Ballistic, Sadistic

Annihilator

24/01/2020

Silver Lining Music

Il en va des groupes comme des amis d’enfance. Certains se font désirer et vous obligent à les appeler constamment pour avoir de leurs nouvelles, d’autres disparaissent corps et amitié, et certains à contrario n’hésitent jamais à débarquer chez vous ou à se fendre d’un coup de fil pour entretenir la relation. Jeff Waters fait assurément partie de cette catégorie d’amis/musiciens qui n’aiment pas trop se murer dans le silence pour provoquer des interrogations. Tous les deux ans, le franc-tireur canadien se rappelle à notre bon souvenir avec un nouvel album, ce qui en fait assurément le musicien le plus prolifique du Thrash (si l’on met de côté certains représentants de l’underground capables d’accoucher d’une œuvre dispensable tous les six mois). Mais je l’avoue, aussi forte soit ma sympathie pour le bonhomme, je ne lui ai pas toujours été fidèle. Et pour cause, puisqu’il n’a pas toujours été très pertinent dans son discours. Ses albums nineties n’avaient pas provoqué chez moi un intérêt flagrant, et il me fallut m’enthousiasmer pour l‘intégration de David Padden, chanteur puissant et racé ayant permis à son mentor de retrouver sa créativité pour que je jette deux oreilles attentives à son nouveau travail. Mais fidèle à sa réputation de tyran autosuffisant, Jeff a fini par montrer le chemin de la porte à son ancien complice, reprenant seul les commandes du navire. S’en était suivi un Suicide Society joyeux mais dispensable, mais surtout, un For The Demented efficace et féroce, ce qui confirmait l’impression générale d’instabilité de l’affaire, capable de générer un bon album tous les quatre ans, comme la coupe du monde de football. Si la logique semble régir le petit monde de notre canadien hyperactif, il n’hésite pas à la fouler du pied quand ça l’arrange, et ce dix-septième album en est une preuve formelle. Pourtant, avec sa pochette moyennement attractive et son titre un peu débile sur les bords dans sa recherche d’allitération, Ballistic, Sadistic pouvait inquiéter. Nous étions en doit de nous demander si Waters n’était pas une fois de plus parti en roue libre, lui qui garde le contrôle total de sa musique sans demander l’avis de personne. Mais au lieu de se contenter de continuer tant bien que mal ses expérimentations statiques (aussi bons soient ses disques, ils restent quand même assez similaires dans le fond et la forme), Jeff a opté pour une synthèse globale de sa carrière, mais sous un point de vue perfectionniste. Et autant le dire sans détour, Ballistic, Sadistic fait partie des meilleurs épisodes de la saga ANNIHILATOR.

Le premier qui me sort que ce dix-septième tome n’a pas l’aura d’un Alice in Hell ou d’un Never, Neverland se prend un bracelet clouté de Schmier en pleine face. Personne n’attend d’un auteur qu’il reproduise ses chefs d’œuvre, tâche impossible à laquelle tout le monde a renoncé, même les plus grands. Non, ce qu’on attend d’un album d’ANNIHILATOR, c’est qu’il dégouline de riffs saccadés, de soli inspirés, de breaks syncopés, et qu’il nous offre son lot de chansons à reprendre en chœur à la maison ou en live. De ce côté-là, ce nouveau segment de l’histoire est une épiphanie en soi. Une fois encore composé intégralement par Waters, avec semble-t-il un petit coup de main du bassiste Rich Hinks, et produit par le maître dans ses propres Watersound studios, Ballistic, Sadistic est une ode permanente au Heavy/Thrash le plus exubérant et festif, une démonstration de plaisir personnel partagé en groupe, un festival d’idées toutes plus pertinentes les unes que les autres. Première confirmation, Jeff a fait de méchants progrès au chant, se sentant désormais capable de dominer ses compos des cordes vocales au front sans problème. Son phrasé est de plus en plus précis, sa hargne presque palpable, et son débit s’accorde bien du trop-plein de plans dont bénéficient les morceaux. Nous en avons la démonstration directe dès l’emphatique « Armed To The Teeth » qui sonne comme l’hymne fatal qu’il est, dopé d’un son énorme qui malheureusement, comme souvent ces dix dernières années, confère à la batterie l’âme d’un panzer lâché plein gaz dans la nature pour tout ravager. Ne supportant que très mal ce son de grosse caisse ultra compressé, j’ai eu du mal à savourer la piste rythmique de cette introduction, qui fait pourtant partie de ce que Jeff a composé de plus efficace et direct depuis longtemps. Mais sans faire la fine bouche, et un peu plus de deux ans seulement après son dernier témoignage, ANNIHILATOR se montre dans une forme olympique sans pour autant s’écarter de sa ligne de conduite habituelle. Sauf que cette fois-ci, l’exigence a été poussée dans ses derniers retranchements pour que cet album sonne comme le faux Greatest Hits qu’il est, multipliant les allusions aux meilleurs efforts du concept.

