We Only Came for the Violence

Nocturnal Breed

28/06/2019

Folter Records

J’aime être surpris, mais comme tout homme faible, j’aime aussi être rassuré. Être cajolé par une musique qui me ramène dans le giron de mon adolescence, lorsque tout était encore possible et facile, et que l’avenir se voulait plus prometteur que mon présent. Et pour en retrouver les sensations, il y a toujours la possibilité de se replonger dans les disques d’époque, version CD évidemment, tout en imaginant le bruit du diamant se posant sur les sillons et les légers craquements qui accompagnaient l’intro. Ou alors, de se fondre dans la masse de la mode, et céder aux sirènes de la nostalgie actuelle, et de craquer pour un groupe qui lui aussi aime à être rassuré en jouant un boucan estampillé eighties, juste pour le plaisir de ne pas grandir. Et à ce petit jeu de la régression assumée et contrôlée, beaucoup d’artistes peuvent prétendre avoir touché du doigt la quintessence du flashback, imitant à merveille nos idoles de l’époque, et proposant même parfois des prolongations qui auraient pu prendre vie il y a trente ans, si nos artistes préférés en avaient décidé autrement. On le sait, les rois, les princes, les légendes et mentors de l’exercice viennent souvent des pays nordiques, Suède, Norvège, Danemark, des pays qui dans les années 80 étaient légèrement à la traîne, mais qui depuis ont méchamment comblé leur retard. Et dans le cas des NOCTURNAL BREED, la problématique est plus complexe, le groupe ayant émergé dans les années 90 avec une première démo publiée en 1996 (Raping the Angels), et la seconde en 1997 (Black Cult). Difficile donc de les taxer d’opportunistes, puisqu’ils étaient plus ou moins là avant tous les autres, mais avec un sixième album au compteur, ils font aujourd’hui partie de l’arrière garde belliqueuse du nord, et affirment encore plus leurs positions déjà bien énoncées sur des efforts comme The Tools of the Trade ou Aggressor. Pas vraiment régulier, le quatuor (S. A. Destroyer - basse/chant, Axeman I. Maztor - guitare, Tex Terror - batterie et V. Fineideath - guitare) ne nous avait pas donné signe de vie depuis 2014 et la parution de Napalm Nights, qui avait rassuré, mais pas vraiment transcendé. Il faut dire qu’avec l’explosion en 2007 de Fields of Rot, apparenté à une sorte de Reign in Blood du nord et ses trente-deux minutes corrosives, la barre était placée très haute. Et une fois encore, les norvégiens n’en ont pas dépassé la performance, mais nous enchantent de leur approche unique, en crossover lubrique.

Faisant fi d’une quelconque retenue temporelle, les quatre olibrius nous en reviennent avec cinquante minutes de chaos sous les aisselles, minutes bien tassées en idées qui ne font d’ailleurs que reprendre les précédentes. On ne dévie pas une philosophie qui marche, et ce Blackened Thrash qu’on n’appelait d’ailleurs pas comme ça à l’époque se montre toujours aussi performant et cruel dans son rendu, louvoyant entre Black light, Thrash paillard mais appuyé, Punk pour l’attitude et presque Death dans certaines inflexions, se montrant lui-même inflexible et toujours aussi attaché à des valeurs de simplicité et de violence. Et violent, We Only Came for the Violence l’est, assurément, malgré son titre en forme de clin d’œil au We're Only in It for the Money de Zappa. Moins iconoclastes et lettrés que le maître du Jazz-Rock Wop des sixties et seventies, les originaires d’Oslo que sont les terribles NOCTURNAL BREED n’en ont pas moins une solide culture underground, qui leur permet toujours de citer VENOM, MOTORHEAD, CELTIC FROST, IMPALED NAZARENE, BULLDOZER ou AURA NOIR dans le texte, tout en y insérant des allusions aux DESASTER, NOCTURNAL, SODOM, BATHORY, et WITCHERY, sans perdre de leur individualité. Toujours aussi prompts à varier les ambiances et multiplier les mutations, les norvégiens nous baladent donc d’une sortie nocturne en décor post-apocalyptique à un cheminement plus déhanché au milieu des ruines d’un Heavy Punk vraiment allumé, et nous enchantent de leurs morceaux qui n’ont pas oublié qu’avant d’être provocant, il fallait être accrocheur. Et c’est ainsi qu’ils se lâchent durant de longues minutes sur la fin de l’effort, nous martelant de mid-tempi redoutablement efficaces, à l’image de cette doublette fatale « War-Metal Engine » / « Can't Hold Back the Night ». Ces deux morceaux, plus construits, épais et évolutifs que leurs petits frères d’armes, sont définitivement la preuve que les norvégiens sont plus malins et intelligents que la moyenne, et surtout, de bien meilleurs compositeurs, qui acceptent la compromission d’un Heavy vraiment attachant pour faire passer leur pilule de violence crue dans les tympans. Entre des riffs qui aplatissent, mais avec le sourire, des soli mélodiques et des arrangements finauds qui instaurent une ambiance, We Only Came for the Violence prouve que le groupe n’est pas juste venu foutre le bordel, mais aussi nous prouver que le Heavy Metal sale et graisseux a encore de très belles nuits devant lui.

