Les rééditions, ça a du bon. Je ne vous parle pas de l’énième écrémage de Kill’Em All ou Ride The Lighting en version quadruple vinyle 3D ou de la centième formulation de l’œuvre de JUDAS PRIST en édition collector avec trois morceaux en moins, mais bien d ‘albums essentiels, n’ayant pas forcément bénéficié à l’époque d’un traitement digne de leur rang, tant au niveau sonore que sur le terrain de la promotion.
Alors bien sûr, quelques labels indépendants se sont fait une spécialité de l’exhumation de petites perles d’époque à qui ils offrent un lifting. Entre les Metal Mind, Axe Killer, et autres Divebomb Records, le choix est vaste et les collectors s’amoncèlent. Mais qui s’en plaindrait après tout, puisque les originaux sont depuis longtemps épuisés, et atteignent des sommes de transaction faramineuses sur Ebay et Discogs. J’ai moi-même dépensé des sommes déraisonnables pour les acquérir, alors même que certains passionnés les proposent à des tarifs tout à fait raisonnables.
C’est le cas de nos amis de Southern Lord, Los Angeles, qui s’ils sont d’ordinaire légèrement subjugués par le Doom, le Sludge, le Drone et toutes ces extensions bâtardes hautement pesantes, se permettent de temps à autres d’aller fouiller dans le passé pour y trouver matière à nous enthousiasmer.
Les mecs nous avaient déjà fait le coup de la révérence aux fabuleux EXCEL, en ressortant leur séminal Split Image il y a deux ans, et les voilà qui remettent le couvert avec le classique des classiques du Crossover, The Joke’s On You, paru initialement sur Caroline Records.
Bien joué messieurs, je ne peux que vous féliciter pour votre choix, puisque celui-ci va permettre à la nouvelle génération de découvrir un des groupes les plus authentiques et passionnants du cru, et certainement les plus dignes de ce qu’on a appelé le SoCal Hardcore, ce Hardcore teinté de Metal de Californie du Sud, et Venice plus exactement.
Les EXCEL, ce sont un peu les SUICIDAL des mid eighties. Même choix de ne pas se cantonner au Hardcore et de le confronter au Metal, avec toutefois une créativité plus débordante, les faisant parfois ressembler au reflet déformé de VOIVOD dans un miroir D.R.I.
Contemporains des magiques CRUMBSUCKERS, THE ACCUSED, ATTITUDE ADJUSTEMENT et autres LUDICHRIST (quoique les EXCEL ont émergé quelques années avant), EXCEL était alors à l’époque l’archétype du groupe de Crossover ayant réussi à trouver le juste équilibre entre la sécheresse du Hardcore et l’épaisseur du Metal. Leur groove était inimitable, et ce The Joke’s On You peut incarner sans contestation possible l’acmé de leur art, tant chacune de ses pistes évoquait à merveille l’ambiance californienne de l’époque, bandana vissé sur le front et skate qui poussait au bout des ourlets du pantalon.
Parlons d’abord de l’album lui-même, initialement lâché sur le marché en 1989, alors même que la scène Metal vivait ses deux dernières belles années. En cette fin de décennie faste, le Thrash était alors encore la musique extrême en vogue, même si la source n’allait pas tarder à se tarir sous le désintérêt collectif des tarés lui préférant le Death. 1989 fut l’année de parution de quelques ultimes chefs d’œuvre du cru, dont Fabulous Disaster d’EXODUS, Alice In Hell d’ANNIHILATOR, Beneath The Remains des brésiliens de SEPULTURA ou Agent Orange de SODOM et Extreme Agression des autres allemands de KREATOR n’étaient pas les moindres. Au milieu de ce déferlement de créativité, les petits malins d’EXCEL surent tirer leur épingle du jeu à échelle plus réduite, tout simplement parce que leur deuxième album n’était rien de moins qu’un postulat Crossover définitif, au même titre que le Join The Army des SUICIDAL ou le Powertrip des LUDICHRIST.
Ridiculisant en onze morceaux les crevures d’ACID REIGN et leur pathétique Moshkinstein, ringardisant les dépassés HALLOW’S EVE qui reculaient à force d’avoir peur d’avancer, le quatuor de Venice (Dan Clements – chant, Adam Siegel – guitare, Shaun Ross – basse et Greg Saenz – batterie) proposait alors un mélange de morceaux concis, rapides et efficaces, et de titres plus développés et non dénués d’une indéniable ambition. En gros, leur musique se sevrait à la fontaine de jouvence Thrash tout en prenant soin de garder un peu de l’âpreté de palais Hardcore pour pouvoir cracher de gros glaviots Crossover à la portée assez étendue.
