Unus

Necronomicon

18/10/2019

Season Of Mist

La plupart du temps, lorsqu’on me parle du NECRONOMICON, je pense à plusieurs choses. Le grimoire de Lovecraft évidemment, Evil Dead de Sam Raimi, le film à sketches éponyme de Brian Yuzna, Christophe Gans et Shūsuke Kaneko, ou plus prosaïquement en en lien avec notre musique préférée, ce fameux groupe allemand de série B et son Thrash appréciable, mais pas inoubliable pour autant. Et par extension, ma mémoire commet toujours la même erreur, laissant traîner dans ses limbes le fantôme pourtant très concret de ce groupe canadien formé à l’agonie des années 80, toujours actif aujourd’hui, et même plus que jamais. Il est d’ailleurs assez étonnant de constater qu’il ne soit pas plus connu dans le mainstream de l’extrême, puisque depuis bientôt trente ans, le NECRONOMICON de La Baie agite Montréal de ses soubresauts rythmiques incomparables et de son crossover génial entre Death formel et Black d’apparat. Fondé en 1988 certes, mais sans production discographique avant 1999, soit l’équivalent d’une décennie/génération à peaufiner un son, entre une démo initiale en 1992 et un premier mais timide EP quatre ans plus tard. Mais une fois le rythme de croisière trouvé, le trio canadien a pulvérisé les records de productivité, nous offrant pas moins de 6 LP en vingt ans, ne démentant jamais une quelconque qualité. Jugez du peu, Pharaoh of Gods, The Sacred Medicines, The Return of the Witch, Rise of the Elder Ones, Advent of the Human God et ce dernier né, Unus, pour une œuvre globale qui exige une réévaluation immédiate et l’intronisation au panthéon des plus grands destructeurs nord-américains de la création. Quelle est donc la recette de ce groupe unique, qui depuis ses débuts s’évertue à se faire remarquer sans vraiment y parvenir ? Trouver son inspiration générique dans le Death américain des années 90, scène dont il fit partie, et le souligner d’orchestrations plus symptomatiques du BM européen des mêmes années, pour lui conférer une aura mystique à la NILE, sans passer par la case synthétique de grande surface de l’horreur pour adolescents boutonneux de CRADLE OF FILTH.

Du trio d’origine, ne subsiste donc que le guitariste chanteur Rob "The Witch" Tremblay, responsable également des claviers depuis 2003. Aujourd’hui épaulé par Raum à la basse et Jean-Philippe Bouchard (MAGISTER DIXIT, MORNINGLESS, NECROTICGOREBEAST, OXIDIZED FAITH) à la batterie, depuis deux ans, le tempétueux leader continue donc sa navigation sur des eaux troublées, et pousse à son paroxysme l’art séculaire de sa créature à traverser des tempêtes qu’elle a elle-même déclenchées. Si le parallèle le plus évident rapprochera encore une fois NECRONOMICON des immanquables DIMMU BORGIR, il n’est pas non plus incongru de parler de MORBID ANGEL, spécialement dans les passages les plus ambiancés, voire même d’évoquer une forme extrême du VOÏVOD le plus viril. Mais en dehors de ces parallèles probants ou non, l’identité de NECRONOMICON ne fait plus aucun doute sur cet Unus, qui tout en continuant le travail entrepris sur Rise of the Elder Ones et Advent of the Human God se projette encore plus en avant, au point d’incarner une sorte d’acmé maléfique. La méthode est connue, et éprouvée. Des couplets cruels et emprunts de vilénie américano-scandinave, dramatisés par des arrangements symphoniques et synthétiques, histoire de rapprocher la philosophie d’un Blackened Death atmosphérique, mais concrètement agressif et puissant dans les faits. Rob "The Witch" Tremblay n’est donc pas uniquement là pour contempler les dégâts avec un détachement nihiliste, mais bien pour en être la cause, et son travail atteint une apogée aujourd’hui, ce que des morceaux parfaitement équilibrés de la trempe de « Ascending the Throne of Baator », aux dissonances dérangeantes et « Fhtagn », intermède moite prouvent de leur créativité diabolique. De fait, l’album est parfaitement construit, évolutif, presque progressif parfois, et ne se limite pas à un pilonnage systématique des défenses auditives, ce qui aurait pu se montrer terriblement rébarbatif. On sent d’ailleurs les ambitions dès « From Ashes into Flesh », qui de ses claviers gothiques et vampiriques évoque CRADLE et DIMMU, les deux seigneurs symphoniques de la planète BM, mais le maelstrom sonore titille aussi la corde sensible de l’élitisme d’EMPEROR, avec ses parties de batterie ininterrompues et son dramatisme de surface.

