Throes of Joy in the Jaws of Defeatism

Napalm Death

18/09/2020

Century Media

Ils étaient cinq, puis ils étaient trois. Et puis, ils étaient quatre, et puis cinq de nouveau. Et un beau jour, Jesse a décidé de nous lâcher pour aller tout en haut ou tout en bas ou ailleurs, et ils n’étaient plus que quatre. Depuis quelques années, ils ne sont plus que trois sur les photos promo, les garants de la légende. Le dépositaire du secret initial, Shane, le meneur en chef Barney, et le percussionniste infernal Danny. Mitch s’est mis sur le côté depuis quelques années déjà, 2014 je crois, pourtant, la force de frappe du groupe ne fait que gagner en intensité avec les années. Sans nouvelles en studio pour du neuf depuis 2015 et la sortie du monstrueux Apex Predator - Easy Meat, mais le groupe avait eu la bonté de nous gratifier d’un double album bourré d’inédits en 2018, et un Coded Smears and More Uncommon Slurs qui nous avait laissé au tapis avec quelques questions légitimes en tête. Comment un groupe aussi extrême avait-il encore le jus de continuer sa route de dénonciation, et de nous guider sur les chemins de la lucidité avec un disque de fonds de tiroirs capable de rivaliser avec ses meilleurs albums officiels ? Alors, nous attentions la réponse, et elle a fini par venir assez discrètement, via un single lâché en signe avant-coureur d’une colère qui ne s’éteindra dans doute jamais. Logic Ravaged by Brute Force avait mis le feu sur les plateformes sociales, et touché tous ceux se sentant encore concernés par l’extrême, le vrai, celui qui ne fait pas semblant. Et en septembre, alors que les conditions de rentrée des élèves est encore incertaine, s’évaporera la bande-son de l’Armageddon, sous la forme de douze nouveaux titres pour un album à la pochette plus que surprenante. Une colombe, symbole évident d’une paix de plus en plus précaire, malmenée par une main gantée de médecin ou de chercheur évoquant au choix la grippe aviaire ou le récent COVID, mais plus généralement, ces libertés individuelles bafouées par les gouvernements et leurs équipes de scientifiques, les mêmes responsables de l’état catastrophique du monde. Nous ne sommes pas là pour en discuter, mais bien pour savoir si le groupe est toujours en 2020 capable de rester sur son trône de combo le plus légitimement crédible du mouvement de Birmingham. Et la réponse, encore une fois, est d’une lénifiante évidence : oui.

NAPALM DEATH, un nom connoté, chargé d’une lourde responsabilité depuis 1987 et l’énorme déflagration de Scum, que d’aucuns ont immédiatement baptisé Grindcore comme les abrutis des médias affublaient les groupes de Seattle de l’étiquette Grunge sans vraiment d’autre but que de pouvoir identifier sans code-barres. Mais NAPALM DEATH ne joue plus de Grind depuis longtemps, ou seulement par intermittence, lorsqu’il en a besoin pour s’affoler sur la vérité d’un monde pourrissant. Beaucoup pensent que le trio/quatuor n’a plus rien de neuf à dire depuis la sortie d’Order of the Leech en 2002, et qu’il se contente depuis moins de vingt ans de recycler la même idée sur l’intégralité d’une œuvre. Je ne fais évidemment pas partie de ce clan réducteur, et je pense au contraire que le groupe n’a fait que se renouveler dans la stabilité depuis Enemy of the Music Business qui renouait avec les racines Crust. Oh bien sûr, il y a eu non des ratés, mais des redites plus ou moins habiles, mais avec Throes of Joy in the Jaws of Defeatism, ND envoie un énorme uppercut dans la face de la réalité pour nous rappeler deux choses :

  • Rien ne va mieux, au contraire.
  • Le groupe est toujours capable de trouver une troisième voie non diplomatique.

