Nous vous l’avions annoncé avec tambour de machine à laver et trompettes de la mort sur Metalnews, COUNT RAVEN revenait une fois de plus d’entre les morts pour sortir son sixième album. La nouvelle avait été accueillie avec moult commentaires enthousiastes, et aujourd’hui, c’est l’heure du bilan pour savoir si cet enthousiasme avait sa raison d’être. Après tout, même si un break de douze ans pour un groupe de Doom est l’équivalent d’une pause de quelques minutes pour un groupe de Grind (particulièrement calme au demeurant), le risque de ne plus reconnaître ses héros était grand. Mammons War nous ayant laissés sur des au-revoir magiques mais tragiques, les espoirs étaient grands, et l’attente devenait insupportable. The Sixth Storm allait-il être la réussite tant attendue, ou un faux-pas basé sur des effets de manche et un titre avant-coureur faussement séduisant ?
Je serais tenté de vous dire : comment craindre d’être déçu de la part d’un groupe qui n’a jamais déçu ? Depuis son émergence à la fin des années 80, après avoir battu lentement pavillon STORMWARNING, COUNT RAVEN a aligné les albums impeccables, à commencer par ce séminal et éternel Storm Warning qui les a immédiatement propulsés chefs de file de la nouvelle génération Doom initiée par le CANDLEMASS des années 80. Suite à cette gigantesque et lente entrée en matière, le groupe de Stockholm a enfilé les cranes sur le collier macabre du Doom comme si le style même coulait dans ses veines, et entre Destruction of the Void en 1992 et Mammons War il y a douze ans, aucune erreur n’a été commise, aucune faute de goût, aucun impair. Alors, même si le temps passe et que parfois, les rêves trépassent, certains cauchemars restent les mêmes et ne dévient jamais de leur imagerie. Ainsi, The Sixth Storm, sans aucune surprise, est encore une fois un monument érigé à la grandeur du lyrisme, à la beauté de la nostalgie, à l’amertume de mélodies venues du fond des temps, et plus simplement, l’album de Heavy/Doom de cette fin d’année 2021, et même de l’année tout court.
En étant plus clair, un album de COUNT RAVEN est depuis longtemps un cadeau qui ne se refuse pas, une occasion spéciale, une fête du Doom avec capuches, références prononcées au SAB’, bougies noires et mythologie, lourdeur et mélancolie. Dan "Fodde" Fondelius (guitare/claviers/chant), toujours maitre à bord depuis les débuts n’est sans doute pas le créatif le plus généreux de l’histoire de l’art, mais il ne peint jamais pour ne rien montrer. L’homme est sans doute conscient que seulement trois albums en vingt-cinq ans est une donne moins généreuse que la moyenne pour ses fans, mais il a l’honnêteté de ne jamais bâcler le travail. Entouré depuis 2006 du batteur Jens Bock et depuis 2016 du bassiste Samuel Cornelsen, Dan continue donc tranquillement son travail, ne change pas, garde toujours ces intonations si proches de l’Ozzy des grandes années, et lâche ses riffs les plus francs et les plus ancrés dans la tradition.
Superbement produit pour sonner vintage sans avoir recours à des astuces modernes destinées à maculer old-school ce qui est déjà poussiéreux de nature, The Sixth Storm est une sixième tempête qui ne va pas affoler les compteurs des fans de longue date, mais qui les réjouira au plus haut point de son classicisme nonchalant. En soixante-treize minutes, COUNT RAVEN fait l’état des lieux du Doom traditionnel, y ajoute quelques pierres de taille, et nous propose toujours ces longues litanies animées par un ou deux riffs, un break éventuel, et un minimum de fioritures qui n’ont jamais été indispensables. En tête de gondole de ces hymnes à la lancinance, « The Ending », qui prouve s’il en était besoin que le trio est resté le mètre-étalon du genre depuis sa naissance, mais aussi l’insidieux « The Curse ». Tous deux d’une durée de plus de sept minutes, ils représentent pourtant la face la plus fine de l’iceberg, Dan étant conscient que les pièces les plus conséquentes devaient proposer des idées moins figées. Et c’est ainsi que le Heavy Metal s’est une fois de plus frayé un bon chemin vers la sortie de la caverne sous la forme de l’introductif « Blood Pope », mid-tempo boogie à donner des fourmis dans les jambes d’un cul-de-jatte.