Sorte d’opéra occulte, Unus impose dès ses premières mesures un univers cosmique, et ouvre les portes aux démons de l’enfer, impression que la double pédale de Jean-Philippe appuie de son tir à vue constant. Toujours autant interprète que chanteur, Tremblay domine de ses modulations la bande instrumentale, terriblement riche, qui nous enivre de ses changements de tempo, de ses volutes de clavier toxiques, et en à peine plus de quatre minutes, le trio nous prouve sa singularité et ses prétentions artistiques. Cette impression n’est pas atténuée par « Infinitum Continuum » au mid tempo plus accrocheur, et aux riffs ne l’étant pas moins. Plus brutale, cette suite se montre sous un jour barbare mais séduisant, plus fondamentalement Death, avant que les notes de synthé ne s’imposent dans un délire baroque. Développant un nombre conséquent de breaks sans nuire à l’avancée globale, Unus est une ode à la brutalité intelligente, aménageant des espaces de luminosité pour mieux rendre l’auditeur accro (« Paradise Lost », le titre avant-coureur qui n’hésite pas à allécher avec des stridences mais aussi des licks pertinents), et le faire déambuler dans les méandres d’un esprit malin via des couloirs sombres en inserts emphatiques (« The Price of a Soul », car les intermèdes sont tout sauf gratuits ici). On se laisse donc entraîner dans cette sarabande tout sauf monomaniaque, qui perfectionne encore plus la technique, et se donne des airs de synthèse entre la précision chirurgicale de MORBID ANGEL et l’ultraviolence dramatique de BEHEMOTH (« Singularis Dominus »). Quelques accents orientaux à la NILE pour introduire une déferlante de sadisme (« The Thousand Masks »), une humilité de fond qui empêche les titres de trop jouer les prolongations, et surtout, un final dantesque en diptyque « Cursed MMXIX » / « Vox Draconis », avec quelques clins d’œil Thrash mais surtout, l’assurance d’avoir fait du bon boulot.

On constate donc après analyse d’Unus qu’il est totalement injuste que ces NECRONOMICON canadiens ne soient pas reconnus à leur juste valeur, eux qui existaient déjà alors que les groupes auxquels on les compare n’étaient encore qu’en gestation improbable. Une réhabilitation globale à prévoir ? A voir si Lovecraft de son au-delà peut faire quelque chose pour eux…              

   

Titres de l’album :

                        1. From Ashes into Flesh

                        2. Infinitum Continuum

                        3. Paradise Lost

                        4. The Price of a Soul

                        5. Singularis Dominus

                        6. The Thousand Masks

                        7. Ascending The throne of Baator

                        8. Fhtagn

                        9. Cursed MMXIX

                       10. Vox Draconis

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 16/01/2020 à 18:35
80 %    1427
Derniers articles

Defeated Sanity + HM 2

RBD 09/07/2025

Live Report

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
DPD

Et ce qui s'est fait de marquant question death c'était le dernier Dead Congregation et le surprenant Reign Supreme de Dying Fetus. Et qu'on me parle pas de Blood Incantation tout est impeccable, il y a beaucoup de travail derrière, mais aucune symbiose entre les part(...)

10/07/2025, 15:17

DPD

L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)

10/07/2025, 15:09

Ivan Grozny

Oui très bon groupe, je recommande également !

10/07/2025, 14:36

Ivan Grozny

C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)

10/07/2025, 14:34

DPD

Sinon j'aime beaucoup Chat Pile comme groupe récent.

10/07/2025, 14:27

DPD

@GPTQBCOVJe suis  horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)

10/07/2025, 14:16

DPD

Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)

10/07/2025, 13:47

Humungus

Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".

10/07/2025, 13:22

RBD

Cela m'espante toujours de voir des festivals complets (ou presque) un an à l'avance sans avoir annoncé aucune tête d'affiche.Le public est devenu très friand des gros festivals. Je pense évidemment à toute cette frange de festivalier(...)

10/07/2025, 12:23

DPD

Certains commentaires sont à côté de leur pompes, la grande mode du metalcore c'était il y a quoi ? 20 ans ? la bizarrerie c'est que pas mal de ces gens sont passés au black-metal pour une raison que j'ignore ce qui donne toute cette scene en -post(...)

10/07/2025, 12:04

Gargan

Dans le clip tu as ceux en civil avant le Hellfest, puis pendant ☝

10/07/2025, 08:58

Simony

Ce groupe est une pépite. Je reste encore sous le choc de The Crowning Quietus par exemple !

10/07/2025, 08:38

Dede

Et oui le Fall of que c'était dingue mais pas de monde pour pouvoir continuer 

09/07/2025, 23:09

Dede

Je vais au Hellfest l'année prochaine depuis 2010 et je sais pertinemment que le métal extrême n'y a plus trop sa place et dieu sait que j'adore le black et le death mais je suis fan de musique et musicien avant tout et j'aime aussi cette diversité. (...)

09/07/2025, 23:07

NecroKosmos

Cette année, j'ai fait le Anthems of Steel et le Courts of Chaos. A l'automne, ce sera probablement le Muscadeath. Les festivals, ce n'est pas ce qui manque. D'ailleurs, plus ils sont passionnants dans la programmation, moins la fréquentation est importante. Biza(...)

09/07/2025, 21:39

Salmigondis

Content de ne plus perdre mon temps, mon argent, mes nerfs et mes espoirs avec ce fest qui est devenu une totale foire aux neuneus.J'ai souvenir d'un site avant 2010/2011 avec encore peu de déco (c'est relatif mais comparé à ce que c'est devenu....)(...)

09/07/2025, 20:31

totoro

Je suis partagé. Je ne vais plus au Hellfest qui est devenu trop cher pour moi, et beaucoup trop peuplé. Pour autant, même si Muse ou Shaka Ponk suscitent le débat, ce n'est pas non plus archi-scandaleux. Les premiers ont toujours eu d'assez grosses guitares d(...)

09/07/2025, 18:22

Jus de cadavre

Je crois qu'il faut accepter que la scène Metal (extrême en particulier) va redevenir underground et invisible pour le profane (et c'est pas pour me déplaire). Le reste - vieux dinosaures des années 80 et jeunes groupes prêt à tout pour quelques l(...)

09/07/2025, 15:34

Jus de cadavre

"la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises"En même temps quand on voit ce que propose les "jeunes" groupes faut pas s'étonner que les gens qui cherchent un peu de qual(...)

09/07/2025, 15:26

DPD

@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.

09/07/2025, 13:52