Agony

Afraid Of Destiny

21/04/2017

Razed Soul Productions

Je me dois de le reconnaître, je ne suis pas coutumier de la chose DBM. J’aime le BM pour sa crudité, sa violence, mais dès lors qu’il module et mélodise, je trouve son impact amoindri. Pourtant, les plus grands groupes du cru ont toujours trouvé le moyen d’injecter des harmonies dans leur agressivité fatale, et des albums comme Storm Of The Lights Bane restent pour moi des acmés de métissage entre noirceur de ténèbres et lumières blafardes.

Alors pourquoi ne pas se laisser séduire par les envolées vénéneuses d’un genre qui a érigé la beauté comme contrepoint parfait de la laideur, et s’obstine à trouver de la mélancolie dans le nihilisme et le refus de l’autre ?

Il me fallait donc prendre un exemple pour essayer d’entamer une thérapie de réconciliation, sans vraiment savoir si cet exemple allait être le bon.

Après tout, mes connaissances sur le sujet étant fort limitées, autant me laisser guider par le hasard et traiter du cas du projet AFRAID OF DESTINY, qui avec Agony nous offre donc son second longue-durée, quatre ans après Tears Of Solitude, qui comme vous vous en doutez, portait très bien son nom. L’agonie donc, celle proposée pendant près de cinquante minutes par R.F. (chant) et Adimere (instruments, composition, paroles), multi-instrumentiste qui depuis sa Démo 2013 a composé bon nombre d’œuvres, dont plusieurs splits, EP, et singles, disséminés sur quatre années.

Quelle est donc cette souffrance que le groupe/duo italien nous étale sur les huit morceaux de son second LP ? Une souffrance tangible, palpable, s’exprimant au travers de longues plages de solitude musicale romantico-morbide ? Une sècheresse de son se nourrissant de l’absence de larmes ? Des envolées synthétiques soutenues par une rythmique purement BM, mais plombées par des riffs noirs comme la nuit, avec en renfort quelques arrangements vénéneux et venteux, comme l’exige le style ?

Un peu tout ça à la fois, et surtout, une image d’Epinal qui correspond tout à fait à celle que l’on imagine dès lors qu’on raisonne en termes de Depressive Black Metal. Une douleur intérieure qui cogne sur les tempes, et qui ressurgit nuit après nuit, au point de former une lente et longue litanie de torture morale. Toutefois, les AFRAID OF DESTINY ne sont pas les plus extrêmes dans leur créneau, même si leur obstination à développer des plans qui s’étirent en longueur ne leur permet pas une liberté de mouvement et d’esprit totale. Lenteur de tempo, guitare qui se fixe en hypnotisme sur un mantra qui tourne en boucle pendant de longues secondes, voire minutes, et chant qui s’égosille du plus profond de son âme qui saigne, telle est l’explication de la peine personnelle selon Adimere, qui depuis le début de sa carrière n’a pas vraiment dévié de sa trajectoire initiale.

Personnaliser la souffrance en musique, mutiler la nostalgie de hurlements perçants, et donner au destin un tempo résigné, pour en exprimer toute l’inéluctabilité.

Dès lors, quel est l’intérêt majeur d’Agony, en tant qu’album de musique tout d’abord, et d’album de DBM à forte connotation mélodique ensuite ?

Son intérêt se cache surtout en cet équilibre qu’il a su nous offrir entre plainte cathartique et violence en écho. Equilibre qui se manifeste dans une opposition de couplets et breaks, qui manipulent les aspects les plus symptomatiques du BM, tout en les adaptant à un cadre bien précis.

On ne va pas se la jouer, la plupart du temps – lorsqu’on est hermétique au genre – tous les morceaux se ressemblent, et ont des airs de crise existentielle d’ado qui découvre que ses parents ne lui offriront pas le scooter de ses rêves pour son anniversaire. Les AFRAID OF DESTINY, sans non plus se montrer trop hétéroclites parviennent à varier les approches, sans pour autant dénaturer leur propos.

Le parangon de cette affirmation se cachant d’ailleurs dans les presque neuf minutes du majestueux et ample « Autumn Equinox », qui se rapproche d’un BM traditionnel et écorché, sans pour autant se départir des prétentions harmoniques dépressives inévitables.  

