Sulfuric Disintegration

Of Feather And Bone

13/11/2020

Profound Lore Records

Denver, Colorado, Death Metal, Profound Lore Records. Si avec ça vous croyez encore au Père Noël qui va gentiment vous apporter des cadeaux en passant par une cheminée fraichement ramonée, allez-vous faire bander les pieds comme une danseuse du Bolchoï. Désolé, mais ces indications vous en disent assez pour que vous compreniez que la demi-heure à venir va être des plus éprouvantes, les groupes de Denver n’étant pas les plus complaisants des Etats-Unis. Enfin complaisants, si, d’une certaine façon, dans la violence, chaque musicien local essayant de faire pire que son voisin d’en face, réussissant la plupart du temps à invoquer plus de démons dans sa cave. J’ai toujours accordé ma confiance à Profound Lore Records pour aller dénicher dans le caniveau le nouveau groupe de dépravés à la mode, mais autant dire qu’avec ce troisième longue-durée des marsouins d’OF FEATHER AND BONE, la maison de disques s’est surpassée. Pourtant, rien au départ ne prédisposait ce trio à faire partie des forces les plus vives de la scène Death Metal, leur style de départ évoquant plus volontiers un Punk-Hardcore poussif qu’une imitation crédible de MORBID ANGEL. Mais depuis Bestial Hymns of Perversion, la donne a changé, et le Metal de la mort de ces trois cramés a de quoi rivaliser avec les pires exactions mondiales. Inutile avant d’écouter Sulfuric Disintegration d’espérer un Death fin du colon aux déjections supportables. OF FEATHER AND BONE ne verse pas dans le goudron et les plumes sympathiques et imagées du western, mais plutôt dans l’écorchement intégral du Martyrs de Pascal Laugier. En gros, imaginez plutôt la scène de la baignoire dans Buio Omega de Joe D'Amato, et visualisez cette pauvre victime à la poitrine opulente fondre comme neige au soleil pour avoir une indication précise des sévices qui vous attendent. Et ces derniers font très mal aux oreilles.

Pour faire simple, le trio (Alvino Salcedo - basse/chant, Preston Weippert - batterie et Dave Grant - guitare/chant) synthétise en quelque sorte l’art consommé de valeurs sures comme IMMOLATION, SUFFOCATION, MORBID ANGEL et BOLT THROWER, dont ils multiplient la vitesse et la méchanceté par dix pour obtenir la méthode de massacre la plus efficace qui soit. Leur Death Metal ne pue pas, il empeste la vilénie et la violence la plus crue, celle qui jonche les trottoirs les plus encombrés des cités de violence. Rois du riff prétexte à la débauche de décibels, les américains jouent la carte de l’outrance et de la gravité sans faire semblant, et c’est ce jusque-boutisme qui les rend si indispensables à la scène. Ici, tout est gras et grave, les blasts sont supersoniques, les riffs se mordent la queue, et le chant ressemble à s’y méprendre à une régurgitation instantanée après une overdose de mauvais vin. Pour autant, inutile de vous attendre à une épiphanie de chaos gratuite, puisque le talent d’OF FEATHER AND BONE est justement de rendre audible le bruit, et palpable la douleur. Et si leurs morceaux se ressemblent ostensiblement, ils n’en gardent pas moins chacun leur propre patine, certains éléments de Doom/Death parvenant à se tailler un bout de chemin au travers du charnier.

Six morceaux, trente minutes de chaos, l’opération est parfaite et le résultat absolument terrible et traumatisant. Et c’est après une très courte intro que la bataille commence avec les cris sourds de Salcedo, avant que la mitrailleuse de Weippert ne se mette à cartonner dans toutes les directions. Petits coups de vibrato pour entretenir l’hystérie, glissando sadique pour taillader les chairs, la méthode du groupe est d’usage mais portée à son paroxysme. Aucune respiration pour vous sortir la tête hors de l’eau, et Sulfuric Disintegration ressemble à une apnée en pleine nuit dans un marécage où personne ne vous retrouvera jamais. Enregistré au Juggernaut Audio par Ben Romsdahl, produit, mixé et masterisé par Arthur Rizk, ce troisième album de la bande de Denver n’est rien de moins qu’un manuel précis à l’usage des psychopathes les moins recommandables de la planète, et la bande-son idéale pour un meurtre commis en toute immunité. Même l’artwork confus de Stewart Cole flanqué du logo indéchiffrable accentue cette impression de magma qui grouille sous nos pieds, comme des sables mouvants vous avalant progressivement. Alternant les séquences de vitesse pure et les décélérations à s’en prendre 6G dans la tronche, Sulfuric Disintegration est un modèle de bestialité, le genre de défouloir qui poussera Charles Ingalls à laisser de côté ses buches pour régler son compte à la niaise Caroline.

Et si « Regurgitated Communion » et « Entropic Self Immolation » répondent aux mêmes besoins viscéraux de violence brute et intense, le centre de l’album laisse une autre odeur passer par la fenêtre ouverte, nous laissant humer le parfum délicat d’un marigot débordant de cadavres ou d’une canalisation bouchée par de la cire humaine. On se croirait revenu à l’époque de notre regretté Ed Gein, ou même aux temps glorieux d’Albert Fish, lorsque l’horreur la plus indicible faisait la une des journaux. Toujours aussi performants quand il s’agit de mettre en relief les aspects les plus néfastes de la nature humaine, OF FEATHER AND BONE n’en reste pas moins un ensemble de redoutables techniciens qui savent encore ce que le terme « composer » veut dire. Loin de l’amalgame de plumes et de goudron, leur musique agit comme un acide qui vous ronge les nerfs auditifs, et qui vous laisse sous un déluge d’acouphènes. Et lorsque le cryptique « Noctemnania », avec ses parties lentes dignes d’un ENCOFFINATION vraiment déprimé entre en jeu, on comprend que le cas du trio est sans espoir, et la sentence sans appel. Ne reste plus à « Consecrated And Consumed » qu’à enfoncer le clou, et à « Baptized In Boiling Phlegm » de nous laisser sur une sensation de nausée qu’aucun parfum ne saurait dissiper.

Un album à réserver à la frange la plus dure et barge des fans de Death extrême, mais qui incarne une sorte d’acmé d’intensité que peut peuvent prétendre égaler. La marque des plus grands désaxés.              

                                                                                                                      

Titres de l’album:

01. Regurgitated Communion

02. Entropic Self Immolation

03. Noctemnania

04. Consecrated And Consumed

05. Sulfuric Sodomy (Disintegration Of Christ)

06. Baptized In Boiling Phlegm


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par mortne2001 le 14/01/2021 à 14:45
82 %    949

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
14/01/2021, 20:21:55

Une des baffes de 2020. Y a pas à chier la scène Death Metal nord-américaine a su se renouveler et nous propose des trucs de plus en plus sauvages et violents tout en gardant les pieds dans la tradition. Et ça moi ça me plait !

Excellent.


Buck Dancer
@191.85.174.8
15/01/2021, 00:16:11

100% d'accord avec la chro et Jus de cadavre ! 

Dans mon top 5 de l'année 2020. Du death metal qui se veut transgressif et repoussant, comme à la grande époque. Et moi, ça me mets en joie... 

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Ultra Pute

ok boomer

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Pas trop mal dans l'idée.Vocalement on s'y tromperait aussi.A voir sur tout l'album, le précédent, mis à part l'opener, m'avait bien déçu 

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senior canardo

ça tartine ! bien cool cool cette grosse basse @niquetoncul oui ça doit te changer de Jinjer   

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Prost. Celtic Prost.

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