Tout comme n’importe quel style musical extrême actuel, le Hardcore subit une mutation depuis quelques années. Exit les accolades simples et autre complicité de pit, exit les riffs bien rock n’roll pour faire bouger les foules, et bonjour le métissage, symbole d’ouverture, mais aussi de densification du propos. Sans parler de Crossover, bien que le principe soit au centre des débats, on peut résolument affirmer que les excroissances classiques de la dégénérescence violente se sont fait une place au cœur des attitudes, et représentent maintenant des composantes essentielles de la brutalité underground. En témoigne des albums qui sortent de semaine en semaine et qui brouillent de plus en plus les pistes, un peu comme si un docteur Frankenstein de l’horreur musicale se livrait à des exactions encore plus condamnables sur les cadavres putrides des idées préconçues d’hier. On parle de Crust, de D-beat, de Mathcore, de Sludge et Sludgecore, de Grind, et le tout est tellement amalgamé dans un creuset d’idées qu’on a beaucoup de mal à faire la différence entre un groupe de Hardcore classique, et un groupe de Metal extrême dans le sens le plus large du terme. Et le premier album de ces originaires de Chicago, Illinois ne nous aidera certainement pas à cloisonner les genres et les approches, puisqu’il utilise lui aussi tous les codes à sa portée pour se montrer plus disert que la moyenne. De là, les questions d’affiliation n’ont plus vraiment d’importance, lorsque la musique parle d’elle-même un langage pluriel, ne menant qu’à une communication possible. La brutalité, la liberté, et la possibilité de s’extirper d’une condition un peu trop figée.
Quatuor typiquement américain qui pourrait se vouloir européen, les NEQUIENT jettent un nouveau pavé dans la mare avec leur premier long Wolves at the Door, qui doit certainement envisager ces mêmes loups comme autant de prédateurs affamés par une crédulité globale leur permettant d’imposer leur esprit de meute. Affichant un palmarès fameux alors même que le plus grand dénominateur commun n’a probablement jamais entendu parler d’eux, les NEQUIENT n’en capitalisent pas pour autant sur quelques noms célèbres pour se faire une place à l’ombre, même si l’aspect technique de leur premier long a de quoi laisser rêveur. Enregistré par Pete Grossmann au Bricktop Recording (WEEKEND NACHOS, IMMORTAL BIRD, DISROTTED) masterisé par le wizard Brad Boatright aux Audiosiege (INTEGRITY, ALL PIGS MUST DIE, FULL OF HELL), et orné d’une pochette signée par M.G. Miller (BONGRIPPER, LORD MANTIS, SICK/TIRED), Wolves at the Door utilise une base de Mathcore et de D-beat pour tisser un canevas de brutalité sonore sans pitié, et signe par la même occasion l’un des manifestes les plus brûlants de cette fin de premier semestre 2018. Chris (batterie), Jason (chant), Keenan (basse) et Pat (guitare) se reposent donc sur une technique instrumentale rodée à l’effort, et leur look d’étudiants en lettres se préparant pour un festival quelconque joue en leur faveur, et accentue l’effet de surprise causé par un LP qui sans vraiment sortir des sentiers battus actuels, nous prend à revers de ses pulsions les plus immédiates. Et si chacun affiche une belle santé à son poste, il convient d’admettre que l’un des quatre acteurs de cette première poussée a de quoi donner des sueurs froides à tous ses compatriotes qui confondent encore percussions et utilisation d’un métronome à tabouret.
Chris Avgerin est le genre de batteur qui permet à ses acolytes de laisser divaguer leur inspiration. Son pouvoir tentaculaire et son souffle sans limite autorisent toutes les figures les plus acrobatiques, les breaks les plus impromptus, les accélérations les moins abordables, et les cassures les plus nettes. Sur certains morceaux, on se demande même si l’improvisation n’est pas de mise, tant les fills semblent remplacer le beat habituellement figé et solide, sans pour autant faire sombrer le navire dans un chaos de raz-de-marée à inonder les côtes Hardcore. Car c’est bien de Hardcore dont il est question ici, mais d’un Hardcore moderne, glauque, surpuissant, sans gêne ni frontières, et qui peut prendre la forme d’un Sludge vraiment maladif ou d’un Grind typiquement névralgique, le tout au sein d’un même contexte sombre et pourtant enivrant (« On The Day Of Execution », l’un des titres les plus progressifs du lot). En partageant son timing entre interventions courtes, lapidaires et parfaitement bruyantes, les NEQUIENT nous font le coup célèbre de la centrifugeuse pour pilotes d’élite, balançant les G pour mieux éprouver notre système nerveux et notre physique lors d’embardées une fois encore menées tambour battant par un Chris Avgerin en totale roue libre sur son kit (« Roi »). Pas étonnant dès lors de trouver le temps très court en leur compagnie, tout en admettant que cette brièveté est justement l’un des atouts les plus remarqués.
Et pour bien marquer cette différence, pour bien prouver qu’ils sont une autre engeance, beaucoup plus véhémente et aux intentions certainement moins complaisantes, les musiciens de l’Illinois nous brossent un portrait d’influences disparates, mais qui gardent en commun ce goût de la provocation extrême. CONVERGE, NAPALM DEATH, AMEBIX, DISFEAR, PIG DESTROYER, DISRUPT, BOTCH, VICTIMS, MELVINS, OBITUARY, EYEHATEGOD, DOOM, SKITSYSTEM, DARKTHRONE, ENTOMBED, BLACK BREATH, NAILS, METALLICA, BECK, autant de noms qui je vous l’assure ne sont pas cités au hasard, et qui couvrent un spectre global d’inspiration concrète. Le Math des DILLINGER en plus, mais en filigrane, la tendance des CONVERGE à manier les nuances avec insistance, la grossièreté brutale des NAILS, l’endémie de la scène Crust/D-beat suédoise, et puis finalement, tous les aspects les plus bruyants et choquants utilisés dans un contexte pas si facile à baliser qu’il n’en a l’air. Alors, on utilise mais on n’abuse pas du feedback, on plombe soudain le climat d’une décélération dantesque et glauque (« Screaming Across The Sky »), on met un joli coup de rein pour s’approcher de la fin (« Blast Beats and Cocaïne »), et on découpe la partition pour mieux la recoller dans un drôle d’unisson dissonant (« Coins For The Ferryman »). Et les loups finalement, finissent par franchir la porte, et rentrer dans une cour intérieure de folie ambiante qui leur fera peur. A moins que nous ne soyons les loups, nous fans d’un Hardcore qui ose piétiner les frontières pour imposer sa liberté. A moins que les loups finalement soient les NEQUIENT. Mais il m’étonnerait beaucoup que ces jeunes gens prennent la peine de frapper à une porte quelconque. Non, ils préfèrent les enfoncer, comme les idées reçues.
Titres de l’album:
1.Scorcher
2.ROI
3.Cult of Ignorance
4.Screaming Across the Sky
5.Mammon and Moloch
6.Cat’s Cradle
7.On the Day of Execution
8.Kakistocracy
9.Blast Beats and Cocaine
10.Coins for the Ferryman
11.The Devil’s Party
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