Molotov cocktail of Sludge, Crust, and Doom. Thrown from Cleveland, Ohio.
Lorsque je tombe sur une accroche pareille, je prends, sans réfléchir, et la majorité du temps, je fais bien. Mais les PILLÄRS n’en sont pas à leur coup d’essai, et peuvent déjà s’appuyer sur une solide réputation dans l’underground, réputation largement assez sérieuse pour que ce deuxième album soit traité avec l’attention qu’il mérite. Mais venir de Cleveland, c’est déjà une promesse, celle de ne pas farder la vérité pour la rendre moins hideuse, et présenter les faits avec une honnêteté un peu brutale. Et si la vie à Cleveland ressemble à cet album, alors autant dire qu’elle ressemble à un combat quotidien contre la misère, la solitude, et la pauvreté de l’âme.
Les PILLÄRS (Louis Knight – basse, Chadd Beverlin – batterie et Zach G – guitare/chant) ne sont pas du genre à vous filer une accolade franche pour vous souhaiter la bienvenue. Non, ils vous demandent crument et sans détour d’aller sortir la poubelle, et de vous trouver vous-même une bière tiède dans le frigo en panne. Aucune amitié n’est possible avant des années avec des gus pareils, qui depuis Abandoned en 2018 mélangent les genres pour créer le leur, à base d’ingrédients disparates, mais qui une fois secoués dans le shaker de l’ignominie donnent un breuvage sévère, épicé, et quelque peu amer en foie.
Mais après tout, on se ne vante pas de mélanger le Doom, le Sludge, le Crust et le Grind pour faire plaisir aux minettes lors de la foire annuelle de Cleveland. Pour s’en targuer, il faut bomber le torse en allant chercher ses allocations, et regarder son instrument comme un pauvre animal pris dans un piège mortel. Produit sèchement, attaqué comme une montagne à gravir rapidement, Failed State est un constat de société tout à fait crédible et juste, et un manifeste de violence sourde, mais pas aveugle. Les Etats-Unis, comme partout ailleurs, évoluent dans un bordel de borgne qui croit encore que les yuppies sont les derniers héros du vingtième siècle et que le capitalisme prévaut sur l’écologie. Alors, on fait tourner la bagnole au moteur fatigué pour se délecter du dioxyde de carbone, et on fait griller les saucisses sur le capot.
Grosse basse, riffs qui moulinent classique, chant beuglé comme à la parade des clébards qui hurlent à la mort, et le tout est emballé dans un concert d’arrangements glauques, qui rappellent parfois HAWKWIND, et qui utilisent les codes du Post-Hardcore, mais qui finalement, ne répondent qu’à une seule exigence : faire le plus de barouf possible pour oublier ce quotidien mortifère.
Bien évidemment pas aussi glauque et pesant qu’une livre de chair de Boston ou Portland, Cleveland peut quand même compter sur ces trois olibrius pour s’incruster sur le podium des villes polluées par l’horreur. Et Cleveland et les siens ont un code d’honneur : ne pas prendre les gens pour des cons en lâchant un pétard fatigué qu’on fait passer pour un attentat géant. Alors, en effet, il y a du Doom et du Sludge sur ce deuxième album. Pas mal de Hardcore aussi, une grosse louche de Crust, mais surtout, une envie de dépeindre un paysage désolé, avec des nuances de gris, de noir et de blanc. Cet album refuse toute couleur un peu trop prononcée, et se veut urbain, aussi urbain qu’une promenade de santé des UNSANE à New-York, ou qu’un traitement aux électrochocs de NEUROSIS.
« Empty Space », le morceau le plus long, est aussi le plus laid, le plus maladif, le plus lent, et le plus évolutif dans le surplace. Loin des fioritures de MASTODON et proche de la méthode Coué inversée de Scott Kelly, PILLÄRS joue le moite, le pénible, le pachydermique, même si ce titre semble bien isolé dans la violence ambiante.
Cette violence est donc multiple, rapide, véloce même, trichant avec les convenances pour foncer sur la route du désespoir, et lorsque l’intro en percussions de « Something » résonne, on se dit qu’il y a effectivement un truc qui cloche avec l’Amérique d’aujourd’hui. On pensait que les choses reviendraient à la normale une fois Trump retourné dans sa cage de singe, mais à époque différente, malaise identique. Et ce malaise est formidablement bien traduit en musique par un groupe sans espoir vain, et sans illusions addictives.
Tout ceci est donc très vilain et déprimant, mais franc. Et finalement, un seul genre colle à la peau des trois originaires de l’Ohio : le Hardcore. Un Hardcore qui visite tous ses enfants et petits-enfants, qui leur fait la bise et leur laisse les rennes, et qui pose la bonne question, toujours aussi gênante : « Will It Ever End » ?
Jamais je crois, mais autant se satisfaire de cette fin de route abrupte, au risque de gâcher les quelques années nous restant. Nous en avons assez profité comme ça, et tout a échoué. Disparaissons donc dans la dignité, si nous en sommes capables.
Titres de l’album:
01. War And Plague
02. What Is Left
03. GNAR
04. No Control
05. Empty Space
06. Something Wrong
07. Failed State
08. Will It Ever End
Voyage au centre de la scène : interview de Jasper Ruijtenbeek (The Ritual Productions)
Jus de cadavre 07/05/2023
Élue pochette de l'année. Et musicalement c'est pas dégueu. Faut que j'écoute ça attentivement.
29/05/2023, 16:54
Ça sentirait pas un peu la pochette faite par IA ça ?. Midjourney sera bientôt le "cover artist" le plus productif sur Metal archives...
26/05/2023, 20:56
Le premier album a énormément tourné chez moi, gros Hardcore à bagarre avec riffs à la Slayer mais toujours avec une ambiance... jouasse ! Genre, du HxC en chemise Hawaïenne.Mais là je dois dire que le titre Good Good Things m'a fait dr&o(...)
25/05/2023, 18:25
RIPC'est quand même le second du line originel qui passe l'arme à gauche....
25/05/2023, 15:17
Grosse perte, voilà un Monsieur dont la contribution à la scène Rock en général est largement inconnue.Un grand merci pour avoir permi tant de chose et montrer non pas une mais plusieurs voies possibles pour s'exprimer dans la musique.
25/05/2023, 08:37
MARDUK a communiqué depuis en disant que ce n'était là que l'une des nombreuses fois où il est apparu totalement ivre sur scène (il aurait par exemple fait un streap tease sur scène...) et que c'était une condition de départ p(...)
25/05/2023, 08:35
Du calme les excités antitout, vous disiez pareil de slayer, jouer avec l'interdit c'est tout à fait l'esprit adolescent du metal
24/05/2023, 21:49
Le clip - aussi moche soit il - est déjà bien plus intéressant que 99% des clips métal réalisé en usine désaffecté avec ces sicos mode playback.
24/05/2023, 16:39
L'intelligence artificielle n'est pas - par définition - l'intelligence. Un bon monde d'assistés qui se prépare.Le clip n'est pas si mal malgré tout.
24/05/2023, 15:10
Juste au moment où je me mets à apprécier de nouveau pleinement Type-O après une parenthèse de presque vingt-cinq ans... Comme quoi il reste toujours un public pour les grands groupes même après leur disparition active.
24/05/2023, 13:44