Roulant sur du velours avec ce hit d’entame, le groupe n’a plus dès lors qu’à abattre ses cartes en toute tranquillité. Et même si rien ne ressemble plus à un album de COUNT RAVEN qu’un autre album de COUNT RAVEN, la construction progressive et les quelques évolutions de The Sixth Storm lui permettent d’occuper une place de choix dans la discographie immaculée des suédois.
Cette guitare franche parfois fuzzy, ces déhanchés rythmiques qui nous rappellent sans cesse d’où vient le Heavy Metal, le vrai, tel qu’il était joué à l’orée des eighties et dans les seventies, sans artifices, avec juste ce qu’il faut de puissance pour enterrer la concurrence Rock, ce chant en litanies tranquilles, cette frappe assurée dont chaque coup de caisse claire est mesuré, tout est là pour caresser les fans dans le sens des poils, devenus abondants suite à la non-utilisation du rasoir depuis la disparition du groupe en 2009.
Très intelligemment, Dan a placé quelques intermèdes pour mieux faire passer la pilule, et éviter à ce sixième chapitre de ressembler à un monolithe impénétrable et intraduisible. Ainsi, « Heaven's Door », apaisé et tout en mélodies sincères, nous rappelle que le SAB savait aussi composer un « Planet Caravan » pour montrer son côté sensible. Mais ce sont bien sur ces riffs éléphantesques qu’on recherche dans un album du COUNT, et le plaisir atteint des sommets lorsque celui de « Baltic Storm » résonne. Dépositaires du secret en dix minutes de la salsa la plus lourde du marché, les trois musiciens semblent heureux, et sûrs de la qualité de leur nouveau matériel. Ainsi, « Oden » se propose de revisiter une fois encore la mythologie à grands coups de médiator fermement pincé, et d’une progression mystique à souhait. Haut fait de l’album, ce morceau à tiroir est symptomatique de la démarche du groupe depuis ses débuts, jouer le Doom avec une joie non feinte, mais ne jamais oublier les sensations épidermiques provoquées par un break Heavy plus rapide que la moyenne.
On tombe durant ces onze minutes sur tout ce qui nous a fait aimer le groupe depuis ces trente dernières années. Cette versatilité dans les trajectoires rectilignes, cet amour pour une musique pure, cette dextérité instrumentale humble, et cette connaissance encyclopédique du genre qui permet d‘éviter tous les poncifs et clichés éculés. Le trio tend même un gros majeur à la face de la farce en pilotage automatique en nous laissant en tête à tête avec le magnifique « Goodbye », tout en volutes de piano, et qui permet à Dan de poser sa voix avec émotion. Cet épilogue, corny à souhait aurait pu trouver sa place dans le meilleur des cases solo d’Ozzy, et lâche une larme qui ne manquera pas de couler sur les joues des fans.
Sans fautes, sans tambours ni trompettes, COUNT RAVEN revient s’asseoir sur le trône qui lui revient de droit, et ramène le calme musical après la tempête des attentes. La marque des très grands.
Titres de l’album:
01. Blood Pope
02. The Curse
03. The Nephilims
04. Heaven's Door
05. The Ending
06. The Giver and The Taker
07. Baltic Storm
08. Oden
09. Goodbye
12 ans d'attente putain !!!
"Comment craindre d’être déçu de la part d’un groupe qui n’a jamais déçu"
Alors effectivement, je partais plus que confiant, mais bon... On n'est jamais à l'abri d'un couac même chez un groupe immuable comme eux.