The Joke’s On You était tout sauf une blague à nos dépens, et débordait d’enthousiasme juvénile, à l’image de ce morceau d’ouverture, «Drive », qui unissait dans un même élan la vitesse des riffs de D.R.I et le phrasé coulé et roublard de Mike Muir, en amalgamant le tout d’un enrobage à la WHIPLASH.
Mais loin d’être de gentils crétins allumés à l’essence de térébenthine Hardcore, les californiens se montraient aussi sous un jour flatteur et créatif, en proposant de longs interludes construits en progression, comme le démontrait « I Never Denied », pas si loin d’un Techno-Thrash balbutiant à la D.B.C joué par des MINOR THREAT plus patients que d’habitude (avec une grosse louche du DISCHARGE de « Protest And Survive » sur la fin des couplets).
« The Stranger » ne crachait pas non plus sur un brin de mélodie à la SUICIDAL de How Will I Laugh Tomorrow, en la poussant dans ses derniers retranchements Metal. Une sorte de PRONG éveillé à la conscience sociale de la jeunesse californienne, déçue de la politique de Reagan, et pas encore prête à affronter les années Bush.
Mais EXCEL, malgré toutes ces velléités artistiques, n’en oubliait pas pour autant le fun en route, et livrait une très honorable reprise adolescente de « Message in a Bottle », des années en amont de Robb Flynn. Les quatre branleurs se permettaient aussi quelques syncopes diaboliques sur tapis de groove (« My Thoughts »), et bien évidemment quelques ruées Fastcore euphoriques (« Given Question », « Seeing Insane »).
Cette réédition de The Joke’s On You a bénéficié d’un remastering de Brad Boatright aux Audiosiege studios (POISON IDEA, NAILS), et comprend les douze titres d’origine, y compris « Blaze Some Hate », absent du vinyle d’époque, et présent sur un 7’’ paru sur Caroline Records.
Difficile de juger en mp3 de la pertinence du travail de lifting, mais gageons que tous les passionnés et néophytes vont acquérir l’objet en question, en vente pour la somme dérisoire de dix petits billets verts. Il viendra ainsi rejoindre son grand frère Split Image sur vos étagères de petits thrasheurs, histoire de compléter votre collection de rondelles indispensables, et symptomatiques d’une période où tout était encore possible et envisageable.
Merci donc à Southern Lord pour ce travail plein de respect et d’amour, et qui nous permet de nous replonger dans ces années chéries, dont les EXCEL ont été des acteurs certes mineurs, mais au rôle de grande valeur.
Titres de l'album:
@Gargan exact, oubli impardonnable...Mais que veux-tu, je suis une vieille baderne qui pense que DEEP PURPLE est de la musique de jeunes et que tout est pourri depuis la mort de Roy Orbison. Mais totalement d'accord pour "Whiter Shade of Pale", quel feeling....
30/05/2025, 09:39
Bah tu as oublié la reprise finale de dragon ball par Lisa, question de génération hehe. Je ne connaissais pas tant que ça Paul Gilbert (un peu Mr Big et Racer X, mais pas plus), super bonhomme et musicien incroyable. Enorme panard sur la reprise de Procol Harum.
29/05/2025, 22:28
J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
26/05/2025, 07:32
@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?
24/05/2025, 07:15
Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)
23/05/2025, 19:55
Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)
22/05/2025, 17:52
Si ce qu'il dit est vrai c'est quand même bien bas comme méthode de "licenciement", surtout venant d'un groupe qui prône ouverture, tolérance et respect à longueur de show (ironiquement par sa propre voix en plus...).
21/05/2025, 17:13
J'aime bien ce groupe... c'est dommage que cette collaboration se termine ainsi... En tous cas, faut que je jette une oreille à Downstater...
21/05/2025, 16:13
Groupe Polack + thrash ! On pense immanquablement a Turbo. Et ici ce n'est pas complétement faux avec un son abrasif et des vocaux bien criards. Pas mal du tout cette affaire
21/05/2025, 07:33