De temps à autres, on prend son clavier, et on se murmure en son for intérieur : « Je suis trop vieux pour ces conneries »…On se souvient d’une adolescence lointaine, rythmée par la musique sauvage de groupes incendiaires, les après-midi passées entre potes à disséquer tel ou tel album, les concerts de groupes locaux ou proches, et cette quête permanente de sensations en découvrant de nouveaux albums, tous plus bruyants les uns que les autres.

Mais l’adolescence est loin, plus de trente-cinq piges, et si dodeliner du chef peut encore passer pour un hobby décent, le headbanging est devenu depuis longtemps un vestige du passé, lorsque les cervicales étaient encore en bonne santé. Alors, à quoi bon? Laisser ça aux petits jeunes qui maîtrisent le verbe et la connaissance, ou s’accrocher aux branches tant qu’on peut encore grimper au cocotier ? La seconde option est encore la bonne, encore plus lorsqu’on tombe sur un groupe totalement décomplexé de la rythmique et du solo. Car tout ça redonne du courage, et nous fait ressentir à nouveau les effets de la jeunesse sans les inconvénients de la bêtise.

La Finlande, on connait depuis longtemps. D’abord parent pauvre, le pays est devenu à l’instar de la Suède, de la Norvège et du Danemark l’un des plus gros exportateurs de souvenirs, et le refuge de tous les musiciens nostalgiques des années 80 et qui n’ont pas pu les vivre en temps et en heure. Et lorsqu’on découvre le tracklisting de ce premier mini-album des stars locales de RAPID, on se dit que finalement, la ligne du temps n’est pas forcément rectiligne.

Oyez, oyez, fans de vice, de perversions et autres sévices, accros aux décibels maltraités et aux instruments profanés. Le nouveau messie est arrivé, et propose une sorte de compilation regroupant son premier EP et une vieille démo. Au menu, ce qu’on appelle aujourd’hui du Black/Speed/Punk, et qui avant-hier s’appelait VENOM ou BULLDOZER. Recyclage ? Oui, encore une fois, mais avec la classe de ceux qui n’en ont rien à carrer. 

RAPID s’est formé en 2014, mais n’a toujours pas à ce jour daigné publier un album entier. Des feignasses ? Un peu oui, mais cette nonchalance n’a pas déteint sur leur musique, loin d’en faut. Non les gus seraient plutôt du genre pressé, adeptes du plan éclair et du riff débonnaire, le tout sur coulis d’arrangements étranges et autres embardées qui dérangent.

Vincent Revenge (basse/chant), The Goon (batterie) et Atte "Spectre" Nikku (guitare) sont cloutés, gainés de cuir, aiment la fumée violette et les grosses braguettes, mais vouent aussi un culte à la première vague Speed européenne, entre DESTRUCTION, BULLDOZER, LIVING DEATH et HELLHAMMER. Du sévère donc, mais qui sait séduire, par un habile jeu d’excès et d’exagérations notables. Comprenez donc que ce trio y va à fond, sans se poser de questions, en accentuant tous les aspects les plus vénéneux d’un courant musical haineux. 

On connaît la chanson, mais lorsqu’elle est beuglée de cette façon, on se reprend au jeu une nouvelle fois, en se souvenant de ces vinyles aux pochettes chamarrées qu’on découvrait dans le bac « nouveautés » de notre disquaire préféré. Blackstar Oppression Regime, vendu comme un EP est en fait le collage de deux précédentes sorties, le fameux EP du même nom, et la démo Deadly Torment de 2016. Un collage à l’arrache tant le son diffère d’une production à l’autre, mais qui a le mérite de présenter une grosse partie de l’œuvre des finlandais, qui ne devraient pas tarder à faire un effort pour allonger le timing.

Deux fois quatre titres donc, séparés de six années, pour un résultat qui comblera tous les enragés. Et après écoutes multipliées, j’avoue une nette préférence pour les titres de la démo Deadly Torment, plus sauvages, plus Punk, et plus amateur, entre la démo de 1983 et l’obscur 33 tours de 1984.

Le voyage en arrière est donc très clair, file comme l’éclair, et rappelle les premiers pas de l’école allemande de SODOM et KREATOR, en version moins bestiale et plus joviale. Guitare qui lamine en bonne et due forme, batteur calé sur un beat inchangé, le tout saupoudré d’un peu d’exotisme avec un chanteur se voulant lyrique et maniant le petit cri comme une belette en furie. On pense évidemment à des œuvres comme Bestial Invasion, Vengeance of Hell, voire aux premiers EXCITER avec un peu d’imagination, et à pas mal d’autres références plus ou moins évidentes. D’ailleurs, enregistrés quarante ans plus tôt, certains morceaux auraient pu figurer en bonne place sur une compile Metal Massacre, entre deux curiosités californiennes.      

Ça bastonne sec, ça ramone sévère, et si le El Chato finlandais maltraite ses cordes comme un vilain, c’est pour mieux nous happer au détour d’un lick endiablé.

Alors certes, à cinquante-et-un ans, je ne devrais plus écouter des trucs pareils. Mais que voulez-vous, quand on slamme, on a toujours vingt dents (en moins).  

Titres de l'album :

01. Manticore

02. The Arrival

03. Edge Of Eternity

04. Marines Of The Blackstar

05. Strike From Hell

06. Destructive Force

07. Queen Of Torment

08. Hades Descends... The Dark Realms

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