Dislocated

Charles East

17/12/2024

Brucia Records

On commence à avoir l’habitude de ces instruments barbares, le piano, les flûtes, le saxophone. Au départ, l’effet était bœuf, tellement habitués que nous étions à attendre une guitare saturée, une basse gonflée et une batterie méchamment frappée. L’introduction d’instrumentations hors-cadre nous surprenait et nous grattait dans le sens inverse des poils, mais aujourd’hui, quoi de plus normal que le Metal extrême sorte de sa tanière pour se frotter à la Folk, la Pop, le Classique ou l’Avant-garde ?

Alors, le premier album de CHARLES EAST, artiste torturé s’il en est n’est pas une franche avancée, ni une surprise démesurée. Malgré l’utilisation permanente d’un piano, et non d’un synthé, des inflexions piquées à MUSE (à bientôt au Hellfest), et une voix romantique à outrance, l’habitude sursoit un éventuel étonnement, le temps d’évaluer les dégâts et l’originalité de l’entreprise.

CHARLES EAST est un artiste complexe, au monde très personnel. Il se définit ainsi selon la très courte bio de son site officiel :

La musique d’EAST aborde des thèmes plus sombres allant de l’intolérance, de l’isolement et de l’obsession à la haine de soi et à l’agonie de la vie avec une voix qui plonge et s’élève du bord du désespoir jusqu’aux hauteurs furieuses d’une pure et ineffable angoisse  

Tout ceci ne nous renseigne pas plus sur le contenu de ce premier album, mais donne déjà des indices quant à la joie qu’il risque de propager. Avant de confier mes oreilles aux bons soins du sud-africain, j’ai lu sur le net que cet album était à prendre comme une épreuve, un trauma laissant des séquelles. Sans connaître les personnes ayant émis un tel jugement, je peux en dire qu’elles n’ont pas du souvent s‘aventurer hors des balises confortables du Metal. Car Dislocated n’est ni une épreuve, ni une Némésis. Il s’agirait plutôt d’un traité, signé entre deux parties consentantes, mises d’accord sur l’expression et la narration. Et si le piano est l’arme majeure d’une promotion toujours avide de gimmicks, l’ensemble est assez proche de ce que pourrait donner une collaboration entre Chelsea WOLFE et le vieil ANATHEMA.

Ce piano ténébreux et inquiétant se retrouvait déjà dans les cauchemars de Diamanda GALAS. Frappé comme un coup de semonce, caressé comme un linceul mortuaire, il guide les intros, et permet à Charles de laisser sa voix exceptionnelle partir en introspection pour en ramener les souvenirs les plus enfouis. « Is This My Doom? » est l’incarnation la plus parfaite de cette assertion, avec ces quatre notes répétées à l’envi noyées dans un maelstrom d’arrangements venteux et marins. Hypnotique, comme un chant de sirène, la voix de Charles est l’atout majeur de cette entreprise, concept obscur qui traite de la vie et la mort, et de tout ce qui se passe entre les deux.

Des choses pas très joyeuses.

Un peu funèbre, un peu lumineux, entre deux éclipses et loin du soleil, CHARLES EAST se disloque au son d’un vieux piano qui branle, et exprime ses terreurs diurnes et nocturnes en accentuant son vibrato. Lamentation musicale qui refuse le statisme et le pilotage automatique, ce premier album refuse aussi les longues digressions complaisantes pour proposer des chansons courtes, mais qui ont un fort impact sur l’humeur. Percussions tribales, ébènes et ivoires heurtés comme une punition, sous-mixage de la voix, murmures, reprise de souffle, intonations grandiloquentes, théâtralité macabre, les émotions sont aussi nombreuses que les éléments constituants, et le voyage sans retour permet de faire le point sur ses désirs et ses regrets.

Le (presque) constant affrontement entre la pureté du duo piano/voix et d’un background Doom électrique et pesant est assurément le point fort de cette quête de sens. Délicatesse des tremblements, glotte qui vibre et s’éteint, le paysage est parfois désolé, mais cache des trésors de beauté.

« I Am Your Consequence » en est une apogée, mais aussi une caractéristique importante. L’artiste fuit donc les préceptes Doom les plus inamovibles pour faire sien ce genre si prévisible dans son insistance. Et si l’originalité est indéniable, elle n’est pas provoquée. C’est simplement cette inspiration qui la génère et la laisse mener les débats, la bride fermement tenue.

Peut-être a-t-on trouvé le comparse idéal des pérégrinations de Chelsea WOLFE et Anna VON HAUSSWOLFF. C’est en tout cas ce que je retire d’une écoute attentive de ce premier long, qui a la décence de rester sous un timing raisonnable. De plus, les informations sont tellement riches et nombreuses qu’il faut du temps pour les analyser, encore plus pour en tirer des conclusions. Le single featuring Eva O est l’une des astuces les plus fines de ce disque, qui tire constamment sur la corde séparant la tristesse résignée de l’espoir fugace et condamné.

Ce début d’année 2025 est donc incroyablement fascinant. Les sorties s’accumulent et déjà, des chefs d’œuvre en émergent. CHARLES EAST ne fait pas exception à cette brève règle, et se place déjà dans le top des artistes les plus intrigants de son époque. Piano, voix, guitare, basse, batterie, de la peur, de la douleur, mais une envie de voir dans le noir pour traquer le dernier rai de faible luminosité.

Avant que le noir absolu ne nous ronge comme un chien son vieil os.   

                                                                                                                  

Titres de l’album:

01. It Holds My Viscera

02. Venom

03. I Am The Plague

04. Is This My Doom?

05. Diseased

06. I Am Your Consequence

07. Resting In My Blood (Feat. Eva O)

08. Inside My Pestilence And Rage Oblectation Vibrates

09. The Mouth

10. Damnation


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par mortne2001 le 24/03/2025 à 17:29
95 %    174
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