CELTIC FROST est à TRIPTYKON ce que WINTER est à GÖDEN.
Pas faux, mais pas entièrement vrai non plus. Je dirais plutôt que WINTER est à GÖDEN ce que HELLHAMMER est à TRIPTYKON, pour être plus proche de la vérité. Mais le débat est-il vraiment pertinent ? Qui a encore envie de lire une hagiographie de Tom Warrior et son influence sur la génération 90 ?
Personne, et surtout pas moi. D’autant que GÖDEN n’a pas besoin d’être comparé à CELTIC FROST ou à TRIPTYKON.
Et même pas à WINTER d’ailleurs.
Alors certes, la présence de Stephen Flam - qui n’a rien à voir avec le capitaine du même nom - peut évoquer les glorieuses et putrides nineties, décennie durant laquelle le Death et le Doom ont commencé à sacrément nous chatouiller. Personne n’a pu oublier l’hiver intense d’Into Darkness, premier et unique album qui a quasiment défini avec dISEMBOWELMENT le côté extrémiste du mouvement. Mais 1990, c’était il y a trente-quatre ans, et aujourd’hui, Stephen s’épanouit en quintet, dans un cadre différent, qui ne partage que deux points communs avec son glorieux passé.
La lancinance, et la gravité.
Mais levons toute ambiguïté. GÖDEN est un concept neuf, à part entière, et partagé entre Stephen et ses lieutenants. Vas Kallas au chant, Tony Pinnisi aux claviers, Jason Frantz à la batterie et Margaret Murphy au violon, pour une direction artistique beaucoup plus ambitieuse. Je peux comprendre que le label Svart Records soit tenté de comparer le travail de Stephen à celui de Thomas dans TRIPTYKON. Mais je pense sincèrement que Vale of the Fallen se rapproche plus de l’ultime album de CELTIC FROST, Monotheist, que du projet suivant de Fischer.
Ceci étant dit, je vous laisse seuls juges.
Immédiatement, on est frappé par la propreté de la production de ce deuxième album. Les riffs, glauques et renfermés sonnent précis, la batterie résonne dans les tympans comme si elle était enregistrée de la pièce à côté. Les claviers, en contre-point, ne sont jamais écrasés ou au contraire trop envahissants. Alors que WINTER se vautrait dans la fange Noisy du Doom/Death le plus cradingue, GÖDEN prône une horreur propre, un statisme clean, une percée plus sophistiquée, et une culture extrême plus triée sur le volet.
« In the Vale of the Fallen », ouverture après intro, ne résume pas le propos. Il en expose certains des arguments, et surtout, impose une ambiance de mort clinique, qui se signale par un électrocardiogramme plat et quelques bips qu’on perçoit du couloir. Pas le genre de trépas qui sent le linceul moisi ou la crypte humide, non, la mort ordinaire que l’on rencontre tous un jour, sans chaos, sans évènement marquant, comme une progression logique et inéluctable.
Mais on peut être fataliste et s’en remettre au destin, et souhaiter voir sa fin sonorisée comme elle le mérite. Et celui de Stephen est justement d’avoir composé des chansons qu’on retient, comme cet « Urania », incroyablement clairvoyant, méritant, et entêtant. Nul besoin de remuer la terre pour en exhumer de vieux cadavres, l’époque que nous traversons en met à jour des centaines. Et ça, GÖDEN l’a très bien compris, et se propose de composer une bande-son pour ère moderne désenchantée et prête pour l’extinction. Du haut de ses sept minutes et quelques, « Black Vortex » recycle un riff unique, sur lequel la voix rauque de Vas Kallas semble s’exténuer au point de frôler l’aphonie. Du Doom comme on l’aime, concentrique, insistant plus que répétitif, et qui aime bien appuyer sur de vieilles plaies pour en faire sortir le reste de pus.
Construit comme un crescendo gothique, Vale of the Fallen se présente sous la forme d’un périple désespéré dans un paysage post-apocalyptique, d’un monde détruit par l’avidité de l’homme et son incapacité de raisonner à long terme, et en termes de communauté. Chacun pour soi, et c’est exactement ce que ces dix morceaux décrivent, avec cette guitare monolithique et intraitable qui reste sur son mètre carré de terrain pour ne pas avoir à subir les assauts de barbares en goguette.
Difficile d’imaginer « Zero » joué pour célébrer une victoire quelconque de la race humaine. A contrario, le violon triste et solitaire de « Requiem » évoque les années perdues, les espoirs torturés, et la solitude la plus lacrymale. Comme dans tout exercice de style, Vale of the Fallen laisse cohabiter l’ombre et la lumière, ce qui est d’ailleurs souligné par les propos mêmes de Stephen qui déclare :
Je me bats pour l’espoir, et je cherche toujours à positiver.
On peut le croire sur parole, ou mettre ses mots en doute. En se basant sur ce nouvel album, l’espoir ne semble guère de mise, ou alors d’une façon très détournée. Et si « Majestic Symphony » (qui fait méchamment penser à « Tristesses de la Lune » de qui-vous-savez…) est une conclusion logique et magistrale, GÖDEN est peut-être alors le nouvel oracle d’infortune que nous attendons.
GÖDEN est à GÖDEN, ce que GÖDEN est à GÖDEN. Pas besoin d’en dire plus.
Titres de l’album :
01. The Divine
02. In the Vale of the Fallen
03. Urania
04. Black Vortex
05. Rings of Saturn
06. Death Magus
07. Zero
08. Manifestation IX
09. Requiem
10. Majestic Symphony
"Qui a encore envie de lire une hagiographie de Tom Warrior et son influence sur la génération 90 ?"
Bah moi...
Plus sérieusement, la comparaison entre HELLHAMMER Vs TRIPTYKON et WINTER Vs GÖDEN est très bien trouvé.
Perso, je préfère de très loin WINTER (indispensable !) à GÖDEN : Trop de violons dans tout ça bon dieu !
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