On ne peut pas commencer une chronique avec une accroche comme « Le Doom, c’est bath ». Encore moins avec un truc du genre « Le Doom, c’est frais ». Non, le Doom, ça n’est ni bath, ni frais, c’est lourd, pesant, emphatique, ça suinte et ça colle au salpêtre, ça évoque les grottes humides, la misanthropie, les désillusions, le destin fourbe et l’ennui, et ça essaie de le formaliser au détour des sempiternels deux ou trois accords plombés qui généralement se détendent sur sept, huit, ou quatorze minutes, histoire de bien faire comprendre à l’auditeur qu’on est pas là pour les galéjades et autres blagues potaches. Je le concède, je suis toujours resté plus ou moins hermétique au style, même si je peux en apprécier les exagérations. Je n’ai rien contre les litanies plaintives qui occupent toute une face, mais ce genre de grimace a arrêté de me faire peur depuis les premiers SAINT VITUS, TROUBLE, BLACK SABBATH ou…CANDLEMASS. En parlant de CANDLEMASS, j’avais découvert il y a quelques années que Leif Edling avait monté un projet parallèle avec quelques potes aussi enjoués et souriants que lui, AVATARIUM. Peu concerné par le sujet, j’avais écouté d’une oreille distante le premier LP éponyme en 2013, mais je m’étais finalement plus attardé sur le superbe The Girl with the Raven Mask qui m’avait convaincu de l’utilité d’une chronique. J’y avais vu une façon plus nuancée de traiter le Heavy et la solitude instrumentale, et je m’étais répandu en compliments tout à fait justifiés au regard de la qualité de la musique. Aujourd’hui, alors que Leif est plus ou moins retourné dans l’ombre et a laissé les rênes à Marcus Jidell et Jennie-Ann Smith, AVATARIUM montre une nouvelle facette de son visage marqué avec The Fire I Long For, ce quatrième album qui devrait définitivement asseoir sa réputation déjà bien admise. Car il faut le reconnaître, comme beaucoup de leurs homologues nationaux, les suédois ont une intelligence de propos qui leur fait tourner le dos aux convenances les plus solides et autres clichés. Ici le Doom n’est pas une fin en soi, mais une façon d’exprimer des sentiments, et comme le disait avec malice le grand Bjorn Ulvaeus, en Suède, « c’est bon d’être triste ». Et avec de telles chansons dans les oreilles, je comprends parfaitement son point de vue.
Car AVATARIUM est résolument triste dans le fond, mais ni glauque ni déprimant, ce qui en termes de Doom est une composante essentielle. Ici, pas question de tirer sur la corde de mi pour faire sonner le tocsin funèbre. Plutôt de formaliser des émotions, en eau de pluie, de transformer la douleur en catharsis, et de transformer un style périmé depuis les dernières notes de « Black Sabbath » en nouvelle impulsion, plus mélodique, plus appropriable, sans trahir les dogmes d’origine. Ainsi, plutôt que du côté de Birmingham, c’est vers RAINBOW et DIO qu’il faut chercher l’inspiration des suédois, qui parviennent avec un brio bluffant à transposer le lyrisme flamboyant en un crépuscule rougeoyant. Refusant avec créativité de se voir cloisonné dans une petite case trop restrictive mais bien pratique, The Fire I Long For brille de mille feux, alterne les ambiances, ose le catchy et impose le dreamy, et nous offre les morceaux les plus accrocheurs de sa carrière. Comment définir par un autre terme la tempête de glace qui souffle sur « Shake That Demon », qui plonge le « King of Rock n’Roll » de DIO dans un hiver de neige et de nuit éternelle, et qui parvient à réunir l’esprit du lutin malicieux avec le sens du groove de PRISTINE ? Et c’est cette dualité sans contradiction qui a fait d’AVATARIUM l’un des groupes les plus innovants et essentiels de sa génération…Il faut dire qu’avec Marcus Jidell qui tire de sa guitare les motifs les plus profonds, et la voix magnifique et grave de Jennie-Ann Smith (qui parfois est d’un tel mimétisme avec celle de Ronnie James que ça en devient troublant), le groupe bénéficie de deux artistes hors-norme, qui ne se contentent jamais de rester dans leur zone de confort. En témoigne le très ZEP « Great Beyond », et son parfum « Kashmir » très prononcé, comme un pull d’influence qu’on enfile lorsqu’un mois de janvier est un peu trop frais. Au même titre, le tubesque « Rubicon » sonne comme un inédit du DIO de la grande époque repris par un groupe de Stoner évitant le pastiche, et rendant réellement hommage au Heavy Metal noble et chevaleresque. C’est donc un LP ouvert que nous proposent les suédois, et qui confirme la réputation établie par Hurricanes and Halos, désigné album du mois par de nombreuses rédactions. La filiation en est évidente, tout comme la patte du groupe qui s’affine de disque en disque, mais impossible de résister à cette production à la fois hermétique et émotionnelle, signé par Marcus lui-même. Avec trois morceaux co-composés par Leif Edling, The Fire I Long For est donc vraiment le feu auprès duquel on vient se réchauffer, refroidi par la normalité ambiante et la nostalgie toujours plus envahissante.
