Frontal

Turbulence

12/03/2021

Frontiers Records

Nouvelle signature chez Frontiers, et triple surprise. La première, est que le groupe TURBULENCE nous vient du Liban, un pays peu connu pour ses exports métalliques. La seconde, est que le nouvel album de cet ensemble se concentre sur un concept légèrement excentrique, qui dénote dans la production mondiale. La troisième, est que ces musiciens risquent fort de mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière du Metal Progressif avec leur talent et leur culot. TURBULENCE, né en 2013, n’en est pourtant pas à son coup d‘essai, puisque le groupe a déjà publié un premier long en 2015, qui laissait présager d’un potentiel certain, mais qui n’avait alors pas les armes pour déstabiliser l’ordre mondial, ni les fans du genre. Disequilibrium était certes prometteur, mais ne cachait en ses sillons que des éventualités et des capacités encore embryonnaires, et les six ans le séparant de ce Frontal ont permis aux musiciens de développer leur art et de faire preuve d’audace dans la composition et l’instrumentation. En résulte une œuvre riche et complexe, portée par une histoire pour le moins originale, qui nous éloigne enfin des sempiternels combats manichéens qui d’ordinaire battent le pavé des thématiques progressives modernes.

Frontal s’intéresse ainsi à l’histoire extraordinaire de Phineas P. Gage, contremaître des chemins de fer au dix-neuvième siècle, qui après une erreur de manipulation s’est vu transpercé par un bourrier, le privant de son œil gauche et laissant des séquelles psychologiques assez importantes. Devenu une véritable attraction pour la science, le pauvre ouvrier n’en connut pas moins une existence mouvementée, son caractère devenant changeant après son accident le laissant miraculeusement en vie. Passant de petit boulot en petit boulot, il termina sa vie comme un pauvre hère condamné par un miracle du destin qui fit de lui le héros d’une histoire fort peu commune.

TURBULENCE nous propose donc de suivre son parcours, de cet accident initial lui laissant un immense trou dans le crâne, jusqu’à sa mort en 1860, en passant par les changements subis par sa personnalité. Il était alors évident que les musiciens ne pouvaient s’en tirer avec une musique consensuelle pour raconter cette légende totalement improbable (on a même cru pendant des années en voyant un daguerréotype qu’il était chasseur de baleine, et il a même été identifié en tant que tel). Le quintet a donc dû développer des trésors d’imagination pour mettre en musique cette saga humaine, et s’en tire avec plus que les honneurs, proposant un album novateur, osé, rythmiquement imparable et à la limite du Djent parfois, sans tirer sur la corde de la démonstration. Mais autant dire que les musiciens du groupe sont tous des références dans leur domaine, et que l’équilibre proposé par leurs chansons est tout bonnement bluffant.

Le concept TURBULENCE est né à l’origine de la fusion humaine et créative entre le guitariste Alain Ibrahim et le claviériste Mood Yassin. Après un bref échange d’idées, les deux hommes ont vite compris qu’ils pouvaient être complémentaires et proposer un art légèrement différent de ce que l’on entend à longueur d’année. En 2021, le duo de base est accompagné d’un trio, avec Anthony Atwe à la basse, Omar El Hajj au chant et Sayed Gereige à la batterie, et Frontal présente donc leur travail de rénovation d’un style qui en a parfois besoin pour ne pas se reposer sur ses lauriers. Evidemment très heureux de faire partie de l’écurie Frontiers, les TURBULENCE ont donc poussé leurs capacités dans leurs derniers retranchements, faisant appel à une bravoure mélodique et rythmique comme on en rencontre assez peu dans le monde du Progressif contemporain, qui a souvent tendance à utiliser de vieilles recettes sans les remettre au goût du jour. N’allez toutefois pas croire que le quintet représente le renouveau d’un genre ou ses perspectives les plus fertiles. La base de travail de Frontal est la même que celle de n’importe quel autre album du cru, mais l’interprétation interpelle. Entre ces arrangements modernes et ce traditionalisme harmonique, l’album se décale pour coller à l’incongruité de sn histoire, et nous entraîne dans le passé tout en nous tirant vers l’avenir.