La première impression générée par ces morceaux aboutit à un constat sans appel. Ballistic, Sadistic est l’un des albums les plus expressifs de la créature canadienne, et un survol quasiment exhaustif de son aventure. On retrouve les inserts purement Thrash d’Alice in Hell, les syncopes addictives de Never, Neverland, les automatismes en duo de la période Waters/Padden, mais surtout, le bonheur de pouvoir jouer une musique sans craindre sa réception par les fans, conquis d’avance par tant d’allant. Et il est certain que ne pas se montrer euphorique et hystérique à l’écoute d’un pavé Thrash de la trempe de « The Attitude » relève de la trahison pure et simple. En accélérant méchamment le tempo pour se rapprocher de la nouvelle vague old-school actuelle, Waters joue avec les époques et se moque gentiment de cette génération qui ne manque jamais une occasion de piller les grands anciens dont il fait partie. L’emphase a donc été mise sur l’efficacité, avec en point d’orgue des refrains taillés comme des leitmotivs, reprenant à pleins poumons des slogans qu’on imagine très efficaces en live. Toujours épaulé par l’équipe responsable de la dernière livrée (Aaron Keay Homma - guitare, Fabio Alessandrini - batterie et donc Rich Hinks - basse), Waters lâche la vapeur et compose les morceaux les plus heureux de son catalogue, appels au mosh le plus intense et au headbanging le plus atteint de démence pour nous entraîner dans un tourbillon d’euphorie qu’aucun temps mort ne vient interrompre. On peut se montrer dubitatif face à ce déferlement de colère saine, les plus sceptiques arguant du caractère répétitif de l’entreprise, mais lorsqu’on connaît le parcours et le côté complaisant du musicien, on se réjouit de retrouver la précision diabolique de Never, Neverland sur le terrible et énorme « Psycho Ward ». Et osons le dire, il n’y a pas grand-chose à jeter sur ce dix-septième effort, qui se permet même de tutoyer la perfection d’Alice in Hell à l’occasion d’un radical mais alambiqué « I Am Warfare ». C’est classique, mais tellement sincère qu’on ne peut que se laisser happer dans ce tourbillon de plaisir de jouer.

Lorsqu’il avait dix-sept ans, Waters voulait prouver au monde de quoi il était capable. Aujourd’hui aussi, sauf que tout le monde SAIT de quoi il est capable. Capable de se vautrer dans sa propre satisfaction, sans tenir compte des impératifs de composition qu’il a lui-même définis. Mais à cinquante balais, l’homme parait serein, attaque franc et malin (« Out With The Garbage »), et soigne chaque composition comme s’il devait en faire un hit éternel. On trouve évidemment du EXODUS dans ces morceaux qui explosent à la moindre étincelle, mais on constate surtout que l’homme n’a rien perdu de son touché et de son doigté lorsque les soli brillent de mille notes. Tout n’est pas digne d’un classique, mais l’envie globale et le résultat obtenu permettent à Ballistic, Sadistic de devenir le troisième meilleur album de la saga ANNIHILATOR, celui auquel nous aurions dû avoir droit en lieu et place du mièvre Set The World on Fire. A dans deux ans Jeff ? Ok, mais à condition que tu sois aussi remonté qu’aujourd’hui.          

