au rang d’espoir majeur. Souvenez-vous, les TYGERS OF PAN TANG, l’écrin au sein duquel un certain John Sykes avait brillé de ses soli enflammés et de ses riffs enragés. Un groupe plus que culte, qui au travers d’une poignée d’albums avait défini les orientations mélodiques à venir d’une décennie vouée au culte de l’hédonisme et de la personnalité, et qui avait brutalement mis fin à ses jours quelques temps après le départ de son guitar-hero emblématique. A cette époque charnière de sa carrière, TOPT cherchait un nouveau souffle, et avait pour cela fait appel au talent de vocaliste d’un originaire de Cardiff, Jon DEVERILL, histoire de se débarrasser de ses oripeaux Punk pour prendre une direction plus mélodique et puissante. Et après une tournée triomphale ponctuée de l’envolée de son fils prodigue, le groupe se trouva fort marri de perdre sa figure de proue, surtout qu’une tournée française pointait le bout de son nez. C’est à ce moment-là qu’intervint le second protagoniste de notre affaire quotidienne, Fred PURSER, qui remplaça Sykes au pied levé et sans audition, après sept jours de préparation pour apprendre le répertoire. Mais une fois encore, et alors qu’on pensait la machine relancée, cette dernière s’enraya, laissant le courageux guitariste avec de nouveaux morceaux sur les bras, destinés à illustrer l’album d’un groupe qui n’existait déjà plus.

Tout ceci est arrivé il y a plus de trente ans. Et c’est le temps qu’il aura fallu pour que les deux musiciens se décident à retravailler ces morceaux ensemble pour un nouveau concept, celui de PURSER DEVERILL, qui ironiquement se retrouve signé sur le même label que le comeback des…TYGERS OF PAN TANG. Trente ans pour donner le jour à une poignée de chansons qui auraient dû naître dans les années 80, et qui pourtant s’adaptent très bien à l’air du temps, qui se satisfait parfaitement de ces sonorités AOR délicatement progressives, symptomatiques d’une décade harmonique. Et loin d’un petit plaisir coupable ou d’un caprice étalé sur la durée, ce Square One s’avère bien plus qu’une mémoire qui revient à la surface, et prend la forme d’un album abouti, réfléchi, mais qui a su garder la fraîcheur de sa conception initiale pour ne pas dénaturer l’envie d’alors. Mais avec deux pilotes comme Fred et Jon, il n’est pas étonnant de constater que Square One sera sans doute l’album le plus conjointement spontané et professionnel que vous pourrez écouter en ce mois de décembre décidément très frais. Frais comme la motivation de musiciens toujours verts, et fidèles à leur nature mélodique prononcée, qui signent une bonne dizaine de compositions éclectiques et électriques faisant autant appel aux racines Hard-Rock séculaires qu’aux envies Pop légendaires. Un disque qui se place sur un équilibre parfait entre puissance et nuance, et qui domine des couplets et des refrains la production actuelle, rappelant par moments la magie de SPACE ELEVATOR, sans les aspects les plus théâtraux et conceptuels. Nous retrouvons donc avec plaisir la voix magique de Jon DEVERILL, lyrique et au vibrato sensible, mais aussi la solidité de composition de Fred PURSER, faisant feu de tout bois aux claviers, à la basse et évidemment à la guitare, les trois instruments occupant la même portion d’espace sans se marcher sur les cordes où les touches. Alors, tout ça valait-il les trente années de patience, de désillusion et d’espoirs déçus ? La réponse est un oui massif, tant la pertinence du projet saute aux oreilles dès les premières minutes de son développement.

