The Tower

Bolt Gun

15/09/2023

Avantgarde Music

Les voyages forment la jeunesse. C’est un adage que l’on utilise souvent pour donner l’envie d’un ailleurs qui finalement, n’est pas plus intéressant qu’ici. La planète a déjà révélé tous les trésors qu’elle cachait ou non, et il devient alors inutile de prendre l’avion ou le train pour explorer des contrées déjà usées par les touristes et autres travellers. Le plus simple finalement, est de fermer les yeux, et de dessiner « son » ailleurs, le modeler à sa convenance, le peupler selon ses rêves, et finalement, procéder à une construction onirique assez proche de ce que l’on pouvait voir dans l’Inception de Christopher Nolan.  

Mais les voyages peuvent aussi se faire en musique, et la destination est tout aussi fascinante. Les musiciens ont de tout temps proposé à leurs fans des trips incroyables, induits par la drogue ou plus naturellement l’imagination, et les australiens de BOLT GUN font partie de cette catégorie d’auteurs qui intègrent depuis leur émergence des éléments d’évasion, mais aussi de brutalité froide.

Et le nouveau déplacement proposé par The Tower nous entraîne dans une autre réalité, là où le temps s’écoule différemment, et où les silhouettes traversent un brouillard éternel à la recherche d’une rédemption, ou d’un purgatoire.

Définir l’approche artistique du quatuor austral est tâche ardue. On parle généralement de Black Metal, de Doom, de Post Black, d’Avant-garde, d’Ambient, ou pour faire plus simple et généraliste, de Black Metal expérimental. Mais les étiquettes, aussi vagues soient-elles ne sauraient restreindre la créativité de musiciens qui ont depuis longtemps refusé de se conformer aux normes. De fait, Begotten, lâché en 2020 nous précipitait dans un univers claustrophobe, anxiogène, en assumant ses faux airs d’adaptation de ce film incroyable réalisé en 1989 par E. Elias Merhige.

Ce film, muet, tendu, très contrasté et hermétique, s’est depuis constitué un cult-following impressionnant. Il faut dire que son abstraction et son refus d’une narration conventionnelle en ont fait un objet de désir qu’on fantasme bien avant de l’avoir vu. A la manière d’un David Lynch prenant la caméra sous l’égide d’une admiration pour Alain Resnais, Begotten dessinait des paysages cauchemardesques, utilisait des sons abrasifs, pour déranger, et provoquer un sentiment d’inconfort.

Et finalement, c’est bien The Tower qui se rapproche le plus de sa philosophie absconse.

En cinq morceaux de durée excessive égale, BOLT GUN joue sur les émotions, les cassures, les impulsions, mais aussi l’irritation. En incorporant des éléments de Post-Metal, de Jazz louche, de Rock occulte et de Black sourd et diffus, le quatuor australien tisse une toile nocturne dans laquelle les mouches que nous sommes viennent s’y constituer prisonnières. Nous engluant dans ses fils tendus entre deux murs, notre libre-arbitre perd de son poids, et nous acceptons alors que nos sensations prennent le relai. Inutile donc d’essayer d’expliquer les effets produits par cette situation grotesque, puisque chaque sensibilité projettera ses propres images.

Un gigantesque travail accompli sur le son, les arrangements, cette spontanéité qui souligne l’improvisation permanente, et cette douleur soude qui exsude des pores d’un album sans complaisance, transforment l’expérience en introspection, à la recherche de nos propre démons. Des démons qui ont visage humain, et qui nous ressemblent beaucoup, nous guidant sur le chemin de la contrition, tel un pêcheur portant sa propre croix.

Mais la croix est lourde, si lourde que les épaules finissent par lâcher dans la noirceur d’une nuit sans fin.

On peut évidemment ne pas adhérer au propos. Il est étrange, personnel, obscur et peu rassurant, et loin d’être universel. A la manière d’un NEUROSIS en tandem avec ALCEST, BOLT GUN laisse l’auditeur se faire son propre avis sur la lancinance et l’insistance, mais nous oblige quand même à dresser un bilan de vie. Un bilan de vie qui peut opter pour le statisme, ou au contraire, choisir de s’en aller là où personne ne parle ni ne juge.

Ce disque est donc hypnotique, pénétrant, attirant, et mortellement séduisant. Les idées, largement développées, se reposent souvent sur la confrontation entre de longues digressions mélodiques et de soudains accès de fureur qui surprennent autant qu’ils ne malmènent. Vous l’aurez compris, ici, chaque pas est mesuré, et la destination bien cachée.

Puisqu’elle dépend de votre propre imaginaire.

On ne peut nier que The Tower excelle dans un genre pourtant propice aux bavardages intempestifs ou autres hésitations pénibles. BOLT GUN, entre rêverie éthérée et cauchemar éveillé nous transporte dans une autre dimension, où seules les sensations importent, sans avoir à les identifier. N’étant plus très jeune, il m’est inutile dès lors de former ma jeunesse.

Mais une vieillesse ombragée sous les chênes de la vie me séduit assez. Surtout en si bonne compagnie.              

 

    

Titres de l’album:

01. The Tower

02. The Vulture

03. The Sacred Deer

04. The Scapegoat

05. A Faint Red Glow


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par mortne2001 le 28/11/2023 à 16:44
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