Heureusement pour moi et pour nous, ils n'ont pas failli !
J'écoute cet album en boucle depuis 2 jours... Un must !
Bref, j'me tais... Tout est dans cette superbe chronique... ... ...
Super album ,super chronique ,ça me rappel celle des années 80-90 quand il y avait encore des journalistes de rocks ,ceux qui vont à des concerts qui écoutent un album en entier et pas 30 secondes pour en faire une chronique merdique sur six mois ou un an de boulot , bref un bel album ,en passant un petit bonjour depuis la Belgique ou nous avons une émission rock et metal chaque semaine , Pogo Loco , https://www.facebook.com/PogoLoco48fm
Merci pour cette chronique très fournie, c'est de la belle ouvrage.... Je suis fan de Count Raven depuis le début des années 90, à l'époque je pensais être le seul en France à écouter ça, je commandais leurs disques par la poste chez Hellound Records avec d'autres classiques du genre comme Wretched, Unorthodox, Iron Man et bien sûr Saint Vitus. Encore un bel album de doom old school comme je les aime, même si on n'atteind pas la magie de leur chef-d'oeuvre ultime : High on infinity.
Deafheaven > Black Sabbath d'ailleurs, aucune hésitation. quelle chanson de Black Sabbath atteint le niveau d'intensité de Dream House ?
10/07/2025, 21:43
T'aimes ça hein le cuir et le metal salace, je préfère Patrick Sébastien, je le trouve moins pédé. Le petit bonhomme en mousse on s'en rappelle, ça c'est une chanson qu'on oublie pas, comme ce que te chantais ta maman..
10/07/2025, 21:36
@DPD : putain, cette merde de Chat Pile, de la noise bâtarde gay friendly qui pompe Godflesh et Korn. Et dans un autre post, tu parles de Deafheaven. Mais mec, arrête de donner des leçons et va donc faire une Bun Hay Mean.
10/07/2025, 21:20
Et ce qui s'est fait de marquant question death c'était le dernier Dead Congregation et le surprenant Reign Supreme de Dying Fetus. Et qu'on me parle pas de Blood Incantation tout est impeccable, il y a beaucoup de travail derrière, mais aucune symbiose entre les part(...)
10/07/2025, 15:17
L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)
10/07/2025, 15:09
C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)
10/07/2025, 14:34
@GPTQBCOVJe suis horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)
10/07/2025, 14:16
Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)
10/07/2025, 13:47
Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".
10/07/2025, 13:22
Cela m'espante toujours de voir des festivals complets (ou presque) un an à l'avance sans avoir annoncé aucune tête d'affiche.Le public est devenu très friand des gros festivals. Je pense évidemment à toute cette frange de festivalier(...)
10/07/2025, 12:23
Certains commentaires sont à côté de leur pompes, la grande mode du metalcore c'était il y a quoi ? 20 ans ? la bizarrerie c'est que pas mal de ces gens sont passés au black-metal pour une raison que j'ignore ce qui donne toute cette scene en -post(...)
10/07/2025, 12:04
Ce groupe est une pépite. Je reste encore sous le choc de The Crowning Quietus par exemple !
10/07/2025, 08:38
Et oui le Fall of que c'était dingue mais pas de monde pour pouvoir continuer
09/07/2025, 23:09
Je vais au Hellfest l'année prochaine depuis 2010 et je sais pertinemment que le métal extrême n'y a plus trop sa place et dieu sait que j'adore le black et le death mais je suis fan de musique et musicien avant tout et j'aime aussi cette diversité. (...)
09/07/2025, 23:07
Cette année, j'ai fait le Anthems of Steel et le Courts of Chaos. A l'automne, ce sera probablement le Muscadeath. Les festivals, ce n'est pas ce qui manque. D'ailleurs, plus ils sont passionnants dans la programmation, moins la fréquentation est importante. Biza(...)
09/07/2025, 21:39