Né lors d'une tournée au Japon, le duo KILLING SPREE initié par Matthieu Metzger (KLONE, ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ, LOUIS SCLAVIS, MARC DUCRET, ANTHURUS D'ARCHER) est une alliance entre Metal et improvisation libre. Le saxophone fortement saturé et les machines construites de ses mains luttent sans cesse contre la batterie explosive de Grégoire Galichet - virtuose bien connu de la scène musicale extrême française (DEATHCODE SOCIETY, GLACIATION, KWOON, VENT DEBOUT…).
Voilà pour les présentations officielles. Passons maintenant aux choses plus sérieuses et pointues. KILLING SPREE est une nouvelle association d’iconoclastes, qui refusent les limites imposées par les genres. On connaît le truc, on peut citer des tonnes d’exemples, mais en définitive, il faut quand même écouter pour savoir de quoi il en retourne. Car s’affranchir est une chose. Proposer quelque chose de créatif et de valide en est une autre. La scène française a toujours été à la pointe de l’Avant-Garde, dont l’origine se trouve justement dans notre beau pays. Les années 70 ont été le terreau le plus fertile pour ces floraisons étranges, et des noms viennent immédiatement en tête. LE THEATRE DU CHENE NOIR, MAGMA évidemment, GONG, ART ZOYD, ALPES, DEFICIT DES ANNEES ANTERIEURES, j’en passe et de plus underground. Et cette tradition entre dadaïsme et Ornette Coleman trouve encore un écho dans notre beau pays, entre les mains de deux musiciens (trois pour être plus précis) libres, imaginatifs, un peu rêveurs sur les bords, mais terriblement rigoureux.
On vous promet toujours des tas de choses, mais le résultat est parfois loin des attentes. Alors, même si le nom de Matthieu Metzger fait immédiatement claquer la mémoire, il n’en reste pas moins que la méfiance est de mise. Après tout, la complaisance d’un enregistrement en deux jours et en live peut découler d’une certaine facilité abstraite qui ne s’adresserait qu’aux amateurs de Free Jazz en manque d’inédits. Heureusement pour nous Matthieu et Grégoire ne mangent pas de ce pain-là. Et si leur musique est abstraite, elle n’en reste pas moins drôle, lumineuse, solaire, stellaire, tellurique et onirique. Tirant parfois sur le cauchemar.
Evidemment, le Metal n’est pas toujours présent. Il ne faut pas non plus rêver. Mais dans un spectre de compréhension et d’appréhension allant de Frank ZAPPA à Christina VANDER, en passant par John ZORN et PAINKILLER, il garde une place importante dans le décor, qu’il soit malmené par les machines, souillé par un saxophone complètement branque, ou une rythmique aussi plombée qu’un tuyau de raccordement GRDF.
Jazz, Metal extrême, la combinaison est connue, et Camouflage se cache sous l’évidence de son titre qui vous indique clairement que les choses ne vont pas être claires. Toutefois, ce manque de clarté ne cache pas non plus une pénombre aveuglante. Il suffit juste de s’oublier dans cette musique aussi cacophonique qu’agressive, qui en un peu plus de dix minutes, vous dessine un décor de dessin-animé inventé par un schizophrène non-binaire/binaire converti au ternaire et aux joies des blanches frappées de toutes ses forces. De fait, le diptyque « All These Bells and Whistles » est certainement le point d’entrée rêvé pour pénétrer cette œuvre enregistrée sur le pouce par deux surdoués passionnés. En deux chapitre, Matthieu et Grégoire donnent une gigantesque leçon de violence à bien des groupes portés sur la chose, et qui confondent vilénie effective et gros son en esbroufe. Il ne suffit pas en effet de saturer les guitares au maximum et de hurler comme un beau diable (ou moche, c’est selon) pour se prévaloir d’une caution Metal. Ici, on ne beugle pas, mais on se rappelle des méthodes fluides de NOMEANSNO, des italiens de ZEUS, et autres ardents défenseurs d’une musique inspirée et expirée, qui caresse les anches et qui posent les mains sur tes hanches.
Pour t’agripper le derrière.
