Evidemment, quand on creuse des tombes, on finit par tomber sur un os. Plusieurs même. De quoi se faire un beau collier, ou une sculpture plus ou moins figurative, quelque part en Allemagne, l’autre pays du faux mage. Mais les GRAVE DIGGER connaissent leur boulot. Il faut dire que ce groupe d’acier n’a pas vu le jour hier, mais bien en 1980, ce qui en fait l’un des plus anciens représentants encore en activité. En mettant de côté la parenthèse malheureuse DIGGER, qui les avait transformés en canards avides de succès coin-coin, les GD ont toujours été les défenseurs d’une forme très pure de Heavy Metal, devenu Power avec le temps.
Pour leur vingt-et-unième album, les allemands n’ont pas fait dans le détail ou l’excentricité. Toujours soutenu par le label grec RPM ROAR, le quatuor (Chris Boltendahl - chant, Jens Becker - basse, Marcus Kniep - batterie/claviers et Tobias Kersting - guitare, depuis l’année dernière), toujours en forme et passant en force, le groupe mené de front et de voix de fer par Chris Boltendahl ne se pose guère de questions inutiles, et continue de jouer ce qu’il sait faire de mieux. Un Metal franc du collier, dont les fans outre-Rhin raffolent comme les français du pain, agressif, pugnace, irascible, et généreux à la fois. Rien de surprenant donc, pour un disque qui aurait pu être enregistré dans les nineties, avec une production over the top, des tics de langage des années 80, et une cohésion globale d’acier.
Pour la faire courte : lorsqu’on écoute GRAVE DIGGER, on sait exactement ce qu’on veut entendre. En l’occurrence, les onze morceaux de Bone Collector, plus proches d’ACCEPT et PRIMAL FEAR que du film éponyme avec Denzel Washington. Du gros Metal qui sent les pirates et le rhum, RUNNING WILD et l’écurie Noise, les premières années cloutées de la FWOGHM, HELLOWEEN, j’en passe et des plus ou moins évidents. Ce nouvel album tombe donc à pic pour nous rappeler que l’Allemagne a toujours été le pays le plus fidèle au Metal, et qu’il continue de l’être aujourd’hui. Et pour remercier leurs concitoyens, les GRAVE DIGGER leur servent encore bouillantes des chansons plaisantes, entre ruée et station prolongée, entre riffs plaqués et mélodies Folk qui se boivent comme du petit lait.
Et lorsque déboule le title-track, tout simplement posé en ouverture, les choses sont claires et le débat déjà clos. Le quatuor n’a pas l’intention de laisser la vapeur s’échapper, et continue de frapper là où ça fait du bien. Dans les reins.
Telle une locomotive pleine bourre chargée de cartouchières, de bracelets cloutés, de badges et de dossards, Bone Collector fonce sur les rails de sa confiance, en affichant une température étouffante. Alors, évidemment, il faut avoir un certain seuil de résistance aux clichés les plus ancrés dans la culture germaine d’un Metal à la graine, mais jamais à la traîne. Se basant sur son passé plus ou moins glorieux, le quintet louvoie entre tempo excité et binaire pilonné, pour nous rappeler que le Heavy de son pays reste intact et non édulcoré. On peut trouver ça too much, un peu exagéré, un poil autopiloté, mais il est impossible de remettre en cause la foi de musiciens au service de leur art depuis de très longues années.
J’en conviens, les titres des morceaux, la pochette, tout sonne passéiste, mais tel est le but de l’opération. Et si un vétéran comme GRAVE DIGGER ne peut pas jouer sur la corde sensible old-school, alors personne ne peut se le permettre. Ce qui nous donne des choses fédératrices, comme ce plombé et rauque « Riders Of Doom », hymne lourd parmi les hymnes, ou « The Rich The Poor The Dying », rapide, incisif et sans pitié.
Le tracklisting 2025 est donc solide, au moins autant que celui de 2022, et si les surprises sont aussi nombreuses que les volontaires pour faire des heures sup, la solidité de l’ensemble ne saurait souffrir du moindre doute de qualité. Un son classique mais gras et puissant, des riffs traditionnels qui mutent selon l’humeur, une certaine propension à s’affoler quand la nervosité s’invite aux agapes (« Made Of Madness » au solo impeccable), pour un bilan tout à fait honnête. La cuvée de l’année fait donc partie des bons crus, et seul le temps nous dira si elle fait partie des millésimes00000.
En acceptant parfois de diluer sa force de frappe dans une fluidité de mouvement, Bone Collector s’intéresse plus aux muscles qu’aux os, et nous livre un souple et éraillé « Graveyard Kings ». Comme toute œuvre à caractère frondeur, Bone Collector nous laisse sur une note épique, avec les six minutes et des poussières de « Whispers Of The Damned », entre MAIDEN et RUNNING WILD. Beat lourd, emphase dramatique, pour une ultime étape avant le débarquement sur les côtes mondiales.
GRAVE DIGGER n’ayant jamais été le chantre du changement ou de la révolution (la leçon DIGGER des années 80 a bien été retenue), Bone Collector s’inscrit dans sa discographie comme un tatouage sur la peau de Phil Anselmo. En toute logique, sans regret tragique, sans manipulation magique. Un disque solide à défaut d’être profond, actif mais pas donneur de leçon, et qui ressemble à un gigantesque merci adressé à la fanbase, au taquet depuis des décennies.
L’Allemagne peut toujours compter sur ses fidèles chevaliers. Qui préfèreraient mourir que d’abandonner leur poste. Cette nouvelle bataille a tenu ses promesses, même si parfois, les coups semblent feints et les blessures superficielles. Mais ne chipotons pas et acceptons le spectacle pour ce qu’il est.
Titres de l’album:
01. Bone Collector
02. The Rich The Poor The Dying
03. Kingdom Of Skulls
04. The Devils Serenade
05. Killing Is My Pleasure
06. Mirror Of Hate
07. Riders Of Doom
08. Made Of Madness
09. Graveyard Kings
10. Forever Evil & Buried Alive
11. Whispers Of The Damned
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