Cela dit, ne soyez pas effrayé par ces accès de mansuétude, puisque le quatuor n’a certainement pas renoncé à ses penchants les moins avouables, prenant toujours un malin plaisir à mutiler le cadavre de DESTRUCTION pour nourrir les charognards d’AURA NOIR. Ainsi, l’ouverture dramatiquement bordélique de « Choke on Blood » rappelle le pire du meilleur du Thrash italien des années 80 dopé au Punk américain des années 90, tandis que le barbare « Nekrohagel » nous rappelle qu’avant d’être Thrash, le Thrash fut Speed, parfois complètement déjanté, et souvent malmené entre les bonnes mains calées. Les qualités intrinsèques du groupe sont toujours aussi présentes, mais aussi ses petits défauts, avec cette facilité de passer du coq Thrash à l’âne Black sans aucune fluidité dans la transition, mais avec un tel art consommé pour composer des parties qui restent dans le crâne, on leur pardonne tout, surtout si le résultat est aussi probant que ce « We Only Came for the Violence », que Tom Warrior aurait pu chanter dans HELLHAMMER. Et aussi bourrins puissent-ils être, les NOCTURNAL BREED n’en sont pas moins joyeux et attachants dans l’exubérance, des cousins pas si attardés qu’on prend plaisir à retrouver, parce qu’ils ont toujours une bonne blague élaborée à raconter. Certes, ils radotent parfois (« Frozen to the Cross »), mais quand ils s’y mettent vraiment, ils n’hésitent pas à ne pas rentrer dans le rang et à parler plus vite qu’une mitraillette (« Desecrator »). Et sans abuser d’images toutes plus grotesques les unes que les autres, affirmons que ce sixième LP qui se sera fait attendre cinq ans comble le vide du silence laissé, et nous renvoie l’image d’un groupe toujours aussi à l’aise avec son style bâtard, fait de bric Thrash et de broc Black, mais aussi  de gros Heavy qui tâche et qui fâche (« Sharks of the Wehrmacht », du ACCEPT passé à la moulinette RUNNING WILD des premières années, et l’un des meilleurs titres de l’album, dans un style hymne côtier et viril).

Moins immédiat que certaines réalisations passées, mais plus fouillé, We Only Came for the Violence est plus fourbe qu’il n’y parait, et fait preuve d’une certaine maturité. Comme quoi, le cas n’est pas désespéré… 

      

Titres de l’album :

                           1.Iron Winter (Intro)

                           2.Choke on Blood

                           3.Nekrohagel

                           4.We Only Came for the Violence

                           5.Frozen to the Cross

                           6.Desecrator

                           7.Cannibalized by Fear (Intro)

                           8.Sharks of the Wehrmacht

                           9.Limbs of Gehenna

                           10.War-Metal Engine

                           11.Can't Hold Back the Night

                           12.Bless the Whore

                           13.A Million Miles of Trench

Facebook officiel


par mortne2001 le 09/11/2019 à 18:41
82 %    1029

Commentaires (3) | Ajouter un commentaire


Humungus
membre enregistré
09/11/2019, 23:17:38
Dans ma liste des meilleurs albums de l'année...

LeMoustre
@93.4.16.166
10/11/2019, 11:49:26
Tant que ça Humungus ?

Humungus
membre enregistré
10/11/2019, 12:11:58
Carrément.

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Chazz

Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)

17/01/2025, 22:44

Bill BAroud

Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !

17/01/2025, 17:03

Humungus

Le coup de la goutte de résine, ça va me faire la soirée...

17/01/2025, 16:52

senior canardo

2 sisters 1 cup ! haha joli pochette

17/01/2025, 10:02

Seb

J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.

16/01/2025, 18:21

MorbidOM

Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène. 

16/01/2025, 12:15

Jus de cadavre

Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.

16/01/2025, 10:22

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Styx

Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)

15/01/2025, 12:58

Incroyable album

Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)

14/01/2025, 09:27

Humungus

Qui a dit que l'on n'était jamais content ?!

13/01/2025, 08:36

Humungus

Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

13/01/2025, 07:59

Simony

Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)

12/01/2025, 17:38

Humungus

Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)

12/01/2025, 14:27

Benstard

Litany la claque a l'époque. Ce son de grosse caisse du futur.

11/01/2025, 13:35

Buck Dancer

Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.

11/01/2025, 12:16

Capsf1team

Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)

10/01/2025, 09:12

RBD

J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)

09/01/2025, 19:49