                                   

Titres de l’album :

                       01. Armed To The Teeth

                       02. The Attitude

                       03. Psycho Ward

                       04. I Am Warfare

                       05. Out With The Garbage

                       06. Dressed Up For Evil

                       07. Riot

                       08. One Wrong Move

                       09. Lip Service

                       10. The End of The Lie

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 19/02/2020 à 17:55
85 %    996

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report

1984

mortne2001 10/01/2024

From the past

SÉLECTION METALNEWS 2023 / Bonne année 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2024

Interview
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Gargan

Très cool de découvrir ce groupe ! La présentation est plus fluide mais il faudrait laisser la place à un extrait à mon avis et ça permettrait de mieux rythmer la vidéo.

19/03/2024, 08:17

Arioch91

Perplexe également.Dehydrated et Out of the Body (Out, pas Ovt sans déconner ! C'est quoi leur manie de remplacer les U par des V ?) sans Martin Van Drunen, j'ai même pas assez de curiosité pour écouter ce que ça peut donner.

19/03/2024, 07:52

Arioch91

J'avais aimé le premier Vltimas. Il fait partie de cette tonne d'albums que l'on oublie mais qu'on ressort de temps à autre pour se les repasser et se dire "ah ouais, c'est pas mal" avant de les remettre en place.J'ai écout&eacut(...)

19/03/2024, 07:43

Arioch91

Ils n'ont pas encore viré la "nouvelle chanteuse" ?

19/03/2024, 07:39

DPD

Tant mieux pour ceux qui aiment moi ils me font chier avec cette fétichisation du metal old school.

18/03/2024, 17:37

stench

J'aime bien le principe de réenregistrer des classiques pour voir ce que ca donne avec un son actuel. Le problème est double ici : réenregistrer des morceaux récents n'a que peu d'intérêt, et surtout en me basant sur le titre mis en é(...)

18/03/2024, 13:13

Gargan

Oui, et non. Dans le sens que s'ils veulent vendre leur compile qui sent très fort le réchauffé, il vaut mieux qu'ils écoutent un minimum la base de fans qui seraient potentiellement intéressés par l'objet (et ils ne sont pas Maiden qui peu(...)

18/03/2024, 08:05

pierre-2

Pourquoi tout ce venin ???Y font ce qu'ils veulent non ?

17/03/2024, 14:26

Fran

J ai adoré ce film qui m'a fait connaître ce groupe. Depuis je me repasse  leurs tubes.

17/03/2024, 14:07

Nounours dit grizzly le magnifique

J’ai pris la version cd version digipack plutôt que le vinyle car il y avait 3 titres bonus .trop tôt pour donner un avis mais je ne m’ennuie pas, sans être transcendant mais on peut pas exigeant avec ce groupe et une telle carrière. Cela dit il fai(...)

16/03/2024, 11:55

Sphincter Desecrator

UHL: un groupe qui, quand il n'est pas là, manque.Désolé...

14/03/2024, 19:31

Humungus

Bon...Pour l'instant, je ne l'ai écouté qu'une seule fois...Mais dans l'ensemble, j'ai été quelque peu déçu.La faute à un côté Power bien trop présent tout au long de l'album.

13/03/2024, 07:24

Désanusseur de mère

groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom. FOUR

13/03/2024, 06:17

jo666

ça a l'air bien ce truc, en plus ils passent en mai à Grrrrnd Zero (69)

12/03/2024, 14:33

Cupcake Vanille

Vraiment une bien triste nouvelle...  RIP Blake 

12/03/2024, 08:25

MV

Sympa la fowce <3 

11/03/2024, 18:24

LeMoustre

Commande faite direct au label.Hâte d'écouter les nouvelles versions de The Song of Red Sonja ou The Thing in the Crypt.Meilleure nouvelle de la semaine,Merci pour la chronique en plus hyper favorable 

11/03/2024, 15:32

LeMoustre

Terrible.Déjà que le EP envoyait sévère dans la veine Wotan, early Blind Guardian ou Manowar, voici l'album !Achat obligatoire

11/03/2024, 14:55

senior canardo

toujours pas de Phobia à l'affiche.... j'y ai cru pour les 25 ans et tout  ...

11/03/2024, 07:39

LeMoustre

Miam

08/03/2024, 14:22