Failed State

Pillärs

10/06/2022

Autoproduction

Molotov cocktail of Sludge, Crust, and Doom. Thrown from Cleveland, Ohio.

Lorsque je tombe sur une accroche pareille, je prends, sans réfléchir, et la majorité du temps, je fais bien. Mais les PILLÄRS n’en sont pas à leur coup d’essai, et peuvent déjà s’appuyer sur une solide réputation dans l’underground, réputation largement assez sérieuse pour que ce deuxième album soit traité avec l’attention qu’il mérite. Mais venir de Cleveland, c’est déjà une promesse, celle de ne pas farder la vérité pour la rendre moins hideuse, et présenter les faits avec une honnêteté un peu brutale. Et si la vie à Cleveland ressemble à cet album, alors autant dire qu’elle ressemble à un combat quotidien contre la misère, la solitude, et la pauvreté de l’âme.

Les PILLÄRS (Louis Knight – basse, Chadd Beverlin – batterie et Zach G – guitare/chant) ne sont pas du genre à vous filer une accolade franche pour vous souhaiter la bienvenue. Non, ils vous demandent crument et sans détour d’aller sortir la poubelle, et de vous trouver vous-même une bière tiède dans le frigo en panne. Aucune amitié n’est possible avant des années avec des gus pareils, qui depuis Abandoned en 2018 mélangent les genres pour créer le leur, à base d’ingrédients disparates, mais qui une fois secoués dans le shaker de l’ignominie donnent un breuvage sévère, épicé, et quelque peu amer en foie.

Mais après tout, on se ne vante pas de mélanger le Doom, le Sludge, le Crust et le Grind pour faire plaisir aux minettes lors de la foire annuelle de Cleveland. Pour s’en targuer, il faut bomber le torse en allant chercher ses allocations, et regarder son instrument comme un pauvre animal pris dans un piège mortel. Produit sèchement, attaqué comme une montagne à gravir rapidement, Failed State est un constat de société tout à fait crédible et juste, et un manifeste de violence sourde, mais pas aveugle. Les Etats-Unis, comme partout ailleurs, évoluent dans un bordel de borgne qui croit encore que les yuppies sont les derniers héros du vingtième siècle et que le capitalisme prévaut sur l’écologie. Alors, on fait tourner la bagnole au moteur fatigué pour se délecter du dioxyde de carbone, et on fait griller les saucisses sur le capot.

Grosse basse, riffs qui moulinent classique, chant beuglé comme à la parade des clébards qui hurlent à la mort, et le tout est emballé dans un concert d’arrangements glauques, qui rappellent parfois HAWKWIND, et qui utilisent les codes du Post-Hardcore, mais qui finalement, ne répondent qu’à une seule exigence : faire le plus de barouf possible pour oublier ce quotidien mortifère.

Bien évidemment pas aussi glauque et pesant qu’une livre de chair de Boston ou Portland, Cleveland peut quand même compter sur ces trois olibrius pour s’incruster sur le podium des villes polluées par l’horreur. Et Cleveland et les siens ont un code d’honneur : ne pas prendre les gens pour des cons en lâchant un pétard fatigué qu’on fait passer pour un attentat géant. Alors, en effet, il y a du Doom et du Sludge sur ce deuxième album. Pas mal de Hardcore aussi, une grosse louche de Crust, mais surtout, une envie de dépeindre un paysage désolé, avec des nuances de gris, de noir et de blanc. Cet album refuse toute couleur un peu trop prononcée, et se veut urbain, aussi urbain qu’une promenade de santé des UNSANE à New-York, ou qu’un traitement aux électrochocs de NEUROSIS.

« Empty Space », le morceau le plus long, est aussi le plus laid, le plus maladif, le plus lent, et le plus évolutif dans le surplace. Loin des fioritures de MASTODON et proche de la méthode Coué inversée de Scott Kelly, PILLÄRS joue le moite, le pénible, le pachydermique, même si ce titre semble bien isolé dans la violence ambiante.

Cette violence est donc multiple, rapide, véloce même, trichant avec les convenances pour foncer sur la route du désespoir, et lorsque l’intro en percussions de « Something » résonne, on se dit qu’il y a effectivement un truc qui cloche avec l’Amérique d’aujourd’hui. On pensait que les choses reviendraient à la normale une fois Trump retourné dans sa cage de singe, mais à époque différente, malaise identique. Et ce malaise est formidablement bien traduit en musique par un groupe sans espoir vain, et sans illusions addictives.

Tout ceci est donc très vilain et déprimant, mais franc. Et finalement, un seul genre colle à la peau des trois originaires de l’Ohio : le Hardcore. Un Hardcore qui visite tous ses enfants et petits-enfants, qui leur fait la bise et leur laisse les rennes, et qui pose la bonne question, toujours aussi gênante : « Will It Ever End » ?

