The Age Of Ephemerality

Bruit ≤

25/04/2025

Pelagic Records

La course au progrès est une fuite en avant où chaque instant est déjà obsolète avant d'être vécu et où le cercle vicieux de la futilité prive le temps de toute valeur transcendante. Toute chose se précipite vers une version 2.0 d'elle-même jusqu'à ce que nos outils menacent de dépasser l'être humain. Tout est assujetti aux lois du profit et les êtres humains, réduits au statut de machines, doivent sans cesse évoluer pour espérer devenir de meilleures versions d'eux même. 

Voilà un postulat diablement intéressant. Si le fond est évidemment concentré sur les obsessions contemporaines, avec le pointage du doigt des technologies qui progressent si rapidement qu’on ne s’en rend même plus compte, c’est un morceau de phrase qui retient toute l’attention :

Les êtres humains, réduits au statut de machines 

Alors que justement, le débat fait rage quant à la suprématie évidente des machines dans un futur proche - certains analystes et scientifiques pariant déjà sur le moment ou l’IA prendra les commandes pour nous renvoyer dans un purgatoire mérité - les toulousains de BRUIT ≤ inversent la donne, et nous transforment en machines, et donc en outils manipulés par la technologie pour parvenir à ses fins. Spéculation, dystopie ou illusion ? Le renversement de situation questionne, et nous renvoie à notre condition d’utilisateurs complètement soumis aux capacités d’algorithmes qui rythment justement notre avis et notre vie.

Une analyse assez pertinente, pour un deuxième album totalement en phase avec son sujet. Alors que The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again accusant quatre ans d’âge est aujourd’hui obsolète, le quatuor composé par Théophile Antolinos (guitares, banjo, tapes, soundscapes), Clément Libes (basse, guitares baritones, violon, orgue, piano, programmation, synthétiseurs modulaires, alto), Luc Blanchot (violoncelle, programmation, synthetiseur) et Julien Aoufi (batterie) continue son update vers une version 3.0 qui n’oublie pas les codages précédents. Ce qu’on aimait chez ce groupe, à savoir sa facilité à passer d’une humeur à une autre, cette capacité à créer des textures qui une fois empilées ressemblaient à des décors high-tech de science-pas-si-fiction, est toujours là, mais de nouveaux éléments ont été pris en compte, notamment en ce qui concerne les techniques d’enregistrement. Ainsi, The Age Of Ephemerality a bénéficié d’une approche très précise et pointue, l’ancien côtoyant le nouveau, et l’analogique le disputant au numérique pour accoucher d’une œuvre unique.

Enregistré dans quatre lieux distincts, cet album superpose des méthodes de production et de composition issues de différentes époques technologiques. Du studio La Tanière à La Soulane en passant par l’ancienne église du Gesu de Toulouse, BRUIT ≤  a expérimenté encore et encore. Sur bandes, sur différents amplis, en passant par de la prise live et autres : le quatuor a poussé la technologie à ses limites en jouant avec une configuration en constante évolution. 


Reprendre la main, et obliger le progrès à accepter le passé pour produire des sons hors du temps, tout aussi modernes que nostalgiques. Un peu comme cette musique, qui joue constamment sur la ligne séparant la lumière des ténèbres, la joie du deuil, le renoncement de l’activisme, et l’amour de la haine. Mais n’allez pas croire que les BRUIT ≤ soient d’affreux jeunes schnocks qui ne jurent que par les amplis Orange et les orgues Hammond. Non, ces quatre musiciens sont au fait de leur époque, mais lui imposent un garde-fou indispensable : toute proposition est acceptable, qu’elle invoque les bandes de trois pouces ou les téraoctets. De fait, The Age Of Ephemerality tente de reproduire en notes et ambiances cette cohabitation rêvée entre l’abandon des rênes et la méfiance objective. On en prend note lors de superbes séquences hollywoodiennes lacrymales qui renvoient le son d’une vie sous-marine taquinée par un sonar virtuel, le groupe procédant par étapes, et proposant des vignettes plus que des sons, et des courts métrages plus que des chansons.