D’un autre côté, l’extensible et épique « Rain, Scars, and the Climb » prouve que le créneau a bien plus à offrir que de longues complaintes stériles et contemplatives, ce que démontre à merveille son intro d’arpèges cristallins comme des gouttes de pluie sur la vitre d’une maison triste. Onze longues minutes de crescendo progressif, qui nous rappelle les plus grandes références du genre, et qui osent proposer quelque chose d’un peu différent, presque accrocheur dans ses motifs, et éminemment séduisant dans son interprétation.  

Le talent d’Adimere pour composer des thèmes mémorisables est indéniable, et l’écho funèbre offert par les parties de chant de R.F. en contrepoint apportent cette touche de tristesse et de souffrance que des mélodies pourtant généreuses n’arrivent pas à apaiser.

Et lorsque la rythmique se veut plus appuyée et processionnelle, nous nous heurtons à un mur de résignation, construit des briques agencées de « Hatred Towards Myself », qui contredit tous les clichés de son appellation pour se frotter à un Doom introspectif et mélancolique, quoique proche d’une agonie létale.

Le diptyque « A Journey Into Nothingness » a largement de quoi contenter les fans de ses reflets positifs/négatifs, tandis que le voyage conclusif « Into The Darkness » nous baigne de ténèbres pourtant presque accueillantes, avec une fois encore de petits licks qui pénètrent l’âme pour la convaincre de la futilité de l’existence. Nuancier très intelligent qui de sa palette opposée nous fait plonger dans les abysses de l’auto-analyse et des scarifications émotionnelles, c’est surtout un titre qui rebondit sur des passages assez terrifiants de puissance, proche de l’Ambient le plus opaque, sans tomber dans le piège de l’errance instrumentale.

En conclusion, AFRAID OF DESTINY nous livre sur un plateau une excellente reprise du « Sweet Illness Of Mine » des LIFELOVER, pour un ultime écho Post-Wave adapté BM, nous laissant sur une impression douce-amère, qui finalement, aura été le fil conducteur d’un album décidément très pertinent.

Difficile de savoir si Agony attirera dans ses filets les réfractaires les plus assumés à la cause DBM, mais il a les armes pour prendre dans ses filets quelques cœurs perdus en quête d’absolution harmonique. En ne réfutant pas les principes les plus élémentaires du BM, mais en les transfigurant de mélodies inhérentes à son crédo, il parvient à faire avancer les choses, et surtout, à proposer des titres qui ne se contentent pas de rabâcher le sempiternel message de complaisance.

Ce qui en soi, est déjà une sacrée réussite.

Souffrir oui, mourir inévitablement, mais vivre aussi. Au moins un peu.


Titres de l'album:

  1. Intro
  2. A Journey into Nothingness (Part 1)
  3. A Journey into Nothingness (Part 2)
  4. ain, Scars, and the Climb
  5. Autumn Equinox (Ft. Atom Krieg)
  6. Hatred Towards Myself
  7. Into the Darkness
  8. Sweet Illness of Mine (Lifelover cover)

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 11/08/2017 à 17:55
75 %    1117

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Midnight + Cyclone + High Command // Paris

Mold_Putrefaction 24/04/2024

Live Report

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Chemikill

Suicidal Tendencies, Sepultura, Slipknot... la tournante improbable... ça ferait un bon poisson d'avril, mais c'est vrai....

27/04/2024, 14:11

roulure

true norwegian roue libre

26/04/2024, 13:40

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Humungus

Putain !Si j'avais été au jus de cette date, j'aurai fait le déplacement boudiou...Pis je vois que tu causes de BARABBAS à Nancy ?!Et c'est... ... ... Ce soir.Re-Putain !

25/04/2024, 13:28

Tut tut!

25/04/2024, 12:44

Gargan

ça me fait penser à moi ivre mort parodiant Maurice Bejart, sur fond de Stravinski. Plus glucose, tu meurs. Mauriiiiice !

25/04/2024, 10:28

DPD

Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.

24/04/2024, 14:26

RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54