Anosognosia

Korsakov

11/04/2025

Source Atone Records

Une petite mise au clair avant d’aller plus loin, pour planter le décor et les thématiques :

Le syndrome de Korsakoff (ou syndrome amnésique avec fabulations ou psychose de Korsakoff ou démence de Korsakoff) est un trouble neurologique d'origine multifactorielle dont une carence en thiamine (vitamine B1) au niveau du cerveau. Il se manifeste par des troubles neurologiques notamment de la cognition (amnésie). 

Voilà. Vous savez maintenant dans quel monde vous allez vous immerger, via ce deuxième album distribué par les spécialistes de Source Atone. A (instrumentation et arrangements), et E (chant et arrangements), deux frères de mère différente, propose avec ce second long une nouvelle exploration de la pathologie mentale, et cette capacité à nier l’évidence en pensant le faux vrai. On en revient au sempiternel : sait-on qu’on est fou quand on est fou, mais dans un registre plus scientifique et d’un ressenti moins trivial. Quatre années après Погружать, le duo de Lille revient sans changement fondamental, et nous éclaire sur une condition peu enviable, qui consister à refuser un état pour se penser totalement sain. La musique est-elle aussi biaisée que le concept ? Pas tout à fait, mais elle plonge dans le marasme d’un déni que nous éprouvons tous à un certain degré.

Dans un registre assez âpre et violent, KORSAKOV occupe une place à part dans la production actuelle. Fondamentalement Black Metal, mais aussi porté sur la nostalgie et les longues plages contemplatives, le duo se propose de fouiller dans les archives pour y trouver des informations à recycler. Le genre d’élan créatif que l’on retrouve d’ordinaire chez les poulains des Acteurs de L’ombre, avec lesquels KORSAKOV entretient des liens étroits : affranchissement des règles, liberté de ton, pluralité de l’inspiration, et juxtaposition beauté/laideur, passé/présent, lucidité/altération des sens. Tout ceci, et bin plus encore, est perceptible dès le premier chapitre de cet album, mais encore plus évident sur « VIII », le premier pivot.

Le groupe en dit ceci :

VIII représente en tout point ce que peut être la musique de KORSAKOV. Par nature saturée et agressive, elle peut aussi faire une large place à la mélancolie et à la contemplation. Appuyé par une production plus aérée que pour le précédent disque, il est la fondation de l’album Anosognosia. 


La mémoire, centre des obsessions, est donc le point de focalisation d’un tandem qui refuse de s’arrêter là où un autre sous-genre nait. Entre pulsions Blackgaze, envolées abruptes et symptomatiques du Black Metal le plus acrimonieux, Anosognosia joue avec les souvenirs comme Alzheimer avec les faits, brouille les pistes de ses déviances, et séduit de cette pluralité qui évite l’écueil du bloc incompressible, tout en ne sombrant pas dans l’élitisme déplacé. Le thème étant assez populaire - la mémoire étant au centre de bien des débats - les fans d’une musique riche et brutale se sentiront concernés par cette fixation sur le rangement cérébral, qui un jour pâtit d’une organisation affaiblie. Ce moment où la réalité et le fantasme se battent bec et ongles pour prendre possession d’un esprit usé. Cette bataille est formidablement bien retranscrite par « IX », qui en moins de cinq minutes laisse se battre un BM musclé et un Shoegaze/Post Black, imprimant la trademark du groupe en filigrane sur votre cerveau embrumé par des années de laisser aller.

Sans vouloir survendre un produit déjà compétitif, j’affirme que ce deuxième longue-durée est l’affirmation d’un caractère particulier, qui n’accepte aucune concession. Le BM étant l’un des styles les plus libres de l’extrême, KORSAKOV joue avec les limites de ce qui est tolérable, et pond un chapitre sinon essentiel, du moins d’importance. On s’en rend compte au fur et à mesure que le tracklisting égrène ses litanies, avec des pics d’intensité sur le lapidaire « XI », l’une des attaques les plus franches du répertoire.

Les duettistes ont souhaité une production plus claire et ample. Le son est donc travaillé, et les fréquences se détachent les unes des autres avec facilité. « XII » en profite au maximum, en utilisant les riffs les plus acides et un down tempo lourd de sens. On imagine sans peine l’altération de la lucidité affectant des patients inconscients de leur état, et qui se comprennent malades sans vraiment saisir l’origine de leur pathologie. Cette fameuse mémoire qui nous joue parfois des tours, et qui va en diminuant avec l’âge. Elle nous transforme tous en livres ouverts truffés d’incohérence et aux personnages flous, et nous condamne à nous raccrocher aux évidences. Qui ne le restent pas longtemps.