Sans oublier que ces morceaux devaient à la base servir de trame à un nouvel album des TYGERS OF PAN TANG, il est facile de se rendre compte qu’ils auraient fait dévier le groupe vers un AOR de grande classe, mais pas forcément à-propos dans le parcours général. Entre spontanéité remarquable et soin méticuleux admirable, ces dix chansons refusant les obligations de genre louvoient entre Hard grandiloquent et Pop musclée, tâtant même à l’occasion d’un Progressif à la GENESIS des jours Billboard, lorsque le symphonique emphatique s‘invite aux agapes d’un Hard-Rock qui happe, sur le miraculeux et envoutant « Darkest Cloud », qui use de chœurs désincarnés pour imposer sa vision d’une musique plurielle, mais véritablement émotionnelle. Pour autant, inutile de vous attendre au faux-pas de la réunion d’anciens combattants, puisque les deux soldats n’ont rien perdu de leur talent. L’envie est palpable, et pas seulement celle d’une revanche sur le destin, mais surtout celle d’enflammer le cœur du public de sonorités vintage remises au goût d’un jour nouveau, ce qui est plus que patent sur l’ouverture tonitruante de « Square One », au riff humant bon le YES le plus abordable. Rythmique souple et élastique, mélodies estampillées west-coast, chant poignant et refrain saignant, pour un passage en revue de tous les souvenirs d’eighties qui n’en finissent pas de renaître. On ne se pose pas de questions inutiles sur la pertinence de la démarche, puisque sa validité s’en trouve effective dès les premières secondes, appuyée par une production qui mixe le meilleur d’hier à l’excellence d’aujourd’hui. On se demande même si l’écurie italienne Frontiers n’est pas verte de rage d’avoir laissé passer cette excellente occasion de briller, tant PURSER DEVERILL s’affilie indirectement à la charte de qualité du label de Serafino. Hard-Rock évidemment, eut égard au background, mais pas seulement, et si la solidité s’affirme, la fragilité reste intime, et s’accorde parfaitement de la juxtaposition de guitares proéminentes et de claviers omniprésents, lorsque résonne la subtilité de « Hypnotise ».

Mais pas question de sombrer dans la guimauve de retrouvailles pré-andropause, même si la délicatesse d’un TOTO ou d’un SURVIVOR taille sa route sur « Travel The World », puisque les intentions de départ étaient de frapper un grand coup, ce que le déhanché et chaloupé « Beat Them Join Them » démontre de sa batterie plombée et de sa basse martelée, évoquant la vague Pop-Metal de la fin des années 80, sans sombrer dans le pastiche ou la parodie. Et entre des inserts presque Bluesy (« Make It True », sur lequel le talent éclatant de Fred PURSER brille de mille notes), des attaques féroces mais polies dans le mainstream (« Factor X »), et des incursions plus Rock qu’un MIKE AND THE MECHANICS découvrant la Californie anglaise des STAMPEDE (« Captured In Freefall – Lost In Space »), Square One résout la quadrature du cercle et nous plonge dans un vortex d’espace-temps, où le temps justement n’a plus d’importance et passe au gré d’un plaisir infini. Et comme un ultime clin d’œil à cette vieillesse annoncée qu’on refuse de voir vous éprouver, « Apocalypse Then » de nous laisser sur une note agressive et progressive, révélant une bataille stellaire entre des claviers déchaînés et une guitare enflammée, pour bien montrer que le Hard-Rock n’a pas été oublié dans les placards de la mémoire. Trente ans. C’est long trente ans. Il faut être patient, et ne jamais arrêter d’y croire. Mais patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Et pour les PURSER DEVERILL, les deux à la fois.


Titres de l’album :

                         1.Square One

                         2.Hypnotise

                         3.Travel The World

                         4.Beat Them Join Them

                         5.Make It True

                         6.With You

                         7.Factor X

                         8.Captured In Freefall – Lost In Space

                         9.Darkest Cloud

                         10.Apocalypse Then

Facebook officiel


par mortne2001 le 19/12/2018 à 16:24
85 %    949

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Midnight + Cyclone + High Command // Paris

Mold_Putrefaction 24/04/2024

Live Report

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
roulure

true norwegian roue libre

26/04/2024, 13:40

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Humungus

Putain !Si j'avais été au jus de cette date, j'aurai fait le déplacement boudiou...Pis je vois que tu causes de BARABBAS à Nancy ?!Et c'est... ... ... Ce soir.Re-Putain !

25/04/2024, 13:28

Tut tut!

25/04/2024, 12:44

Gargan

ça me fait penser à moi ivre mort parodiant Maurice Bejart, sur fond de Stravinski. Plus glucose, tu meurs. Mauriiiiice !

25/04/2024, 10:28

DPD

Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.

24/04/2024, 14:26

RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20