Avec huit morceaux de durées conséquentes, Frontal est un choc similaire à celui subi par le héros de ce concept, Phineas P. Gage. On découvre alors un côté bipolaire à TURBULENCE qui alterne les passages choc et les longues suites mélodiques pour mieux s’identifier à la personnalité de ce pauvre contremaître ayant subi des dommages irréversibles. « Inside The Gage » le présente d’ailleurs avec une acuité certaine, la partie rythmique évoluant au gré de l’inspiration pour ne jamais se réguler sur un beat quelconque. Les humeurs se succèdent donc bon train, entre contemplation harmonique et coups de boutoir d’une section basse/batterie décidément incroyable, et il est relativement difficile de mettre tel ou tel participant en avant tant tous développent une technique de jeu bluffante à leur façon. Tout au plus pourrons-nous louer les qualités incroyables d‘un chanteur versatile capable de se montrer aussi lyrique que menaçant, tergiversant entre les montées dans les aigus et les descentes dans les growls.        

  

Entre les illusions rythmiques, la polyrythmie, les mélodies sombres, un melting-pot de synthé cruchy de chant profond, de parties de batterie complexes, et un flux ininterrompu de riffs qui mélangent la virtuosité du Jazz et la tension du Metal progressif, jusqu'à des textures ambiantes dominés par un chant clair, Frontal est un grand-huit émotionnel, un voyage truffé de surprises et de détails dans chaque recoin.  

 

Et loin d’un argument promotionnel, ce petit laïus du groupe ne fait que décrire un fait, et mettre une réalité en mots. Durant les onze minutes de ce premier chapitre, le quintet fait étalage de toutes ses capacités, sans oublier la force d’une composition solide. Mais loin de résumer l’entreprise, ce premier morceau ne fait que disposer quelques idées sur la table. Entre longues évolutions riches et transitions courtes mais harmonieuses (« Dreamless »), ambiance doucereuse et attaques frontales (sic) qui ne ménagent ni l’auditeur ni le sujet du concept (« Ignite »), TURBULENCE passe en revue les exigences du Metal moderne, pour mieux nous flatter les tympans de moments de grâce pure (« Crowbar Case », qui réconcilie MARILLON, PERIPHERY et DREAM THEATER, sous l’œil bienveillant de PORCUPINE TREE).

L’album, malgré son heure de narration passe donc comme dans un rêve, et rend un bel hommage à un homme extraordinaire. L’émotion dégagée par « Faceless Man » rappelle sa triste condition d‘homme défiguré à jamais, tandis que la violence du final « Perpetuity » épouse les contours d’une fin triste et inéluctable. Belle association que celle liant Frontiers aux TURBULENCE, et merci au label italien pour cette découverte importante.   

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Inside The Gage

02. Madness Unforeseen

03. Dreamless

04. Ignite

05. A Place I Go To Hide

06. Crowbar Case

07. Faceless Man

08. Perpetuity


Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 07/04/2021 à 18:30
90 %    1397
Derniers articles

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
DL100

Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)

04/07/2025, 07:16

Ivan Grozny

Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !

03/07/2025, 16:57

Ivan Grozny

Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour,  mais pour le moment bof.

03/07/2025, 16:47

Jus de cadavre

Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)

03/07/2025, 12:55

Buck Dancer

Toujours aussi léger !!! 

03/07/2025, 03:25

Simony

Clairement ! Trop de blabla et de remplissage.

02/07/2025, 18:56

Jeff48

Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché,  pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot

02/07/2025, 16:01

Jourdain R.

Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)

02/07/2025, 15:38

vomi d\'anus

@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.

02/07/2025, 12:25

Benstard

La blague. 

02/07/2025, 10:20

Arioch91

@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)

02/07/2025, 08:50

Ultra Pute

@senior boomerdo : va changer ta couche, grand-père

01/07/2025, 20:38

Ultra Pute

ok boomer

01/07/2025, 20:36

LeMoustre

Pas trop mal dans l'idée.Vocalement on s'y tromperait aussi.A voir sur tout l'album, le précédent, mis à part l'opener, m'avait bien déçu 

01/07/2025, 15:38

senior canardo

ça tartine ! bien cool cool cette grosse basse @niquetoncul oui ça doit te changer de Jinjer   

01/07/2025, 14:19

Buck Dancer

Prost. Celtic Prost.

01/07/2025, 03:16

Gargan

Quand tes parents écoutaient Bal Sagoth et Demilich   

30/06/2025, 20:17

Nique ton cul

Tiens, le retour du papy boomer! Normal, quand du thrash de croulant, il sort de l'ehpad. Et si c'est pas signé, c'est que c'est nul à chier, pépé!

30/06/2025, 19:47

LeMoustre

Toujours aussi bon.Pas de label ?

30/06/2025, 14:35

Ivan Grozny

Si seulement Spiros pouvait arrêter d'haranguer le public toutes les 30 secondes avec ses "come on my friends", les lives de Septicflesh y gagneraient beaucoup.

30/06/2025, 11:36