Cet EP ambiant est conçu comme une virgule entre notre premier album et le prochain, une parenthèse dans la course folle de notre monde. C’est une invitation à perdre son temps, comme si ralentir était la plus grande des urgences. 

BRUIT ≤ pose une problématique importante : dans un monde régit par l’immédiateté et la vitesse de l’information, est-il encore possible de perdre son temps pour le gagner ? Ne doit-on pas s’éloigner de ce flux binaire d’images, de sons, de mots, qui nous donnent l’illusion d’en savoir toujours plus et de maîtriser le temps, alors même que nous le perdons pour des choses qui sont finalement futiles au regard d’une existence globale. On connaît le refrain populaire « métro, boulot, dodo », on déplore encore son acuité et sa pertinence, mais alors, comment faire pour arrêter les horloges et profiter un peu de plaisirs moins fugaces pour ne pas perdre le peu d’illusions et d’envies qui nous restent ?

BRUIT ≤ a justement trouvé sa propre réponse, qu’il expose sur ce deuxième EP.

Dans ce tourbillon frénétique il nous a semblé essentiel de trouver des moments pour s’arrêter, méditer, prendre du recul. Ces méditations musicales prennent la forme d’un EP ambiant dans lequel nous avons pu explorer librement l’idée de créer une musique refuge.

C’est une chance, ne le nions pas, puisque la majorité des gens n’ont pas ce luxe, et doivent vivre à la vitesse de la lumière eu égard à un nombre d’obligations de plus en plus conséquent. Mais s’il paraît impossible de s’offrir un long break ou une année sabbatique, un court instant de rêverie, un point effectué l’esprit désembué sont toujours possibles, histoire que le sable ne glisse pas trop rapidement entre nos doigts. Et Apologie du Temps Perdu semble la méditation idéale en ces temps troublés d’égoïsme, d’égocentrisme et de consumérisme effréné le confinant à l’obsession.

Apologie du Temps Perdu c’est un peu la rencontre entre A la Recherche du Temps Perdu de Proust, et 5 Minutes par Jour pour Lâcher Prise de Cécile Neuville. De l’onirique pragmatique, du rêveur lucide - comme le groupe le dit lui-même - et une saine façon de ne pas rester au bord de la route en regardant passer sa vie. Etre l’acteur de sa propre réflexion, et s’autoriser une parenthèse salvatrice avant qu’il ne soit trop tard. Pour donner corps en sons à ce concept, Theophile Antolinos (guitare/boucles), Clément Libes (violon/alto/claviers/basse), Julien Aoufi (batterie) et Luc Blanchot (violoncelle) ont utilisé des méthodes assez peu orthodoxes, qu’ils expliquent avec un désir de banaliser la création pour la rendre compréhensible par tous.

Dans "la Sagesse de nos Aïeux", la composition s'est déroulée 100% sur papier comme un hommage à la musique de nos ancêtres, puis enregistrée et mixée sur un vieux magnéto à bande. Nous avons ensuite ralenti la bande pour donner ce sont lent et grave qui semble comme fossilisé. 

En résulte un instrumental délicatement patiné à l’encaustique, une image/souvenir revenant à la vie, ou un score de film ancien joué par un orchestre moderne. Les cordes prédominantes accentuent la sensation de nostalgie qui embrume les yeux, tandis que les harmonies classiques nous éveillent aux temps anciens, là où le temps avait une signification particulière, et pouvait se suspendre l’espace d’une après-midi ou d’une soirée passée à se raconter de vieilles histoires de famille.

Dans "Rêveur Lucide" nous avons d’abord enregistré une improvisation guitare/basse sur un portastudio cassette 4 pistes des années 90. C’est la base de tout le morceau, qui est ensuite découpé traité et organisé sur logiciel puis réinjecté dans des synthétiseurs et autres traitements plus actuels. 

Bands inversées, bruitages divers, pour une sortie de flashback sans ancrage précis, un retour en arrière vers des valeurs plus essentielles, et un onirisme de surface qui cache une belle lucidité contemporaine. Le temps file, coule, s’échappe, et il ne tient qu’à nous de le retenir en l’apprivoisant, et en contemplant l’avenir avec plus de sérénité que de craintes.    

Sur "les Temps Perdus" nous avons travaillé sur partitions pour les synthétiseurs et les cordes et en improvisation pour le piano, les guitares basse et la batterie. Nous avons créé des textures à l’aide d’un vieux delay à bande Roland

Encore une fois, les notes se dispersent sans hâte, et l’espace sonore accepte le vide que la nature rejette, pour nous laisser évoluer sur une ligne temporelle non brisée, mais aménagée pour ne pas être suivie bêtement et sans but.

Pour une petite parenthèse, Apologie du Temps Perdu est une œuvre d‘importance, qui ouvrira peut-être les yeux à certains d’entre nous. Car vaut-il mieux vivre en s’accrochant à chaque minute, ou en oublier quelques-unes pour faire le point et s’offrir un peu de sérénité ? Je pense avoir trouvé ma réponse à cette question. Mais en consacrer à un groupe si créatif est tout sauf une perte de temps.

Titres de l’album :

01. La Sagesse de nos Aïeux

02. Rêveur Lucide

03. Les Temps Perdus

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