Jamais je crois, mais autant se satisfaire de cette fin de route abrupte, au risque de gâcher les quelques années nous restant. Nous en avons assez profité comme ça, et tout a échoué. Disparaissons donc dans la dignité, si nous en sommes capables.  

                                                                                                                                                                                                      

Titres de l’album:

01. War And Plague  

02. What Is Left        

03. GNAR

04. No Control          

05. Empty Space       

06. Something Wrong           

07. Failed State      

08. Will It Ever End


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 24/03/2023 à 17:19
82 %    393

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Ratos de Porão + All Borders Kill

RBD 22/07/2024

Live Report

HELLFEST 2024 / Clisson

Jus de cadavre 15/07/2024

Live Report

Escuela Grind + BMB

RBD 08/07/2024

Live Report

The Mandrake Project Live 2024

Simony 05/07/2024

Live Report

Hatebreed + Crowbar

RBD 18/06/2024

Live Report

Nostromo + Nwar

RBD 03/06/2024

Live Report

Dvne + My Diligence

RBD 29/05/2024

Live Report

Anthems Of Steel VI

Simony 24/05/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Buck Dancer

J'ai enfin pu voir la prestation ( décalage horaire oblige) et clairement c'était énorme. Du Gojira bien vénère et avec un son qui claque. Ça fait sincèrement plaisir a voir et entendre. Chapeau !!

27/07/2024, 08:43

Tourista

Oui, belle ouverture d'esprit au final. C'est pas tous les jours que cette culture là est assumée chez nous, à vrai dire JAMAIS donc ça procure une sensation étrange et puissante. Gros friss(...)

27/07/2024, 07:23

Buck Dancer

J'y pensais un peu a leur présence. On parle d'un groupe connu et reconnu a l'international et pour une cérémonie qui mettait en valeur la culture française, c'est qu'il ne soit pas présent qui aurait été malvenu.(...)

27/07/2024, 05:45

Saddam Mustaine

Magnifique ! Magistral ! Des monstres ! 

27/07/2024, 05:12

Totoro

Voilà, Chair de poule pour moi ! Et énormément de fierté ressentie pour le groupe, pour le Metal français, et la scène Metal dans son ensemble. J'ai adoré ! Et la scénographie était top ! Puis c'était du Gojira pur ju(...)

27/07/2024, 01:13

RBD

Pas tout regardé, pas tout aimé mais... ce truc-là était historique.

26/07/2024, 23:12

Jus de cadavre

C'était fou, point barre.

26/07/2024, 23:01

Wildben

Il y aura toujours des pisse-froid pour critiquer mais putain, quelle carrière !

26/07/2024, 20:01

Saul D

Et Lars jouera dans un film d'art et essai de Glen Danzig? Just joking...

26/07/2024, 14:21

Capsf1team

A retrouver en live au Puy du Fou

26/07/2024, 10:24

Humungus

La drogue c'est mal, m'voyez... ... ...

23/07/2024, 07:58

Humungus

J'ai rien contre Agell, mais passer après Wagner, c'est une putain de gageure...A voir (ou plutôt à entendre) ce que cela vaut avec Reagers... ... ...

23/07/2024, 07:43

RBD

L'intermède du projet parallèle Corrupter annonçait assez bien cette suite pour le principal. C'est une forme de retour aux sources du Death le plus obscur, mais par un chemin un peu différent que les premières publications du groupe Cévenol au (...)

22/07/2024, 19:23

totoro

ce serait sympa un nouvel album de Tiamat !Tiens d'ailleurs, quelqu'un aurait-il un retour à faire de leur concert au Hellfest ?Merci d'avance !

21/07/2024, 13:53

Gargan

La signature chez Prophecy laissait supposer un changement de style, on n’est plus en effet sûr du black up tempo. Pas sûr qu’ils aient dû garder le même nom.

20/07/2024, 14:45

Ivan Grozny

Ah mince alors :(

20/07/2024, 11:20

petite catin

En même temps, fallait pas espérer qu'ils reprennent 666 millions d'esclaves et de déchets de Peste Noire.

19/07/2024, 15:49

grinder92

la vidéo du bidule : https://www.youtube.com/watch?v=t0K2EVnkhC0

19/07/2024, 08:12

Jus de cadavre

On me dit dans l'oreillette que la femme de Rob (qui est française) est fan d'Indochine et qu'elle ne serait pas étrangère à cette décision de reprise... L'amour rend aveugle, mais sourd aussi apparemment.

18/07/2024, 14:59

Humungus

Monument.

18/07/2024, 13:39