Danser un blues avec ces gens-là peut-être dangereux. Même s’ils sont animés des meilleures intentions d’animation, ils n’en demeurent pas moins des musiciens roublards. Pas fourbes, non, juste roublards. Du genre à vous entraîner dans un après-midi de rêverie avant de vous broyer les tympans en mode chromatique abusif. Testez votre résistance sur « 250 Slaves » qui rappelle les meilleures collaborations de Mick Harris par exemple. Beaucoup de bruit, et pas pour rien, des horreurs auditives, et des illusions sonores. Loin du gimmick fatiguant du saxo qui s’incruste à une fête Metal, Camouflage célèbre l’instrument et lui donne l’occasion de revêtir ses cuirs et clous. De faire un peu le malin en société et de rompre avec son image de carte postale des années 80, lorsque tout tube qui se respectait se devait de faire figurer un de ses soli.
Ici, rien n’est fait pour être joli ou pour procurer un quelconque confort. Ce qui n’induit pas forcément un malaise.
« Chanson de Cirque - Corrida de Muerte », c’est « La Corrida » de Cabrel vu au travers du prisme d’un SUN RA défoncé en pleine obsession Uncle Meat. Des drôles de voix, des drôles de patterns, une batterie qui n’en fait qu’à ses futs, et un instrumentiste génial qui s’amuse de ses propres créations pour passer en revue tout le catalogue des humeurs chafouines.
Je pourrais dire que le morceau « Camouflage! » est du génie pur, un génie qui sublime la simplicité d’une épaisse couche de surréalisme Jazz-Metal. Je pourrais. Et je le fais. Mais à vrai dire, et contrairement à beaucoup d’expériences semblables, Camouflage s’ingère très bien en un seul repas. La variété est telle que l’ennui reste derrière la porte, l’air renfrogné, alors que le saxo s’époumone comme un manifestant d’extrême-gauche.
KILLING SPREE est donc bien une virée meurtrière dans les rangs du conformisme. Pas mal de victimes, mais après tout, c’est juste pour rire.
Ou pas.
Titres de l’album :
01. A, C and B
02. Camouflage!
03. Disposable
04. The Psychopomp
05. Toute Cette Violence qui est en Moi
06. All These Bells and Whistles - part I
07. All These Bells and Whistles - part II
08. 250 Slaves
09. Chanson de Cirque - Corrida de Muerte
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09/12/2024, 12:15
Grotesque décision. La réaction du fest est saine et équilibrée, et remet les choses à leur juste place. Provoquer n'est pas prôner, et la provocation a souvent pour but de faire réagir, ce que les bien-pensants ne comprennent pas et ne compren(...)
09/12/2024, 10:26
Si j'ai bien compris il sera encore à pied d'oeuvre en studio.Et c'est le batteur de British Lion qui prend sa place en Live. C'est pas foufou comme annonce.
08/12/2024, 16:04
Il reste officiellement membre du groupe pour les albums etc ou c'est un départ officiel et définitif ?
08/12/2024, 15:12
À plus de 70 balais c’est compréhensible. C’est déjà incroyable cette longévité et ils peuvent arrêter maintenant ça ne choquera personne. Merci et bon vent
07/12/2024, 20:27
La vache ! Très curieux de savoir qui prendra son tabouret. En tout cas, pour avoir rencontr&eac(...)
07/12/2024, 17:46
Hey !! Mais merci pour cette super chronique !!On aurait pas fait mieux !!!
07/12/2024, 16:52
Couillu de sortir ça en France, je compte les jours avant un strike d'une assoc' ou d'un justicier des RS pour "isme", "apologie de", ou tout autre joyeuseté de la sorte.
05/12/2024, 08:36
ça m'a rappelé un film qui aurait apparaitre ici : get him to the greek ;)
04/12/2024, 09:46
Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)
03/12/2024, 13:55
Bravo pour remettre en lumière un groupe à part et spécialement la partie la plus ancienne de l'histoire de Stille Volk, largement méconnue (j'ai appris des choses). C'est en partie à cause du faible nombre d'interviews qu'ils ont pu fai(...)
02/12/2024, 20:13
"Le metalleux ne se fait pas au sans-gêne si fréquent partout ailleurs des papotages interminables aux premiers rangs"Tu m'étonnes John !!!C'est non seulement insupportable pour le public attentif, mais c'est surtout un manque de respect (...)
02/12/2024, 09:14