A propos de ce disque, Barney déclare ceci, thématiquement parlant :

« Vous pouviez deviner à l'époque qu'il y avait une peur et une paranoïa qui grandissaient rapidement à propos de tout le monde, des migrants aux personnes à la sexualité différente, et cela commençait à se concrétiser par des réactions très antagonistes, vous pouviez presque toucher du doigt la violence. Bien sûr, tout le monde n'a adopté de telles réactions, mais même le manque de compréhension à la base peut devenir néfaste avec le temps. Je ne dis pas bien sûr qu'il s'agit d'un phénomène nouveau, mais il a été remis au premier plan récemment par certaines personnes particulièrement agressives dans des cercles plus politiques et, comme toujours, j'ai pensé que ce serait l'antidote naturel pour retrouver l'humanité fondamentale et la solidarité envers tout le monde. »

L’homme n’est pas dupe, et comprend son époque comme les esprits les plus ouverts et lucides. Et Barney l’est, comme ses compagnons le sont d’une façon plus musicale. Ce nouvel album, quelque part, rappelle la cassure des années 90 lorsque Mitch entraînait le groupe sur une pente plus Indus, pour satisfaire ses pulsions qu’il épanouissait dans MEATHOOK SEED, et le spectre de Words from the Exit Wound et Inside the Torn Apart pointe le bout de ses itérations sans que les trois albums ne forment une suite logique. En fait, et presque naturellement, Throes of Joy in the Jaws of Defeatism sonne comme une union entre ces deux albums décriés et le petit dernier Apex Predator - Easy Meat, et représente peut-être le pic d’intensité d’une quatrième partie de carrière qui s’annonce déjà passionnante. Travaillant une fois de plus avec leur ancien chauffeur/responsable merch/road tech/guitariste live John Cooke, Barney, Shane et Danny ont depuis quelques années trouvé un nouveau partenaire à la hauteur des attentes de leurs fans et la cohésion de ce nouvel LP frappe les consciences, malgré les nombreuses directions qu’il emprunte. Et si en entame « Fuck The Factoid » rassure les plus classiques et apeurés de l’amour que porte le groupe au Crust, d’autres morceaux au contraire jouent le rebrousse-poil et vont piocher dans le passé du groupe ces sons mécaniques et automatiques qui pourront rebuter les puristes. « Joie De Ne Pas Vivre » pas exemple, au-delà de son clin d’œil frenchy, est une véritable boucherie qui renvoie les CONVERGE dans leurs couches d’enfants souillées par la peur de grandir dans le bruit et la fureur. A contrario, « Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism » assure le lien de ses blasts, mais ne cache pas le fait que la voix de Barney change et qu’elle se trouve plus noyée dans le mix que d’ordinaire. Le disque est long d’ailleurs, le son de basse de Shane a bénéficié d’un traitement de faveur et ne se travestit plus en grondement de tronçonneuse en manque de gasoil, et la batterie de Danny garde le même impact dans les fills incontrôlables.

Mais ce qui ressort le plus clairement de ce nouveau chapitre de l’histoire, c’est cette unité dans la violence qui pousse le volume au maximum de ses possibilités. Comme si NAPALM DEATH était une créature indépendante consciente et lucide, devenue autonome et partenaire à part entière de ses créateurs. On s’en rend compte dans l’intensité des morceaux qui a encore franchi un palier, même si parfois cette intensité empêche de différencier clairement les morceaux. Ce qui ne vous empêchera pas de remarquer le groove incroyable de « Fluxing Of The Muscle » qui nous replonge dans le ND le plus fluide et Indus des nineties, ou la puissance écrasante et moite de « That Curse Of Being In Thrall » qui synthétise le meilleur des anglais et rappelle leur prédominance sur la scène extrême depuis la fin des années 80. Toute cette diatribe se termine sur le type même d’intervention dont seuls Shane, Barney et Danny sont capables, avec un « A Bellyful Of Salt And Spleen », monstre Indus à rendre les SWANS verts de jalousie. Pour être plus clair, Throes of Joy in the Jaws of Defeatism est loin d’être le meilleur album du trio/quatuor, mais comment attendre un sommet après tant d’années de carrière. Il n’en reste pas moins une œuvre surprenante, qui dévie des automatismes du passé, qui confirme que NAPALM DEATH est LA voix de sa génération. Et maintenant, après tant d’années, vous continuez de souffrir, mais vous savez au moins pourquoi.                                                                          

                                                                                

Titres de l’album:

