Voilà du français qui sonne suédois avec une production américaine. Intéressant mélange, d’autant qu’il s’agit d’un premier long, toujours crucial dans la carrière d’un groupe. Et encore plus avec un parcours erratique interrompu par un long hiatus. Dix ans pour accoucher de cette première œuvre, dont le destin a été suspendu à la disponibilité d’un de ses auteurs. Fondé à Toulouse en 2014, SULFATOR n’a eu que deux ans pour faire ses classes, avant que Romain Carroussel ne déménage à Paris pour y vivre pendant quatre ans. Le résultat a donc coulé de source, avec un Feed The Demon en format court, avant ce silence imposé par les circonstances.
2025, la donne a changé, et le frontman est rentré au bercail depuis plusieurs étés. C’est ainsi que le quatuor a pu se laisser aller à son inspiration, pour donner corps à ces huit morceaux, très ancrés dans les nineties glacées de Göteborg. Visiblement impressionné par la violence et l’efficacité d’AT THE GATES et SOILWORK, SULFATOR peut prétendre à quelques hommages bien mérités, sa musique faisant montre d’un potentiel technique certain et d’ambitions de composition indéniables.
Romain Carroussel (guitare/chant), Pierre-Axel Barrier (guitare/chœurs), Antoine Hallay (basse/guitare acoustique) et Bastien Peyras (batterie/grognements) se présentent donc à nouveau les cheveux propres et le regard perçant. Jouant constamment avec les frontières de genre, le quatuor se permet des incartades en terre Death, en accentuant la pression et en laissant son batteur en démonstration. Truffé de plans héroïques, Gemini est un festival donné en l’honneur d’un Thrash bien né, mélodique mais secoué, agressif mais policé. Le meilleur de deux ou trois mondes donc, pour une solidité qui ne se dément pas pendant plus de quarante-cinq minutes.
Mais l‘avertissement donné par « Imperium » est suffisamment péremptoire pour que vous compreniez les sanctions possible en cas de mauvaise foi. Ce premier titre, l’un des plus explosifs du lot est un mariage pas du tout contre nature entre le Death mélodique scandinave, le Thrash/Death à l’américaine, et l’excitation bien française des NO RETURN et autre LOUDBLAST.
La fluidité est remarquable, le son parfaitement équilibré, et le tout est aussi cohérent qu’une claque après un moment d’égarement. Parsemé de breaks, d’idées plus sombres, d’interludes narrés, de dissonances imposées et de fulgurances pulsées, Gemini est un modèle du genre, de ceux que l’on présente en avant-première aux salons pour faire baver la clientèle potentielle.
Un poil de la rigueur canadienne pour sucrer le plat, des guitares qui saccadent comme des putois, une dualité vocale classique et des attaques cycliques, l’ennui est donc prié de rester à la porte pour que les convives s’emportent. Je concède une légère préférence pour le monstrueux « Over Space and Time », qui résume à merveille toutes les options validées, et qui présente le contraste le plus prononcé. Utilisant à bon escient la douceur de guitares en son clair, laissant la basse friser comme Julien Clerc, SULFATOR cite TESTAMENT et METALLICA, tout en gardant une grosse partie du métrage dans une zone de combat. On se laisse donc malmener par un instrumental tout sauf sage, et par un chant en nage, histoire de bien comprendre le pourquoi du comment. Problématique simple s’il en est :
Talent + ambitions = album canon.
SULFATOR a donc comme son nom l’indique sorti la sulfateuse, mais pas pour la laisser parler sans bégayer. Non, l’arme fatale n’est sortie que lorsque l’ambiance se raidit, le reste du temps, le regard véhément suffit pour impressionner le chaland. Inutile d’en faire trop lorsque trois coups de semonce suffisent, et la semence répandue par ce premier album a de quoi fertiliser bien des sols.
Parfois plus abordable et classiquement Thrash, le travail des toulousains résume quelques décennies de Metal bourrin pour donner naissance à un morceau aussi traditionnel qu’il n’est pluriel. Ainsi, « Voidblast » virevolte comme un moineau coincé dans un patio, et renverse tout sur son passage, avec une double grosse caisse vraiment pas sage, et des lignes de chant de sauvage.
Construit pour ne pas lasser ni se répéter, Gemini transpire ses codes et nous laisse à penser qu’il a bénéficié d’un traitement à la VOÏVOD, puisque les dissonances et autres discordances sont toujours à l’affût. Ces mêmes dissonances sont claquées sur l’autel de l’ultraviolence, avec blasts touffus et chant jamais repu. La logique aurait voulu que le groupe termine sur un gros morceau bien trapu, et c’est justement ce qu’incarne l’épais et énervé « Obsidian Son ».
Heavy, Trash, Death, mélodies, attaques rythmiques sans merci, SULFATOR a bien tassé la poudre et nous canarde à vue. Très professionnel, ce corps d’armée musical peut enfin savourer les fruits de son travail, et commencer à préparer la longue bataille. En live, on attend l’explosion, et si tournée il y a, les blessés vont se compter par milliers.
Sortez le SULFATOR et battez-vous jusqu’à la mort.
Titres de l’album:
01. Imperium
02. Genomorphis
03. Protocol Zero
04. Chaos Division
05. Over Space and Time
06. Voidblast
07. Path of Gemini
08. Obsidian Son
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!
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