Il y a pourtant beaucoup de nostalgie dans cet album. La nostalgie d’un temps où tout était encore possible, pourvu qu’on soit sincère et qu’on s’attache à des valeurs de créativité. Ce temps peut être les seventies, la décennie la plus bouillonnante en termes d’innovation et de liberté, mais aussi les eighties, lorsque les genres commençaient à se brouiller et les fans à se mélanger. Un temps où la lourdeur n’était pas encore une figure imposée mais juste un médium pour exprimer la lenteur du temps qui passe lorsqu’on est loin des siens, la tristesse de voir le monde partir à vau-l’eau (« The Fire I Long For », sublime comme du RAINBOW repris par les GRAVEYARD), et la mélancolie d’une époque où les valeurs humaines pouvaient s’accommoder d’un lyrisme grandiloquent, mais pas pompeux pour autant (« Epitaph Of Heroes »). Avec toujours en exergue ces arrangements d’arrière-plan accentuant encore plus la majesté d’un instrumental emphatique, ce traitement vocal légèrement oriental qui accroche les boucles aux arabesques, et cette puissance sous-jacente ridiculisant la concurrence de sa majesté. Car une fois encore, le point fort d’AVATARIUM est de refuser la facilité de longues marches processionnelles pénibles comme un enterrement sans fin, de puiser dans le Gospel, la Soul et le Folk les mélodies fragiles et la sincérité de cœur (« Stars They Move », du cristal en musique et un peu de la Suède dans l’âme), et finalement, de ne pas s’embarrasser d’un principe de passion obsessionnelle pour ne pas s’écarter d’un chemin un peu trop bien tracé. Et la question se pose, d’importance ou pas. Tout ceci est-il encore du Doom au sens où on l’entend depuis quarante ou cinquante ans ? Absolument pas, car en substance, The Fire I Long For n’est rien d’autre qu’une musique superbe, jouée par des musiciens sincères. Une musique certes sombre, mais lumineuse dans le fond, et euphorisante dans la forme. Une musique qui accepte la gravité du piano pour alourdir encore plus les guitares, qui juxtapose l’orgue Hammond et les riffs les plus gras, et surtout, qui n’a pas oublié qu’une bonne chanson doit le rester une fois débarrassée de tout superflu.
Sans parler de chef d’œuvre puisque chaque album pourrait en revendiquer l’appellation, The Fire I Long For est une pierre précieuse de plus à incruster sur la couronne légitimement portée par AVATARIUM. And no one wants to kill the king.
Titres de l’album :
01. Voices
02. Rubicon
03. Lay Me Down
04. Porcelain Skull
05. Shake That Demon
06. Great Beyond
07. The Fire I Long For
08. Epitaph Of Heroes
09. Stars They Move
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25
Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..
06/07/2025, 14:20
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01
Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)
02/07/2025, 15:38
@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.
02/07/2025, 12:25
@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)
02/07/2025, 08:50