01. Fuck The Factoid

02. Backlash Just Because

03. That Curse Of Being In Thrall

04. Contagion

05. Joie De Ne Pas Vivre

06. Invigorating Clutch

07. Zero Gravitas Chamber

08. Fluxing Of The Muscle

09. Amoral

10. Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism

11. Acting In Gouged Faith

12. A Bellyful Of Salt And Spleen


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par mortne2001 le 15/09/2020 à 16:31
85 %    1212

Commentaires (7) | Ajouter un commentaire


Humungus
membre enregistré
15/09/2020, 23:00:50
!!! !!! !!! AMEN !!! !!! !!!

totoro
@91.164.180.131
16/09/2020, 09:14:04
Du peu que j'en ai entendu, l'album a l'air très bon ! Dommage que n'y soit pas inclus le monstrueux "Logic Ravaged By Brute Force" sorti il y a quelques mois. J'étais resté sur un Napalm Death qui bourrinait à tout va depuis le retour en violence de "Enemy Of The Music Business" et là, je suis content de ce que j'entends, avec des résurgences de "Diatribes", "Inside The Torn Apart" et "Words From The Exit Wounds". J'ai l'impression que Napalm Death a aussi pas mal écouté Killing Joke ces dernières années ! Pour surfer sur quelques commentaires lus ces derniers jours, je ne suis pas un fan ultime de Napalm Death, cependant le groupe garde une place à part dans les groupes que j'apprécie grâce, entre autres, à la personnalité attachante et aux convictions humanistes de Barney, qui reste un observateur avisé, et passionnant à lire, d'un monde qui part en couille !

Living Monstrosity
@83.155.204.94
16/09/2020, 18:36:03
Superbe chro ! j'aime beaucoup le clin d'oeil de la dernière phrase, qui ne peut parler qu'aux fans avisés. :-D
Je crois que ce disque va me faire totalement rechuter dans la Mort au Napalm.

Ce groupe aura vraiment marqué la musique extrême ! Qu'il existe toujours en 2020 est d'ailleurs un cadeau, d'autant que Barney est un personnage d'une rare sensibilité et intelligence. Le groupe a toujours eu un message et des textes forts mais on sent une telle sagesse chez ce type depuis quelques années, c'est vraiment hyper inspirant.

Ce serait vraiment géant que Mitch reprenne la route avec ses compères dans une future tournée, bien que je n'y crois plus. En attendant on ne peut que saluer sa présence et sa patate sur cet album !

Napalm Life !!

Buck Dancer
@191.85.148.92
16/09/2020, 21:27:07
Bon, a écouter d'urgence. Le dernier Napalm que j'ai vraiment aimé est "The code is red...." J'ai écouté les autres moins attentivement, mais celui-ci semble marquer par sa diversité.
Mitch Harris lance un nouveau projet, dont j'ai oublié le nom, avec Dirk Verbeuren.
J'espère qu'il reviendra quand même dans Napalm...

Arioch91
membre enregistré
22/09/2020, 08:56:56

Suis pas très Napalm Death d'habitude mais j'adore le fait qu'en écoutant cet album, la plupart des morceaux s'insinuent rapidement dans la tronche et je me surprend à en avoir en tête certains toute la journée.

A côté, j'ai écouté plusieurs fois le dernier Heathen (autre style ok j'avoue) et rien ne reste ancré dans ma mémoire.

Est-ce un signe qu'un des deux albums me plait énormément et que l'autre va vite finir aux oubliettes ?

Je le pense  :)


RBD
membre enregistré
23/09/2020, 20:24:28

Ce nouveau disque me paraît assez en lien avec le précédent, ils sont différents de l'agréable routine suffisamment variée pour maintenir l'attention qu'ils nous avaient dispensés à rythme serré de 2000 à 2013. Je trouve cet album longtemps attendu étonnamment dense et inspiré, poursuivant dans la veine Indus et en y ajoutant une touche mélodique (heureusement modérée et moins convenue qu'à la fin des années 90). Cela justifie qu'on évoque Killing Joke... qui était dans ses premières années l'une des principales inspirations du Napalm des tous débuts avant "Scum"... étrange retour.


Jefflonger
@92.184.112.115
25/09/2020, 15:02:02

Très  belle chro, album varié et pourtant direct dans le pif

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