« Techno-Slavery / Vandalism » entre en contradiction avec son appellation et incarne le sublime confronté au dérisoire. Un petit prompt suffit parfois à décrire une situation complexe, alors que le ressenti lui-même se passe complètement de mots. Le côté instrumental de la chose la sert admirablement, les différents niveaux d’intensité se substituant aux grands discours, même si l’argumentaire promotionnel ne fait pas grand mystère des inquiétudes :

Pour ceux qui croient que l'horizon est la perfection et que le techno-solutionnisme est la seule alternative, il est tellement plus réconfortant d'accepter la toute-puissance du monde de demain et de s'évader dans l'avenir, dans un fantasme où nous sommes les seuls dieux créateurs de toute chose innovante. Comme l'argent, la technologie est devenue un outil de prise de pouvoir qui transforme tout ce qu'elle touche en poison. C'est l'intoxication du pouvoir, et l'avenir de l'homme n'est plus qu'une somme d'orgueils connectés pour tenter de cacher un abîme de misère.  

Après du pain et des jeux, des applis et des followers. L’IA se laisse encore manipuler, mais pour combien de temps ? Celui qu’il faut au dantesque « The Intoxication Of Power » pour développer son argumentaire ? Peut-être, ce dernier morceau rappelant le meilleur de Devin Townsend et quelques autres expérimentateurs Post-Metal qui tolèrent le violon, le piano, les strates d’arrangements en arrière-plan, et surtout, le plus important : l’émotion comme seul leader. Cette composition sublime permet à ce deuxième album de baliser son terrain, et de nous avertir sur les risques à venir : la perte de repères, la perte de contrôle, la déshumanisation, et la misanthropie technologique. Sommes-nous prêts à remettre notre destin entre les mains de ces algorithmes qui nous traitent comme des consommateurs décérébrés ? Le sommes-nous ?

Peut-être que pour une fois, l’art réel et tangible nous sauvera la mise, et nous permettra de refuser le diktat des machines. Ou de cohabiter avec elles. N’est-ce pas le propre des espèces ? 

                                                                           

Titres de l’album:

01. Ephemeral

02. Data

03. Progress / Regress

04. Techno-Slavery / Vandalism

05. The Intoxication Of Power


Facebook officiel

Bandcamp officiel

par mortne2001 le 17/04/2025 à 19:45
90 %    147
Derniers articles

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Rodimus

Excellent !!

27/05/2025, 13:11

Ivan Grozny

Cool qu'ils aient signé chez Osmose !

27/05/2025, 12:19

Humungus

J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...

26/05/2025, 07:32

Oliv

Et Avatar lol 

25/05/2025, 20:35

Humungus

Et accompagné de PANTERA !!! !!! !!!

25/05/2025, 07:32

Boomer Killer

@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?

24/05/2025, 07:15

Moshimosher

Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après  plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)

23/05/2025, 19:55

Humungus

Amen.

23/05/2025, 09:41

Jus de cadavre

Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)

22/05/2025, 17:52

RBD

On lui doit bien ça !

22/05/2025, 12:08

Humungus

Y nous en faut des comme ça en ZEP...

21/05/2025, 19:27

Jus de cadavre

Si ce qu'il dit est vrai c'est quand même bien bas comme méthode de "licenciement", surtout venant d'un groupe qui prône ouverture, tolérance et respect à longueur de show (ironiquement par sa propre voix en plus...). 

21/05/2025, 17:13

Moshimosher

J'aime bien ce groupe... c'est dommage que cette collaboration se termine ainsi... En tous cas, faut que je jette une oreille à Downstater...

21/05/2025, 16:13

Gargan

Ses élèves ne doivent pas moufter...   

21/05/2025, 14:31

LeMoustre

Groupe Polack + thrash ! On pense immanquablement a Turbo. Et ici ce n'est pas complétement faux avec un son abrasif et des vocaux bien criards. Pas mal du tout cette affaire

21/05/2025, 07:33

Moshimosher

Euh... si cet uploading particulier ne date que de 2 semaines, le morceau a, quant à lui, été dévoilé le 30 janvier dernier ! (Bon morceau au passage !)

20/05/2025, 22:13

Gargan

'même pas une ref à un film de 1984 ;)

19/05/2025, 10:45

Simony

Yes, c'est en cours de rédaction. Au camping, nous n'avons pas été impacté par l'orage, pas de dégâts en tout cas.Merci à toi de t'être présenté à moi, c'est toujours cool de croiser des pa(...)

17/05/2025, 18:12

Ivan Grozny

Très belle affiche.

17/05/2025, 16:57