KORSAKOV propose une fin d’album ambitieuses, avec deux morceaux étirés, mais se permet jusqu’au dernier moment d’ajouter des idées et des gimmicks, comme cette basse parcimonieuse sur l’intro de « XIII ». Immergé dans ses intérêts, le groupe en oublie un quelconque ancrage, et pose un diagnostic fatal : ce qui a été n’est plus.

Stimulant les neurones par une succession d’électrochocs musicaux, Anosognosia aimerait remettre les choses en place, et permettre d’entrevoir la réalité sans filtre. >Mais les mécanismes cognitifs étant ce qu’ils sont, on ne peut guère réécrire ce qui a été effacé. Ou occulté. Ou remisé. On se contente d’écrire sur une page qui se blanchit, l’encre séchant comme le sang s’écoulant d’une vilaine blessure.

Et si la plume est plus forte que l’épée, l’oubli est plus puissant que les souvenirs.         

                                                                                  

Titres de l’album:

01. VII

02. VIII

03. IX

04. X

05. XI

06. XII

07. XIII


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 06/04/2025 à 17:01
80 %    315
Derniers articles

Defeated Sanity + HM 2

RBD 09/07/2025

Live Report

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Seb

Excellent ce morceau !!

12/07/2025, 19:15

metalrunner

Beau boulot vite du live

12/07/2025, 18:25

LeMoustre

Le troll DPD (quel beau nom !) en tête de gondole dans la fosse. Comment c'est possible ça genre de gus ?

11/07/2025, 13:36

LeMoustre

Mdr y'en a qui ont un niveau de goûts musicaux digne de la fosse des Mariannes. JPP de lol quand je lis ça Tout est dit.

11/07/2025, 13:34

LeMoustre

@Humungus : mdr. On s'est compris.@Buckdancer : oui j'imagine que tu as raison 

11/07/2025, 13:32

MorbidOM

Un troll sur metalnews.fr c'est comme un exibitioniste dans le désert, il peut arriver à capter l'attention de quelqu'un de temps en temps mais tu sens que niveau stratégie c'est pas optimal. 

11/07/2025, 13:28

LeMoustre

Le Hellfest n'est plus qu'un fest mainstreem comme tant d'autres et n'a plus rien à voir avec ses origines.Le nombre de blaireaux au M2 y est devenu affolant au point qu'il n'y a que ça.Pour ma part, je préfère aller dans les(...)

11/07/2025, 12:42

Humungus

Je pense que là, tout est dit... ... ...

11/07/2025, 10:01

DPD

Deafheaven > Black Sabbath d'ailleurs, aucune hésitation. quelle chanson de Black Sabbath atteint le niveau d'intensité de Dream House ?

10/07/2025, 21:43

DPD

T'aimes ça hein le cuir et le metal salace, je préfère Patrick Sébastien, je le trouve moins pédé. Le petit bonhomme en mousse on s'en rappelle, ça c'est une chanson qu'on oublie pas, comme ce que te chantais ta maman..

10/07/2025, 21:36

DPD

Désoler si j'en ai rien à foutre du dernier groupe Brésiliens de war metal.

10/07/2025, 21:29

Alain Akbar

@DPD : putain, cette merde de Chat Pile, de la noise bâtarde gay friendly qui pompe Godflesh et Korn. Et dans un autre post, tu parles de Deafheaven. Mais mec, arrête de donner des leçons et va donc faire une Bun Hay Mean.

10/07/2025, 21:20

DPD

Et ce qui s'est fait de marquant question death c'était le dernier Dead Congregation et le surprenant Reign Supreme de Dying Fetus. Et qu'on me parle pas de Blood Incantation tout est impeccable, il y a beaucoup de travail derrière, mais aucune symbiose entre les part(...)

10/07/2025, 15:17

DPD

L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)

10/07/2025, 15:09

Ivan Grozny

Oui très bon groupe, je recommande également !

10/07/2025, 14:36

Ivan Grozny

C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)

10/07/2025, 14:34

DPD

Sinon j'aime beaucoup Chat Pile comme groupe récent.

10/07/2025, 14:27

DPD

@GPTQBCOVJe suis  horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)

10/07/2025, 14:16

DPD

Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)

10/07/2025, 13:47

Humungus

Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".

10/07/2025, 13:22