Le NADIR, c’est le néant, le vide, le pic inverse, le trou qui se creuse si profond qu’on ne peut plus remonter à la surface. Dans la carrière d’un musicien, c’est la créativité en berne, le manque d’inspiration, le résultat qui fâche et l’anecdote qui tâche. En gros, une période à marquer d’une pierre noire pour ne pas oublier que la roue tourne toujours, et parfois, dans le mauvais sens.
En gros, l’antithèse du parcours de NADIR, ce groupe anglais qui depuis 2019 pousse ses recherches sonores le plus loin possible, en assimilant le Thrash et le Death dans un même creuset d’influences. Né en 2019, ce quatuor de musiciens émérites (Mike Marshall - basse, Ruari Ferguson - batterie, MJ Anderson - guitare/chant et Josh Graybill - guitare) avait déjà annoncé la couleur en 2022 via un premier album remarquable, Eternal War, Forevermore, qui mettait en avant des influences évidentes, mais aussi une capacité technique largement au-dessus de la normale. Deux ans plus tard et deux EP’s supplémentaires, le quatuor revient donc par la porte de l’autoproduction confirmer sa naissante réputation, via huit morceaux aussi complexes que puissants.
Une sorte d’équilibre très stable qui puise dans les nineties de quoi alimenter la chaudière des années 2020.
Jouant constamment sur la frontière séparant le Death et le Thrash en abordant le métissage d’un point de vue progressif, Standing at the Cosmic Horizon observe les étoiles et leur trajectoire, et adopte le même principe de brillance et de vitesse. Basé sur une rupture rythmique constante, le groupe n’est pas sans évoquer un chemin bien tracé entre ATHEIST et PERIPHERY, le tout rehaussé d’une sauce globale à base de piment guitaristique et d’épices vocales.
Evidemment joués avec une facilité déconcertante, ces huit nouveaux morceaux sont hallucinants de maîtrise et de fougue. « In The Beginning... », entame et plus gros morceau pose les bases, et nous entraîne sur les pas de la légende DEATH et du mythe CYNIC, avec ses arabesques de basse, son chant criard expulsé de poumons fatigués, et ses guitares en constante représentation. Mais loin d’une simple démonstration, ce premier titre est au contraire un précis à l’usage des curieux désireux de savoir où ils vont mettre les pieds.
Et les oreilles.
Et la réponse est incroyablement claire : au pays des créatifs de génie, qui transcendent les clivages, et prêchent pour leur propre paroisse sans tomber dans le prosélytisme agaçant.
D’une incroyable finesse, ce second long est de ceux qui laissent une trace dans l’histoire de la musique extrême. Cet affrontement entre la délicatesse harmonique et la rudesse rythmique est le ciment même de cette immense cathédrale sonore à la production épaisse mais ouvragée, qui régulièrement se souvient de l’atonalité du Jazz et de la dissonance du Death expérimental. En découlent de longs passages atmosphériques, colériques, et une ambiance délétère qui refuse les facilités d’usage pour brosser le portrait d’une époque troublée.
Petit chef d’œuvre en soi, Standing at the Cosmic Horizon est un concentré de haine viscérale et de désir de s’extirper d’une masse un peu trop compacte. Pas vraiment old-school sans être trop moderne, NADIR joue intelligemment avec l’alternance des plans qui se heurtent à une vitesse incroyable, sans que les musiciens ne perdent le fil de la narration. On en comprend l’apogée sur le terrifiant « Lost Dogmatic Space New Order », qui semble vouloir battre le record du nombre de riffs différents, qui tendent parfois vers des soli stellaires, ou des licks mélodiques trafiqués à outrance.
Outrance, le mot est choisi à dessein. Car malgré son élitisme, Standing at the Cosmic Horizon ne se gêne pas pour titiller les extrêmes, et offrir aux fans une sacrée dose de brutalité clinique. Symptomatique de l’école Progressive de l’orée du vingt-et-unième siècle, NADIR cite PERIPHERY, GOJIRA et autres camelots malins et capables, et se fond dans le décor tout en gardant l’indépendance de sa créativité. Et le résultat est évidemment sans appel : brillant, impressionnant, violent et décadent, comme une exagération magnifique qui assume son appétit glouton.
Les envolées solitaires, mélodieuses mais torturant les sextolets et le vibrato avec un sadisme jouissif, les parties de batterie incroyables de Ruari Ferguson, en roulement permanent, les boucles inventives et mutines de Mike Marshall, et la cohésion d’ensemble font que les détails et la globalité fonctionnent de concert pour produire un résultat effarant de beauté dans la bestialité.
Mathématiquement précis, humainement froid mais intellectuellement pointu, Standing at the Cosmic Horizon écrase la concurrence de sa superbe et de sa morgue. Sans passer pour des fats avides de compliments faciles, les anglais profanent la tradition du tea-time de 5 o’clock pour nous sevrer d’un alcool chargé, buvable à n’importe quelle heure de la journée, et procurant une ivresse sévère (« Banished »).
Si chaque morceau rappelle le précédent dans un désir d’unité, chaque segment possède sa propre personnalité, comme le souligne « ...At The End » de sa nostalgie tirant soudainement vers le traumatisme d’enfance mal digéré.
Maîtrisé, développé, bourré de petites trouvailles géniales, Standing at the Cosmic Horizon est en quelque sorte le parangon d’un Death progressif qui sublime ses racines pour tenter de flirter avec la perfection. En gros, tout le contraire de la définition du NADIR, qui dans ce cas précis, est un zénith qu’on observe des étoiles dans les oreilles.
Titres de l’album:
01. In The Beginning...
02. Enigma
03. Dead by First Light
04. Lost Dogmatic Space New Order
05. Banished
06. Vexillum Candela
07. ...At The End
08. Standing at the Cosmic Horizon
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